Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 17

  • Jésus au Temple

    Le dimanche dans l’octave de l’Epiphanie est la fête de la Sainte Famille. C’est une fête récente puisqu’elle date de 1923. Je comprends parfaitement l’intention des papes Léon XIII (qui l’a concédée à certains diocèses) et Benoît XIV (qui l’a étendue à toute l’Eglise latine) : ces papes avaient bien vu qu’il était devenu urgent de défendre la vérité sur la famille. Cela dit, sur le plan proprement spirituel, on tombe de haut en passant de la célébration des mystères théophaniques à la défense d’une institution sociale, si nécessaire soit-elle, mais proprement naturelle, et non surnaturelle, même si elle est elle aussi illuminée par la grâce. Surtout, je n’arrive pas à voir en quoi la charmante (voire douceâtre) chère petite famille de Nazareth (papa scie du bois, maman fait la cuisine, le petit Jésus joue sagement) serait l’exemple de la famille chrétienne : que je sache, l’Eglise n’a jamais prôné l’enfant unique, ni une chasteté qui empêche la procréation. Il me semble que l’on mélange les plans.

    Il se trouve que l’évangile du jour, qui est resté celui du dimanche dans l’octave de l’Epiphanie, le dit de façon quelque peu brutale. Ce n’est pas non plus le modèle de la famille chrétienne que ce pré-adolescent qui fugue pour aller jouer les surdoués devant un congrès de théologiens, et qui répond sèchement à ses parents morts d’inquiétude : « Mais pourquoi donc me cherchiez-vous ? Vous ne saviez donc pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père ? »

    C’est, humainement parlant, d’une rare insolence. Et même d’une insolence inouïe, puisque le pré-adolescent en question renie ouvertement son père, en invoquant un autre « père ».

    Alors on se raccroche comme on peut à ce qui suit : « Il descendit avec eux à Nazareth et il leur était soumis. » Mais oui, après, il leur était soumis…

    Si cet évangile a été placé là, c’est qu’il s’agit aussi d’une théophanie. C’est un aspect de l’Epiphanie : le Christ, qui a atteint l’âge de 12 ans (nombre de la perfection) montre aux plus grands spécialistes de l’Ecriture sainte qu’il connaît mieux qu’eux l’Ecriture, puisqu’il en est l’auteur. Ensuite il y aura le Baptême, où il montrera qu’il est un des trois de la Trinité, puis les Noces de Cana, où il montrera qu’il est le maître de la nature, son créateur et son rédempteur, venu changer l’eau de la vie terrestre en vin de la vie éternelle.

    Réduire ce dimanche à la « sainte famille », c’est un peu comme si on réduisait les Noces de Cana à l’exemple d’une action charitable. Ce qui hélas a aussi été fait…

  • Epiphanie

    De toutes les grandes fêtes de l’année liturgique, celle de l’Epiphanie est la seule qui semble a priori avoir un objet tout différent dans la liturgie byzantine et dans la liturgie latine : celle-ci célèbre l’adoration des Mages, celle-là le Baptême du Christ. Et c’est d’autant plus étonnant que la liturgie latine a conservé le mot grec qui la désigne.

    En réalité c’est ce mot qui importe : Epiphanie, à savoir apparition, ou plutôt manifestation, la manifestation aux hommes du Dieu fait homme. L’Epiphanie n’est pas la célébration d’un événement du salut, mais celle de la manifestation en tant que telle, la manifestation de toutes les théophanies formant une seule Epiphanie.

    Cette épiphanie prend sa source dans la première d’entre elles, à savoir la Nativité. Elle célèbre donc d’abord la lumière, la lumière divine née sur notre terre dans la plus grande obscurité, et qui est venue pour illuminer le monde, selon la prophétie d’Isaïe : cette lumière est le Seigneur qui vient pour sauver les hommes, tous les peuples convergent vers lui, ils viennent de Saba, de Madian et d’Epha, apportant de l’or et de l’encens, les vêtements du salut sont des vêtements de noces, et tous ceux qui ont soif peuvent acquérir gratuitement l’eau du salut, acheter sans rien payer le vin et le lait…

    Voilà l’Epiphanie. Les orientaux ont mis l’accent sur le baptême, parce que le baptême est spécifiquement l’illumination du croyant, et parce que le baptême au Jourdain est à la fois la première manifestation vraiment publique du Christ et la première manifestation de la Sainte Trinité. Les latins ont privilégié l’adoration des Mages, car elle est la première manifestation du Christ aux païens, donc l’annonce du salut pour tous les hommes.

    Mais il ne faut pas réduire l’Epiphanie latine à l’adoration des mages, même si la galette est bonne, et bonne aussi la tradition populaire qui célèbre les rois. Aux matines, l’invitatoire appelle ainsi le fidèle : « Le Christ nous est apparu (le Christ fait son épiphanie), venez, adorons-le », sans autre précision. Le début des matines se concentre sur le Christ au Jourdain, des cinq antiennes des heures seules deux évoquent les mages, les hymnes célèbrent l’adoration des mages, le baptême au Jourdain et les Noces de Cana, qui sont aussi les trois mystères évoqués dans l’antienne du Magnificat, et qui sont merveilleusement tissés ainsi dans l’antienne du Benedictus :

    « Hodie cælesti sponso juncta est Ecclesia, quoniam in Jordane lavit Christus ejus crimina ; currunt  cum muneribus Magi ad regales nuptias, et ex aqua facto vino lætantur convivæ, alleluia. »

    Aujourd’hui l’Eglise s’unit au céleste Epoux, parce que ses péchés sont lavés par le Christ dans le Jourdain ; les Mages accourent avec des présents aux noces royales, et l’eau étant devenue du vin les convives sont dans la joie. Alléluia.