Le graduel de la messe du Christ Roi est la pièce la moins réussie (voir l’introït, l’offertoire, l’alléluia, la communion), mais il faut faire très attention pour s’en rendre compte, car la mélodie est quasiment celle du graduel de l’Epiphanie.
La seule véritable modification se trouve au début du verset : le magnifique « Surge » de l’Epiphanie, qui surgit véritablement de la dominante, sans préparation, devient une lente montée sur « et adorabunt », en outre contraire au sens du mot.
Le nouveau texte a été collé sur la mélodie de façon beaucoup moins satisfaisante que dans les autres pièces. La grande vocalise de l’Epiphanie sur « Surge, illuminare » illustre ici un simple « eum ». Et la formule qui faisait miroiter « aurum » paraît quelque peu superflue sur un simple « et ».
Epiphanie :
Christ Roi :
Dominábitur a mari usque ad mare, et a flúmine usque ad términos orbis terrárum. ℣. Et adorábunt eum omnes reges terræ : omnes gentes sérvient ei.
Il dominera de la mer à la mer, et depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. ℣. Et tous les rois de la terre l’adoreront, toutes les nations lui seront assujetties.
Commentaires
L'autre indice d'une composition tardive et post-grégorienne est dans la fin des premier et deuxième segment de "et adorabunt eum", (la partie replâtrée...) la composition "verticale" du Do-Ré-La-Fa, répétée complaisamment.
Cette verticalité -et il faut ici jouer avec l'écho des églises- suggère des accords de trois notes (Ré mineur - Fa majeur. C'est une conception harmonique de la musique qui est ici en oeuvre, alors que le grégorien authentique est une musique modale, qui s'organise par variations autour d'une corde modale - sans revendication harmonique.
L'esprit générateur du grégorien, la modalité, est mort dans cette pièce, il n'en reste plus que sa carcasse, agitée mécaniquement sans en comprendre l'esprit, par un compositeur formé à l'harmonie...
Et par ailleurs, la verticalité évoque, autre part, quelque chose de magnifique - c'est cette verticalité qui nous a donné cette merveilleuse architecture gothique, toute en hauteurs et lumières, là où le roman primitif était plongé dans le recueillement obscur. C'est une autre époque. C'est donc le genre de verticalité que l'on trouve dans les compositions "grégoriennes" composées à partir de l’essor du gothique, au ~ xii° siècle.
Mais, bon, dans le cas du Christ Roi, du xx° siècle, on est loin du compte, bien sûr ;o)
Rien d’étonnant
La fête du Christ Roi date de 1925