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  • Et maintenant trois sénateurs

    La Cour suprême des Etats-Unis a décidé en mai dernier qu’elle allait examiner la constitutionnalité de la loi du Mississippi interdisant l’avortement après 15 semaines. Loi votée en 2019 et signée par le gouverneur, mais annulée par la justice en première instance puis en appel, au motif qu’elle « briserait une ligne continue depuis l’arrêt Roe contre Wade » de 1973 qui impose à tous les Etats un « droit » à l’avortement jusqu’à la viabilité du fœtus.

    Le 22 juillet, le procureur général du Mississippi, au nom de l’Etat du Mississippi, a fait parvenir son mémoire à la Cour suprême. Il y demande explicitement et ouvertement (ce qui a rendu enragés les militants de la culture de mort) l’annulation de l’arrêt Roe contre Wade, et de l’arrêt Casey de 1992 qui a ouvert la voie à quelques règlementations tout en réaffirmant le « droit » à l’avortement.

    Le texte fait valoir que l’arrêt de 1973 a rompu avec la jurisprudence antérieure et a invoqué un « droit général à la vie privée » qui n’a aucun lien avec la Constitution. Même des juristes favorables à l’avortement en conviennent. Et le mémoire cite bien sûr Ruth Bader Ginsburg (icône de la culture de mort), qui avait qualifié l’arrêt Roe contre Wade d’« intervention judiciaire difficile à justifier » qui « semble avoir provoqué, et non résolu, le conflit ». (Revoir à ce sujet cet article.)

    Et l’on apprend que, lundi, trois sénateurs ont envoyé à la Cour suprême un « amicus brief » (un mémoire d’ami de la Cour) en soutien de celui du Mississippi. Il s’agit de Ted Cruz (Texas), John Howley (Missouri) et Mike Lee (Utah). Ils soulignent que la jurisprudence n’est pas un absolu, surtout « quand la décision d’origine « est manifestement erronée »… Et ils insistent sur l’arrêt de 1992, qui a instauré le critère de la « charge indue » (telle loi limitant l’avortement crée une charge indue pour la femme qui ne veut pas garder son enfant) qui est généralement invoqué par les juges. Ce critère, remarquent-ils, n’a aucun fondement dans la Constitution, ni même dans la jurisprudence de la Cour suprême. En conclusion, ce critère, et « ce qui reste de Roe doivent être annulés, et la question de la législation sur l’avortement doit être renvoyée aux institutions politiques et au peuple ».

    (Je préviens mes lecteurs à visière, œillères et réflexes pavloviens que je supprimerai tout commentaire disant que ces sénateurs sont des pourris parce que l'avortement ne doit pas être soumis au vote. Ce serait évidemment hors sujet. Et hors contexte.)

  • Il l’a fait

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    Donald Trump a osé.

    Il a osé

    1. nommer un juge à la Cour suprême moins de deux mois avant l’élection présidentielle, ce qui ne s’était pas fait depuis 1868.

    2. nommer une femme que les gazettes qualifient d’« ultraconservatrice » : Amy Coney Barrett.

    Lorsqu’il avait annoncé qu’il le ferait, on ne donnait pas cher de la suite. Immédiatement cela avait été une énorme bronca démocrate. Nancy Pelosi annonçait que les députés allaient déclencher une nouvelle procédure de destitution qui l’empêcherait de faire cela, deux sénatrices républicaines annonçaient qu’elles voteraient contre…

    Et pschitt. Ou plutôt boum. Le grand adversaire républicain de Trump, Mitt Romney, faisait savoir que Trump était dans son droit et que s’il nommait quelqu’un il organiserait aussitôt l’audition au Sénat.

    D’autre part, le Sénat, Amy Coney Barrett connaît déjà. Elle a subi l’interrogatoire de la furie Dianne Feinstein en 2017, quand Trump l’avait nommée juge fédérale d’appel. En fait d’audition, Amy Coney Barrett avait dû subir un discours violemment anticatholique. C’était sa foi qui la disqualifiait pour être juge… « The dogma lives loudly within you », avait dit Dianne Feinstein. Le dogme vit bruyamment à l’intérieur de vous. Soulignant qu’elle ne s’était pas battue toute sa vie pour les « droits des femmes » pour accepter un juge anti-avortement.

    C’est encore Dianne Feinstein qu’elle devra affronter. Dianne Feinstein, née Emiel Goldman, 87 ans, la Ruth Bader Ginsburg du Sénat (ce serait à devenir antisémite si l’on ne se souvenait pas que la Mère de Dieu aussi est juive), qui sera comme Ginsburg militante diabolique de la culture de mort jusqu’à son dernier souffle. Certains démocrates se demandent toutefois si elle est encore en état de poursuivre son combat anticatholique, et ils sont nombreux semble-t-il à se demander s’il est judicieux de faire de l’audition d’un candidat juge à la Cour suprême une occasion de polémique anticatholique… quand on a un candidat à la présidence qui se pose en catholique.

