Suite à diverses accusations contre l’évêque « ultra-conservateur » de Ciudad del Este (Paraguay), Mgr Rogelio Livieres Plano, et son vicaire général Mgr Carlos Urrutigoity, le pape avait décidé une visite apostolique du diocèse. Le but était de destituer cet évêque prévaricateur et son vicaire général pédophile, et bien sûr de fermer le séminaire ultra-florissant que l’évêque avait osé ouvrir et qui brisait le monolithisme progressiste du séminaire national du Paraguay. En bref il fallait mettre un terme à cette insupportable exception de Ciudad del Este, où la doctrine catholique est enseignée, où la messe de saint Pie V est partout honorée (à commencer par le séminaire diocésain), où une vie vraiment catholique fait honte aux autres évêques.
Mais l’affaire a fait pschitt. Le seul résultat de la visite apostolique est que les ordinations prévues pour le 15 août ont été « suspendues » - sans doute pour donner un os à ronger aux distingués diffamateurs épiscopaux et médiatiques. On a dit que le vicaire général avait été lui aussi suspendu, mais en fait c’est l’évêque qui l’avait suspendu, par esprit d’apaisement, en attendant la fin de l’histoire.
Les très graves accusations lancées contre l’évêque et contre son vicaire général n’ont pas été retenues par les visiteurs parce qu’elles sont purement calomnieuses. Néanmoins on continue et on continuera de les voir répétées par tous ceux qui appellent « ultra-conservateur » un pasteur simplement catholique. Sur le site du diocèse on trouve un texte qui démonte point par point les accusations. J’ai entrepris de le traduire et on le trouvera ci-dessous. Il est long, mais je crois qu’il est utile de le connaître. Je précise que chacune des affirmations de ce texte est appuyée par des documents indiqués en note et qu’on peut consulter (il y a 57 documents en lien sur le texte original).
Officiellement, le nonce apostolique au Paraguay, dans une déclaration publique du 2 juillet 2014, a annoncé que le diocèse de Ciudad del Este allait faire l’objet d’une visite apostolique imminente « afin d'offrir une assistance pour le bien de cette Église particulière ».
Officieusement, les médias ont dit qu'il s'agissait d'une véritable « intervention dans le diocèse », c'est-à-dire d'un processus qui finirait, soit par la démission soit par la destitution de notre évêque, et par l'arrêt des œuvres en cours.
Nous présentons un résumé explicatif des points saillants de cette conjoncture, avec les faits et les pièces justificatives. Nous le faisons dans le style simple et direct du peuple de Dieu, et avec la transparence et l'honnêteté auxquelles Mgr Rogelio nous a habitués.
1 – Lugo et Livieres
Le plus célèbre évêque paraguayen, sans aucun doute, est le «père-évêque» Fernando Lugo, ex-président de la République. Il a pris la présidence en août 2008, après avoir été dispensé de ses obligations d’évêque et réduit à l'état laïc.
Il a été destitué en 2012, après une procédure du Congrès.
Lugo et la gauche minuscule mais intelligente du pays ne seraient jamais arrivés au pouvoir et n’auraient jamais défait le Parti Colorado sans une alliance avec la minorité la plus forte du pays, le Parti libéral, et le soutien massif (explicite ou tacite) de l'Eglise hiérarchique. Depuis des décennies, au Paraguay ont été systématiquement nommés des évêques de tendance anti-Parti Colorado, et, en outre, imprégnés d’une formation idéologique floue issue de la théologie de la libération.
Comme toute règle, elle avait son exception : Mgr Livieres éleva la voix (très publiquement) pour s’opposer à la candidature de Lugo, devenant ainsi le seul défenseur de la position du Vatican. Les critiques qu’il mettait en avant étaient de deux types. D'une part, il n'était pas d'accord avec la confusion fondamentaliste entre la religion et politique responsable du retrait de Lugo et de nombreux autres personnes consacrées de leur engagement évangélique « pour s'impliquer dans la politique ». D'autre part, il soulignait l'irresponsabilité morale et administrative du candidat, couverte par de nombreux ecclésiastiques et religieux, car « tout le monde savait ».
2 – La « communion ecclésiale »
Avec la polémique autour de Lugo, ce n’était pas la première fois que Mgr Livieres faisait grincer des dents le petit monde épiscopal. L’accusation de « briser la communion ecclésiale » avait commencé avant même qu’il mette un pied dans le diocèse et que, par conséquent, il puisse « mettre la pagaille ». En effet, la conférence épiscopale avait écrit à saint Jean-Paul II pour exprimer son désaccord avec la nomination d’un nouveau frère qui ne figurait même pas sur la liste des candidats sélectionnés, et qui était donc « imposé » par Rome. Certains dirigeants laïcs firent écho à ces protestations. Le Saint-Siège ne plia pas. Et depuis lors, contre vents et marées, comme la barque de l’Evangile, il a soutenu la gestion du nouvel évêque.
