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Traduction trahison

En cherchant comment la Bible de Jérusalem traduisait Luc 16, 15, je suis tombé sur le verset précédent : « Ce qui est élevé pour les hommes est objet de dégoût devant Dieu. »

Objet de dégoût ? C’est cette traduction qui l’est. Car le mot grec est bdelygma. C’est un mot qui n’était pas employé avant la Bible des Septante. Le fait de l’utiliser dans l’Evangile renvoie forcément à l’Ancien Testament. Le mot est fréquent dans le Pentateuque. Il a été traduit en latin par abominatio, et donc en français par abomination. Le traduire autrement dans l’Evangile détruit le lien que le Christ fait implicitement. Lorsque le Christ dit que ceci est « bdelygma », il renvoie à l’Ancien Testament où Dieu décrétait que ceci ou cela est « bdelygma », une abomination à ses yeux.

En ne voulant connaître l’Ancien Testament que dans sa version juive massorétique, alors que le Nouveau Testament cite presque toujours l’Ancien dans sa version grecque, on détruit le lien entre les deux Testaments, et on détruit ici le lien qu’établit le Christ lui-même.

Ce n’est qu’un petit exemple, en passant, de ce que fait en permanence la Bible de Jérusalem.

(Pour être précis, le mot bdelygma vient du verbe bdelyssomai, qui vient d’une onomatopée indiquant le haut-le-coeur. Le verbe veut donc d’abord dire éprouver du dégoût, puis éprouver de l’horreur. Traduire bdelygma par objet de dégoût serait légitime s’il n’y avait pas la tradition qui remonte au Pentateuque et qui nous dit que ce mot - qui n’existait pas auparavant - veut dire abomination.)

Commentaires

  • Luc 16,15 et non Luc 16,16.

    Vouloir déshelléniser le christianisme est une ambition contraire non seulement à la tradition catholique, mais encore à la tradition juive. Cette dernière tradition a absorbé la civilisation hellénique dès avant l'époque des Septantes (IIIe siècle avant Jésus-Christ). Je ne me permettrais pas des affirmations sur des points d'histoire de ce genre si je ne les avait trouvées dans un discours de Benoît XVI.

    "Avec cette nouvelle reconnaissance de Dieu s'opère, de proche en proche, une sorte de philosophie des Lumières, qui s'exprime de façon drastique dans la satire des divinités, qui ne seraient que des fabrications humaines (cf. Ps 115). C'est ainsi que la foi biblique, à l'époque hellénistique et malgré la rigueur de son opposition aux souverains grecs qui voulaient imposer par la force l'assimilation à leur mode de vie grec et au culte de leurs divinités, alla de l'intérieur à la rencontre de la pensée grecque en ce qu'elle avait de meilleur pour établir un contact mutuel, qui s'est ensuite réalisé dans la littérature sapientielle plus tardive. Nous savons aujourd'hui que la traduction grecque de l'Ancien Testament faite à Alexandrie – la Septante – est plus qu'une simple traduction du texte hébreu (à apprécier peut-être de façon pas très positive). Elle est un témoin textuel indépendant et une avancée importante de l'histoire de la Révélation. Cette rencontre s'est réalisée d'une manière qui a eu une importance décisive pour la naissance et la diffusion du christianisme [9]. Fondamentalement, il s'agit d'une rencontre entre la foi et la raison, entre l'authentique philosophie des Lumières et la religion. À partir de l'essence de la foi chrétienne et, en même temps, de la nature de la pensée grecque, qui avait fusionné avec la foi [juive], Manuel II a pu vraiment dire : ne pas agir « avec le Logos » est en contradiction avec la nature de Dieu."


    J'ai ajouté "juive" parce qu'au temps des Septantes, il n'y a pas de christianisme.

    http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2006/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20060912_university-regensburg_fr.html

    Ailleurs dans le même discours "notre" Benoît XVI traite de la déshellénisation, voici un autre extrait du même discours :

    "La revendication de déshellénisation du christianisme, qui, depuis le début de l'époque moderne, domine de façon croissante le débat théologique, s'oppose à la thèse selon laquelle l'héritage grec, purifié de façon critique, appartient à la foi chrétienne. Si l'on y regarde de plus près, on peut observer que ce programme de déshellénisation a connu trois vagues, sans doute liées entre elles, mais qui divergent nettement dans leurs justifications et leurs buts [11]."

    On peut en conclure que, tant ceux qui veulent "déshelléniser" le christianisme, que ceux qui veulent "purifier" la civilisation occidentale de sa tradition juive pour ne retrouver que le pur hellénisme, le pur droit romain et le pur paganisme s'attellent à des tâches impies et contraires au progrès de la civilisation.

    Noter que ce membre de phrase : "(à apprécier peut-être de façon pas très positive)" n'est pas l'opinion du Pape, mais l'opinion de ceux qui critiquent l'initiative de la Septante ensemble avec l'hellénisation en général.

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