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Le pape au cœur de la question

Des voix nombreuses (dont certaines menaçantes) se sont élevées dans tout le monde musulman, pour dénoncer (de façon le plus souvent virulente) les propos du pape sur l’islam. Ces réactions mériteraient d’être reprises et commentées une à une, tant elles sont importantes, et montrent par contraste l’importance du propos de Benoît XVI. Mais il y faudrait un long article, que je me propose de rédiger pour Reconquête.

C’est la première fois qu’un pape, dans l’histoire moderne, s’exprime sur l’islam. Même s’il s’agissait plutôt d’une conférence du professeur Ratzinger devant ses collègues de Ratisbonne, sur le thème foi et raison, et non d’un acte du magistère pontifical, le professeur Ratzinger est le pape, il a prononcé ces propos dans le cadre de sa visite pontificale en Allemagne, et il sait pertinemment que tout ce qu’il dit engage sa fonction.

C’est donc en effet Benoît XVI qui, en substance, a dit ceci : l’utilisation de la violence pour convertir les gens à sa foi, que le Coran prône sous le nom de jihad, est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l’âme, parce que contraire à la raison. Mais pour l’islam Dieu est absolument transcendant, sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, pas même celle de la raison. Ibn Hazm allait jusqu’à expliquer que Dieu n’est même pas lié par sa propre parole, et que s’il le souhaitait, l’homme devrait même se livrer à l’idolâtrie.

Tel est en effet le nœud de la question islamique, tel qu’on peut le voir de façon évidente dans le Coran et dans toute la tradition musulmane. Dieu est impénétrable, il décide ce qu’il veut, l’homme n’a qu’à obéir. (C’est ce qui explique que ce qui pour nous est incompréhensible dans le Coran est accepté sans problème par les musulmans, à savoir que Dieu commande des choses parfaitement contradictoires, son nouveau commandement abolissant simplement le précédent.) La foi musulmane est ainsi totalement déconnectée de la raison (alors que pour nous Dieu est Logos), et il est légitime d’utiliser la violence contre les infidèles puisque Dieu le dit.

Les réactions à ces propos sont de deux ordres.

Il y a ceux qui prétendent, jusqu’au ridicule, que ce que dit le pape du jihad est faux, que l’islam est une religion de paix et de tolérance et n’a jamais usé de violence, contrairement au christianisme avec ses croisades, son inquisition, etc. Le secrétaire général du conseil central des musulmans d’Allemagne va jusqu’à dire que l’expression guerre sainte a été utilisée pour la première fois par le pape Urbain II, alors que guerre sainte se traduit par jihad et que ce mot est un terme fondamental du Coran. On est ici dans le fantasme religieux et historique le plus… déraisonnable.

Et il y a ceux qui poursuivent leur attaque sur la question de fond. Ainsi Dalil Boubakeur, le président du CFCM. Après avoir lui aussi affirmé que « l’islam est d’abord tolérance et fraternité », il conteste la référence à Ibn Hazm en déclarant que ce théologien n’a pas fait école, et qu’il vaudrait mieux se référer à Averroès, qui a inspiré saint Thomas d’Aquin, au mutazilisme, ou à la Nahda qui a « marqué une demande de retour à l’avènement de la raison ».

Répondre ici à Dalil Boubakeur permet en même temps de répondre à tous ceux qui hurlent que le pape ne connaît rien de l’islam.

La vérité historique est tout simplement le contraire de ce qu’avance Boubakeur.

Ibn Hazm, gloire de l’Andalousie musulmane de l’an mil, considéré par certains comme le créateur de l’histoire religieuse comparée, est la principale référence du courant théologique zahirite : il est toujours une référence chez les juristes musulmans.

En revanche, non seulement Averroès, lui aussi andalou, n’eut aucune postérité doctrinale, mais il fut persécuté et exilé au Maroc où il mourut.

Quant au mutazilisme (qui affirmait notamment que le Coran était créé), il eut son heure de gloire au IXe siècle, avant d’être supplanté par le sunnisme. Tous les livres de ce courant de pensée furent brûlés, au point qu’on ne put le connaître qu’à travers les livres qui le réfutaient.

Enfin, la Nahda ne fut pas un mouvement musulman, mais un mouvement culturel et politique de renaissance (ou réveil) arabe (contre l’oppression turque), lancé par des catholiques maronites au XIXe siècle. Des théologiens musulmans, notamment en Egypte, en firent aussi un mouvement de renaissance, ou plutôt de réforme, de l’islam, plus ou moins inspiré par les Lumières. Sur le plan religieux, la Nahda a bientôt disparu, réduite à néant par les chefs musulmans, notamment d’Al-Azhar.

Ainsi le pape a-t-il parfaitement raison de se référer à Ibn Hazm et non à des personnages ou des courants qui ne représentent rien dans l’islam actuel.

La violence des réactions, qui va sans doute s’accentuer et se déplacer sur le plan politique (le Parlement pakistanais a déjà voté une motion, et le chef des Frères musulmans demande aux gouvernements des pays musulmans de rompre leurs relations diplomatiques avec le Vatican), montre à l’évidence que le pape a visé juste, et que son propos est irréfutable. Puisse-t-il ouvrir les yeux de certains musulmans, et aussi des très nombreux catholiques auxquels a été donnée une vision fausse, absurdement christianisée, de l’islam.

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