Mais la conférence des évêques ne s’en sentait pas si mal. Certainement, Mgr Livieres, de l'Opus Dei, représentait une orientation différente du modèle ecclésial dominant. En toute honnêteté, nous devons admettre qu'il n'a jamais essayé d'imposer ses orientations pastorales à d'autres évêques. Il n'a pas eu une attitude d'opposition mais d'enrichissement de la complémentarité de l'Eglise. (On confond souvent l'unité dans la foi et l'amour, la vraie « communion ecclésiale », avec l’uniformité imposée.)
Un moment particulièrement difficile pour la coexistence épiscopale fut la fuite d’une lettre personnelle et confidentielle que Mgr Rogelio avait donnée en mains propres au pape Benoît XVI, à la demande de Sa Sainteté, lors de la visite ad limina. Comme cela s’est produit pour les « Vatileaks », elle fut divulguée depuis le Vatican même (par certains agents qui cherchaient à faire du tort au pape émérite ?) La lettre insistait sur nécessité, si l’on veut vraiment surmonter la crise de l’Eglise, de choisir les futurs évêques parmi les meilleurs candidats du point de vue de leur vie de foi, de leurs compétences liturgiques, et de leur sagesse de gouvernement, et non parmi ceux qui sont « acceptés de tous » pour maintenir le statu quo.
L’évêque de Ciudad del Este, digne fils de son père exilé six fois par le gouvernement militaire de Stroessner, s’est avéré un combattant infatigable de la liberté de religion pour lui et pour ses fidèles.
3 – Les religieux
Des désaccords vinrent aussi de la Conférence des religieux du Paraguay. Ils n’étaient pas dus à une incompréhension de la vie religieuse, que Mgr Rogelio a clairement favorisée dans son diocèse, mais plutôt à une profonde crise d’identité et de discipline qu’ont subies de nombreuses communautés, en particulier d’origine ou de formation européenne.
Une grande partie des religieux, sur le plan national, se sont identifiés à l’action de Lugo. Aussi, lorsqu’il y eut des cas de crise sociale aiguë, comme le massacre de Curuguaty dans ce diocèse, qui précipita la chute politique de l’ex-évêque, ils publièrent des déclarations et de des prises de position quelque peu dissonantes avec la foi. Citant le droit canonique, Livieres interdit, sous peine de sanctions, l’instrumentalisation idéologique de la pastorale sociale. Il s’opposa également à une fausse « pastorale indigène » qui, en opposition aux saints missionnaires de plusieurs siècles, veut faire obstacle au droit des indigènes à ce que leur soit prêchée la Bonne Nouvelle de l’Evangile.
Les nombreux prêtres, séminaristes, religieux et laïcs que l’évêque a mobilisés lors des crises sociales et des catastrophes naturelles sont intervenus de façon énergique, mais toujours de façon strictement spirituelle et humanitaire. Le principe suivi était simple : « A Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. »
4 – Le clergé
Plusieurs des 16 prêtres diocésains que Mgr Livieres a trouvés à son arrivée ont émis des réserves sur les nouvelles lignes pastorales et le renouveau de la discipline ecclésiale. Le malentendu en est venu au point que, avec le soutien de quelques évêques, 10 de ces prêtres ont écrit au pape Benoît XVI pour demander une « intervention ». Quelques mois plus tard, environ 150 prêtres du reste du pays, surtout des religieux, ont fait de même. Ce fut l'archevêque d'Asunción, fin et distingué adversaire de Mgr Rogelio, qui apporta la protestation à Rome. Le pape, cependant, ne répondit pas, et, au lieu de cela, suggéra à Mgr Livieres qu’il devait « former un nouveau clergé ». La proposition était un sage conseil : la grande majorité du nouveau, jeune et nombreux clergé diocésain (un peu plus de 70) voient l'évêque comme leur père, comme leur berger, et partagent ses orientations pastorales.
En ce qui concerne les laïcs locaux, seul un très petit groupe, mais bruyant et soutenu de l'extérieur du diocèse, a maintenu une attitude critique, en particulier un certain Javier Miranda, dont nous parlerons in fine. Sans exception, les laïcs et les dirigeants des mouvements déjà approuvés au niveau national ou international, comme les nombreux mouvements qui ont été reconnus, promus et guidés par Mgr Rogelio au cours de son ministère, ont tous soutenu et soutiennent leur évêque, qui leur donne beaucoup de liberté d'action pour « mettre la pagaille » (1) et progresser dans l'évangélisation et la mission continentale d’Aparecida.
