« La Turquie est un pays définitivement laïque », elle « respecte les règles fondamentales de la vie en commun », et avec des gouvernements qui respectent ces règles « on peut dialoguer et construire ensemble le bien commun dans la sphère européenne », « y compris jusqu’à une entrée dans l’Europe ».
Déclaration du cardinal Tacisio Bertone, secrétaire d’Etat du Vatican, dans une interview à La Stampa.
Les rares chrétiens qui restent en Turquie, qui n’ont aucun droit et surtout pas celui de construire une église, vont être contents...
Et le parti islamiste au pouvoir doit bien rigoler...
(Sur de précédentes déclarations du même cardinal, voir ici.)
Addendum
Suite au commentaire de beatriceweb (voir commentaires). L'AFP et l'ATS (dans leurs premières dépêches) ont commis une belle erreur de traduction. Le cardinal a dit que la Turquie est définie comme laïque, et non qu'elle est définitivement laïque. Dont acte
Il n'en reste pas moins qu'il est hallucinant, pour un dignitaire de l'Eglise, de prétendre que le gouvernement turc "respecte les règles de la vie en commun". Même la Commission européenne, qui veut pourtant à toute force que la Turquie intègre l'UE, critique les discriminations religieuses dans ce pays. Combien plus un cardinal devrait-il déplorer les persécutions dont les chrétiens sont victimes. A commencer par l'inscription automatique du nouveau-né chrétien comme "musulman"... Et c'est aussi "respecter les règles de la vie en commun" d'interdire obstinément au patriarche oecuménique de rouvrir un séminaire? Et c'est aussi "respecter les règles de la vie en commun" que de refuser de reconnaître les génocides arménien et assyro-chaldéen ? Et dans un autre domaine, c'est aussi "respecter les règles de la vie en commun" de vouloir intégrer l'UE en refusant de reconnaître l'un des pays membres ? De quelque côté qu'on envisage la question, une telle affirmation est irrecevable.
Addendum 2 - Je veux bien admettre l’interprétation selon laquelle le cardinal Bertone porterait un jugement hypothétique ou optatif. J’observe toutefois qu’il parle à l’indicatif présent, ce qui n’est pas la façon la plus claire de parler au conditionnel... Mais, même s’il en est ainsi, il reste qu’il se montre favorable à l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne. Il avait déjà tenu des propos similaires en décembre dernier : « Aujourd'hui, la Turquie connaît un système de laïcité particulier et un régime qui tend vers plus de démocratie. Il est de l'intérêt de l'Europe de l'aider à être une véritable démocratie pour consolider toujours plus un système de valeurs… Laisser la Turquie hors de l'Europe risque en outre de favoriser le fondamentalisme islamiste à l'intérieur du pays. »
Je me permets de rappeler à ceux qui se refusent à toute critique que si le pape n’est pas infaillible en matière politique, a fortiori le secrétaire d’Etat ne l’est pas. Il est donc parfaitement licite de critiquer le cardinal Bertone, et de dire que la Turquie ne doit pas intégrer l’Union européenne, tout simplement parce qu’elle n’est européenne en aucune manière.
Commentaires
Cher Yves Daoudal,
J'ai trouvé l'article original de "la Stampa", et je l'ai traduit: franchement, je trouve que ce qu'il a dit n'est pas aussi caricatural que les dépêches d'agence ne le laisseraient supposer. Il s'agit de propos extraits de leur contexte, comme c'est souvent le cas. En fait, c'est la réponse à la dernière (brève) question d'un entretien qui portait sur tout autre chose
Cordialement
Bonjour
J'invite les honorables lecteurs du blog d'Yves Daoudal à porter leur attention sur un livre récent de Raphaël Stainville, Pages de sang, un prêtre français témoigne du massacre des Arméniens, Presses de la Renaissance, 2007.
L'auteur est passé à plusieurs reprises sur les ondes de Radio courtoisie (exemple : http://radio-courtoisie.over-blog.com/article-10625902.html).
L'ouvrage peut être commandé à : http://www.presses-renaissance.fr/auteur.php?id_aut=20664
Bien à vous
Le cardinal Bertone, en effet répond rapidement à une question de fin d'interview (méfiez-vous des fins d'entretiens) Béatrice le fait très bien observer.
De plus la question de l'opportunité n'entre pas dans la compétence de l'Eglise. Elle ne juge pas des politiques humaines. L'autonomie de la sphère laïque est un absolu de la morale catholique.
Selon moi, la réponse du cardinal n'est donc pas un jugement porté sur l'opportunité de l'entrée de la Turquie en Europe, mais un jugement moral et hypothétique ("dans le cas où...") ou optatif (pourvu que les règles de la vie en commun soit respectées etc.)
Il est donc faux de faire dire au cardinal qu'il juge de la politique des peuples européens et qu'il tranche en faveur de la Turquie, c'est de la désinformation.