Je termine ce mois-ci la lecture de la Bible Osty, avec les prophètes, conformément au bréviaire. Il y a un certain temps que je n’en avais pas parlé, mais je ne peux pas passer mon temps à relever toutes les incongruités, et les invraisemblables inventions, du chanoine. Mais là je ne peux pas laisser passer cet attentat antichrétien. Au chapitre 47 d’Ezéchiel, cette sublime vision du Temple d’où jaillit la source qui va féconder le nouvelle terre promise, Osty termine ainsi le verset 2 : « et voici que de l’eau ruisselait du coté méridional ».
En latin c’est : « a latere dextro ». C’est ce que l’on chante avant chaque messe au temps pascal, à l’aspersion d’eau bénite : « Vidi aquam egredientem de templo a latere dextro, alléluia », j’ai vu l’eau qui sortait du temple, du côté droit, et tous ceux à qui arrivait cette eau étaient sauvés et disaient alléluia, alléluia. Car il s’agit de l’eau qui sort du côté droit du Christ en Croix, l’eau du baptême.
Si l’on parle de l’eau qui « ruisselle du côté méridional », on supprime toute référence possible à l’évangile de saint Jean, et l’on insulte (une fois de plus) la liturgie et toute la tradition latine.
Et pas seulement. Car il se trouve que le grec dit lui aussi : « du côté droit », bien évidemment, puisqu’il s’agit clairement d’une prophétie de l’évangile écrit en grec. Mais le plus fort est que le texte massorétique, le texte hébreu sacro-saint des exégètes modernes, dit lui aussi : « du côté droit ». Sans aucune ambiguïté.
La seule autre traduction qui parle du « côté méridional » est la Bible Pirot-Clamer. Elle dit exactement : « et voici, les eaux ruisselaient du mur méridional ». Là, non seulement on remplace « droit » par « méridional », mais on remplace même « côté » par « mur »… Alors qu’il s’agit de la porte…
Pourquoi « méridional » ? On vous explique : le prophète, dit le texte, est placé devant le Temple, à l’ouest : le Temple, devant lui, est à l’est. DONC ce que vous voyez à droite est au sud…
Sic.
Voilà comment d’une façon qu’on croit magnifiquement subtile et intelligente, on détruit une réellement magnifique et subtile prophétie.
J’ajoute que le verbe « ruisseler », qu’on trouve tant chez Pirot-Clamer que chez Osty (et dans aucune autre traduction à ma connaissance) est une invention qui ne correspond pas au sens du texte, puisque cette eau devient aussitôt un grand fleuve qui irrigue tout le désert. Nul ne sait, aujourd’hui, ce que veut dire le verbe hébreu du texte massorétique, qui ne figure nulle part ailleurs. « Ruisseler » permet d’éloigner encore davantage toute référence au Christ en Croix. L’antienne pascale dit « egredientem », qui sortait. Le grec dit katéphéréto, qui veut dire proprement « se précipiter ». Le latin dit « redundantes », c’est-à-dire qui jaillissent, de façon « redondante ». On notera la traduction de Samuel Cahen, le premier à avoir traduit le texte massorétique en français : « et voici que les eaux venaient en abondance du côté droit ». En abondance, c’est bien dit, pour désigner l’eau qui sort du côté du Christ pour conférer le baptême, ce que Samuel Cahen hélas ne reconnut pas.
Commentaires
Merci cher Yves pour votre travail si utile et si lumineux