5 – Les nouveaux séminaires pour le troisième millénaire
Lorsque, le 3 octobre 2004, Mgr Livieres est devenu évêque de Ciudad del Este, il découvrit bientôt le plus grand défi qui l’attendait : il disposait d’un peu plus de 70 prêtres diocésains (y compris les religieux) pour répondre aux attentes spirituelles d’une population d’environ un million d’âmes, soit un berger pour plus de 10.000 brebis. Les perspectives d’avenir étaient encore pires, avec seulement une douzaine de séminaristes en formation au séminaire national d’Asunción.
Il n’est pas nécessaire d’expliquer la gravité de la situation à quiconque reconnaît avec une humilité « théocentrique » que l’Eglise fondée par Jésus-Christ « vit de l’Eucharistie », c’est-à-dire des sacrements par lesquels il « est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde »; et dont la fidèle administration est confiée aux prêtres.
Sans revenus et sans études de faisabilité, monseigneur a immédiatement pris la décision stratégique de faire la première priorité de son ministère celle qui est définie dans le Directoire pour les évêques et le Code de droit canonique : approuver l’ouverture de son propre séminaire diocésain.
On vit bientôt clairement pourquoi le Maître de la Vigne avait choisi le Père Rogelio comme évêque. Il avait attiré et cultivé de nombreuses vocations à l’Opus Dei. Il fit la même chose dans son diocèse, où la pastorale des vocations n’est pas déléguée. Chaque dimanche, avec la collaboration d’un groupe animé de formateurs, l’évêque reçoit dans sa maison tous ceux qui souhaitent considérer une vocation sacerdotale. Un peu de sport, une conversation sur la formation, la direction spirituelle et la confession, adoration et prière du Rosaire, une réunion avec des questions à brûle-pourpoint, et un goûter convoité, cela a donné le résultat magique de 130 garçons intéressés par an, parmi lesquels sont admis en moyenne 30 à 40. Le secret du succès, en plus de l’intérêt direct et personnel manifesté par l’évêque, est l’enthousiasme avec lequel ces aspirants séminaristes vont eux-mêmes pêcher des vocations chez les amis, parents et connaissances (marketing viral…).
Le grand séminaire Saint-Joseph a été évalué positivement par le Saint-Siège dans de nombreuses lettres, et il a donné plus de 60 prêtres au bout de dix ans. Mais Mgr Rogelio, soucieux d’améliorer la qualité de sa pêche dans la crise générale du système éducatif, a créé en 2012 le petit séminaire Saint-André. En parallèle, cherchant à appliquer de façon plus radicale les orientations du concile Vatican II et les documents post-conciliaires sur la formation sacerdotale, il a monté l’expérience de l’Institut Saint-Irénée de formation des prêtres. A l’heure actuelle ne fonctionne que son cycle préparatoire fondé sur l’enseignement classique des arts libéraux et la discussion en classes de séminaire des grands livres de la culture occidentale.
6 – La pierre d’achoppement
La décision de former ses propres séminaristes comme un père éduque ses enfants a été une surprise pour l’Eglise du Paraguay. Les évêques ont résisté d’emblée à cette idée bizarre, car cela casserait (et a cassé) le schéma monolithique de formation des prêtres (diocésains et religieux) qui avait été convenu avec la création du séminaire national et de son institut de théologie, au siècle dernier.
En vain le Saint-Siège leur a rappelé le droit et l’intérêt de chaque évêque d’avoir son propre séminaire quand c’est possible. « Pourquoi un nouveau séminaire, s’il n’y en a toujours eu qu’un ? » expriment ceux qui ne semblent pas avoir encore réfléchi sur l’indication d’Evangelii Gaudium (n.33) « d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi” ».
7 – Le Père Carlos Urrutigoity
Un chapitre distinct dans cette histoire de l’opposition à notre évêque et au nouveau séminaire est sans aucun doute l'attaque contre le Père Carlos. Il est venu dans le diocèse en 2005, avec d'autres prêtres et des laïcs qui ont ensuite établi des Communautés Saint-Jean. Il est venu, recommandé par certains cardinaux en fonction au Vatican (l'un d'eux était élu, quelques jours plus tard, Successeur de Pierre). Il avait sur le dos une dure campagne de diffamation aux États-Unis, sur laquelle Mgr Livieres a écrit une lettre explicative détaillée.
Dès le début il s'est avéré être un proche collaborateur de l'évêque. Pour cette raison, son cas a été utilisé comme un cheval de bataille pour remettre en question les réalisations pastorales dans le diocèse, en particulier la formation de nouveaux prêtres : il a aidé au début à la formation du nouveau séminaire ; ensuite, il a abandonné cette activité pour aider l'évêque à la curie diocésaine.
