Dans son commentaire de l’évangile de ce jour (Luc 9, 1-6), saint Ambroise répond d’une certaine façon à ceux qui jugent stupide le propos d’une participante au pèlerinage de Chartres : « La sainteté passe par les pieds. »
Quel doit être celui qui annonce le Royaume de Dieu, les préceptes de l'Évangile l'indiquent : sans bâton, sans besace, sans chaussure, sans pain, sans argent, c'est-à-dire ne recherchant pas l'aide des ressources de ce monde, abandonné à la foi, et comptant que moins il recherchera les biens temporels, plus ils pourront lui échoir. On peut, si on le veut, entendre tout cela au sens suivant : ce passage aurait pour but de former un état d'âme tout spirituel, qui semble avoir dépouillé le corps comme un vêtement, non seulement en renonçant au pouvoir et en méprisant les richesses, mais en écartant même les attraits de la chair. (…)
De même qu'il est supposé qu'on leur offrira le bienfait de l'hospitalité, de même, s'ils ne sont pas reçus, ils ont ordre de secouer la poussière de leurs pieds et de sortir de la ville ; ce qui nous apprend qu'une bonne hospitalité n'est pas petitement récompensée : non seulement nous procurons la paix à nos hôtes, mais s'ils sont couverts de la poussière légère des fautes, recevoir les pas des prédicateurs apostoliques enlève celles-ci. (…)
Mais si nous avons là, au sens littéral, la teneur d'un précepte vénérable qui touche au caractère religieux de l'hospitalité, l'interprétation mystérieuse et spirituelle nous sourit. Quand on choisit une maison, on se met en quête d'un hôte digne. Voyons donc si ce ne serait pas l'Église qui est désignée à notre préférence, et le Christ. Est-il maison plus digne d'accueillir les prédicateurs apostoliques que la sainte Église ? qui, pour être préféré à tous, a plus de titres que le Christ ? Il a coutume de laver les pieds à ses hôtes, et du moment qu'il reçoit dans sa maison, II ne souffre pas qu'on y séjourne avec des pieds souillés, mais, si fangeux qu'ils soient de la vie passée, II daigne les nettoyer pour la suite du voyage. C'est donc Lui seul que personne ne doit quitter, dont personne ne doit changer. (…)
Il est donc avant tout prescrit de s'enquérir de la foi d'une Église : si le Christ en est l'habitant, il faut sans nul doute la choisir ; mais si un peuple de foi mauvaise ou un docteur hérétique défigure la demeure, il est ordonné d'éviter la communion des hérétiques, de fuir cette synagogue. Il faut secouer la poussière des pieds, de peur que la sécheresse crevassée d'une foi mauvaise et stérile ne souille, comme une terre aride et sablonneuse, la marche de votre esprit. Car si le prédicateur de l'Évangile doit prendre sur lui les infirmités corporelles du peuple fidèle, emporter et faire disparaître comme sur ses pieds leurs actions vaines, comparables à la poussière — selon qu'il est écrit : « Qui est malade sans que je sois malade ?» (II Cor., XI, 29) — il doit également abandonner toute Eglise qui repousse la foi et ne possède pas les fondements de la prédication apostolique, de peur d'être éclaboussé et souillé par une foi erronée.
Commentaires
Bonjour,
Juste une nuance : la sainteté passe par les mains, la mystique par les jambes.
"Le mystique est celui qui marche à pied." (Michel de Certeau)
Et peut-on sérieusement réduire la sainteté au pélerinage ? La religion (et la catholique éminemment) n'est-elle pas au fond que charité - de même que la foi n'est qu'espérance ?
Cordialement,
Guit'z
[Personne ne réduit la sainteté au pèlerinage... YD]