Après s'être reposée quelque temps à Manfredonia, Brigitte partit avec ses compagnons pour Bari, afin d'y honorer les reliques du grand Archevêque Nicolas, et de voir de ses propres yeux l'huile miraculeuse qui découle des ossements du glorieux Saint. Tout le long du voyage, elle fut un modèle de perfection chrétienne, et montra une humilité et une patience admirables. Elle fut reçue en tous lieux avec un affectueux respect, et partout on se disputait l'honneur de .lui donner l'hospitalité. Mais, quand elle le pouvait, elle préférait s'arrêter dans les hospices, où elle consacrait les heures du repos à servir les malades, à les consoler, à les exhorter et à ramener les âmes à Dieu par les charmes de sa charité.
Ce fut au prix de peines et de fatigues considérables que les voyageurs accomplirent le long voyage de Manfredonia à Bari. En pénétrant dans le temple qui renferme le tombeau du grand saint Nicolas, Brigitte ressentit une joie inexprimable; elle se prosterna avec une humble dévotion devant les saintes reliques, et sa pensée médita le symbolisme de l'huile qui en découlait... A ce moment apparut à ses yeux une forme vénérable, toute brillante et comme ointe d'un baume odorant. La céleste vision lui dit : « Je suis l'Évêque Nicolas; je vous apparais sous cette forme pour vous révéler l'état dans lequel se trouvait mon âme aux jours de ma vie terrestre; mes membres étaient adroits et souples au service de Dieu, comme l'est un instrument frotté d'huile sous la main de celui qui le manie. Et si mon âme tressaillait toujours d'allégresse et de bonheur, si ma bouche ne prêchait que la parole de Dieu, si enfin la patience reluisait dans toutes mes œuvres, c'est que j'aimais et pratiquais dans la perfection les saintes vertus d'humilité et de chasteté. Écoutez donc : de même que la rose exhale un agréable parfum, de même que le raisin donne un jus plein de douceur, ainsi mes ossements ont reçu de Dieu le rare privilège de distiller une huile salutaire. En effet, le Tout-Puissant n'honore et n'exalte pas seulement ses élus dans le ciel; il les glorifie également sur la terre, pour l'édification d'un grand nombre, qui participent ainsi aux grâces accordées aux Saints.»
Brigitte se réjouit grandement de la faveur dont elle venait d'être l'objet; elle en rendit grâces à Dieu et à saint Nicolas. Elle voulait ne s'arrêter que peu de temps à Bari, et retourner ensuite à Rome, s'il était possible, avant Noël ; mais Dieu en ordonna autrement. Au moment de reprendre sa route, elle tomba tout d'un coup gravement malade, par suite peut-être des fatigues du pèlerinage et des austérités qu'elle pratiquait. Elle endura de grandes souffrances et fut bientôt dans un état de complet épuisement. On était dans l'Avent, époque de jeûnes sévères et d'abstinence continue pour elle et ses compagnons; il lui restait à peine assez d'argent pour acheter du pain et des médicaments, à tel point que le dénuement où ils se trouvaient éprouva quelques-uns de sa suite. La Sainte ne se préoccupait point de ses propres douleurs et de ses privations; elle ne songeait qu'aux autres. Dans sa détresse, elle se réfugia près du cœur de son Sauveur, qui, lui donna d'abord le conseil suivant : « Fais dire en mon nom à l'Archevêque de cette cité : «Toutes les aumônes m'appartiennent, aussi bien que toutes les Églises; donne donc, à moi-même et à mes amis, de ce qui est à moi... Ainsi toi, le père et le maître des veuves, fais du bien à cette veuve avec ce qui est à moi. Car bien que je puisse toutes choses sans ton concours, tandis que tu ne peux rien sans moi, néanmoins je veux maintenant jouir de ta charité à son égard». Brigitte chargea Alphonse de Jaen de porter ce message à l'Archevêque de Bari qui, ravi de pouvoir rendre à la Sainte un service, la fit pourvoir dans tous ses besoins.