Malgré les démentis répétés de l'évêché, une presse répétitive et autoréférentielle a continué de se citer elle-même encore et encore, à propos d’« accusations de pédophilie » présumées qui, en fait, n’ont jamais existé. Au Paraguay, ces campagnes ont généralement été dirigées par le même journal qui avait, plus tôt, contraint à la démission un autre évêque nommé Livieres. (Les tribunaux, dans ce cas, avaient montré la fausseté de ces accusations, émanant toutes de témoins payés, impliqués dans une manœuvre politique visant à obliger l’évêque à démissionner.) La presse, dans le cas du Père Carlos, a été alimentée par les opposants ecclésiastiques paraguayens déjà mentionnés, et qui ont des contacts influents aux Etats-Unis et à Rome, avec lesquels ils partagent les mêmes lobbies et tendances politiques.
On y trouvait tout, sauf des preuves de pédophilie. Pour la bonne raison qu’il n’y avait pas d’accusations de quelques victimes que ce soit, mais une resucée de calomnies faites par des tiers. Donc, il n'y a pas eu de procédure pénale, ni aucune condamnation dans aucun tribunal de quelque pays que ce soit, y compris du Saint-Siège. Et pour couronner le tout, son hétérosexualité a été confirmée par deux évaluations psychologiques indépendantes, aux Etats-Unis et au Canada, qui ont également écarté la présence de psychopathologie ou de troubles de la personnalité.
Il n'est pas vrai non plus que de nouvelles accusations se seraient ajoutées (toujours sans aucune preuve). Toutes les accusations qui ont été faites se résument en la répétition obstinée de celles qui ont été inventées il y a des années, non pas par des victimes présumées, mais par deux persécuteurs idéologiques du Père Carlos qui, l’un en Argentine et l’autre aux Etats-Unis, ont alimenté deux campagnes différentes : une campagne « des couvents », et une campagne par les médias et internet. Le premier était un prêtre argentin sédévacantiste qui ne reconnaît aucun pape depuis Jean XXIII et qui s’est fait sacré évêque en dehors de l'Église catholique. Le second était un Américain, un ancien employé insatisfait de la communauté fondée par le P. Carlos. Il était déçu parce qu’il avait été écarté d’un projet éducatif par l'évêque de Scranton, Mgr Timlin, après qu’il eut cherché à s’accaparer illégalement le projet.
La seule accusation portée contre le Père Urrutigoity devant le système de justice pénale américain (au nom d'un adulte appelé Michael Prorock) fut rejetée in limine (d’office) après deux enquêtes indépendantes de procureurs de deux comtés en Pennsylvanie.
Il en résulte clairement que : 1) l'accusation portée contre le Père Carlos n'impliquait pas une affaire de pédophilie, puisque le plaignant était un adulte lorsque les faits allégués ont eu lieu; 2) en raison de l’abandon de toute charge contre le Père Carlos, il n’y a jamais eu d’affaire pénale aux Etats-Unis.
Quant aux tribunaux de l’Eglise, la congrégation pour la doctrine de la foi rejeta la possibilité d’ouvrir un procès pour la même raison : il n’y avait pas d’accusation de pédophilie.
Cet échec de l'accusation pénale a nui gravement aux efforts des avocats de l'accusateur d’obtenir une succulente compensation devant les tribunaux civils, comme c’est l’habitude aux Etats-Unis. Car l’accusateur avait lancé un procès civil contre la Société Saint-Jean, fondée par le P. Carlos, y incluant pour faire bonne mesure et arrondir les profits Mgr James Timlin, le diocèse de Scranton et certains de ses prêtres, la Fraternité Saint-Pierre et l'Académie Saint-Grégoire.
Pour ceux qui ne sont pas familiers des subtilités juridiques américaines, il est nécessaire de préciser que, dans ce pays, on peut engager deux procès pour la même raison, devant un tribunal pénal et un autre en matière civile. Le succès du procès civil se traduit par de grosses sommes d’argent à payer par l’accusé, mais ce succès est substantiellement diminué si la plainte pénale échoue. Cependant, aux Etats-Unis, il est intéressant d'essayer parce que, même si au pénal les accusations ne débouchent pas sur un procès par absence de faits ou de preuves, les possibilités d’obtenir des dommages dans un procès au civil demeurent élevées. En effet, le coût de la défense dans un procès civil est si élevé que les plaignants continuent l’affaire jusqu’à obtenir un important arrangement financier. On estime que, en moyenne, un diocèse peut dépenser plus de deux millions de dollars en avocats et en frais pour défendre une cause jusqu’au bout. C’est pourquoi il est habituel que les parties, pour éviter de tels coûts, parviennent à un arrangement financier avec l’approbation du juge (3)