    Or il semble que même Dianne Feinstein admette d’avance qu’elle a perdu : « Je n'ai pas beaucoup d'outils à ma disposition, mais je vais utiliser ce que j'ai. Nous pouvons essayer de retarder et de faire obstruction, mais ils peuvent mener à bien ce processus. Cela ne veut pas dire que nous ne nous battrons pas bec et ongles. »

    Elle sait, d’expérience, que si elle veut placer le débat sur le terrain religieux, elle se trouvera face à une juriste qui ne déviera pas d’un poil du cadre constitutionnel.

    Un extrait de l’allocution de Donald Trump :

    Amy est plus qu'une universitaire et une juge de premier plan. C'est aussi une mère profondément dévouée. Sa famille fait partie intégrante de qui est Amy. Elle a ouvert sa maison et son cœur et a adopté deux beaux enfants d'Haïti. Son incroyable lien avec son plus jeune enfant, un fils trisomique, est véritablement édifiant. Si elle est confirmée, le juge Barrett entrera dans l'histoire en tant que première mère d'enfants d'âge scolaire à siéger à la Cour suprême des États-Unis.

    À ses enfants, Emma, Vivian, Tess, John Peter, Liam, Juliet et Benjamin : merci de partager votre incroyable maman avec notre pays. Merci beaucoup. Amy Coney Barrett statuera sur la base du texte de la Constitution, tel que rédigé. Comme Amy l'a dit, être juge demande du courage. Vous n'êtes pas là pour décider des cas comme vous le souhaitez. Vous êtes là pour faire votre devoir et pour suivre la loi partout où elle vous mène. C'est exactement ce que le juge Barrett fera à la Cour suprême des États-Unis.

  • Ça bouge

    Il n’aura pas fallu longtemps pour que la nomination de Neil Gorsuch à la Cour suprême des Etats-Unis commence à porter ses fruits.

    Lundi, la Cour suprême a pris une décision qui « détruit le mur de séparation de l’Eglise et de l’Etat », selon les laïcistes ; et qui pourrait ouvrir la voie au chèque scolaire, se félicitent les défenseurs de la liberté scolaire et de la liberté religieuse.

    L’affaire est aussi simple que triviale. Mais elle est de celles qui peuvent conduire en effet à une révolution.

    La paroisse luthérienne de la Trinité, à Columbia dans le Missouri, avait demandé une subvention de l’Etat pour refaire le sol de la modeste aire de jeux de son « centre scolaire » (école maternelle, garderie, catéchismes) au titre de la sécurité des enfants. La paroisse était cinquième sur la liste de 44 demandeurs, mais la subvention lui fut refusée, pour le seul motif qu’il s’agit d’une « église » et que la Constitution de l’Etat interdit toute subvention à des organismes religieux. La paroisse contre-attaqua en faisant valoir que la décision de l’Etat était discriminatoire et contraire à la liberté religieuse garantie par le premier amendement. De fil en aiguille l’affaire est donc arrivée jusqu’à la Cour suprême.

    L’importance de l’arrêt est qu’il rend quasiment inopérant le fameux « amendement Blaine ». Du nom de James Blaine, qui tenta en 1875 de faire adopter un amendement à la Constitution des Etats-Unis interdisant les subventions publiques pour tout projet religieux. Le texte fut voté par 180 députés contre 7, mais échoua à obtenir les deux tiers des votes des sénateurs. Dans les années qui suivirent, une grande majorité d’Etats (dont le Missouri) inclurent l’amendement Blaine (ou un texte similaire) dans leur Constitution.

    L’amendement Blaine était clairement anticatholique : il visait en fait à interdire toute subvention aux écoles confessionnelles, lesquelles étaient alors presque toutes catholiques. Il était donc largement soutenu par les protestants. Ironie de l’histoire, l’Eglise catholique s’étant organisée en fonction de la situation, l’amendement frappe aujourd’hui surtout les protestants…

    L’Etat du Missouri citait explicitement son « amendement Blaine » pour refuser sa subvention. En donnant tort à l’Etat du Missouri, la Cour suprême rend donc l’amendement implicitement anticonstitutionnel. Et détruit d’abord son principe.

    L’arrêt a été pris par 7 voix contre 2. (Les deux sont Sonia Sotomayor nommée par Barack Obama, et la furie Ruth Bader Ginsburg.)

    Mais les sept ne sont pas complètement d’accord entre eux. Le juge John Roberts a tenu à préciser que s’il y avait eu clairement violation de la liberté religieuse dans la décision de refuser la subvention pour la seule raison que c’était une paroisse, cela n’implique pas que l’Etat doive donner des subventions à une activité religieuse. C’est l’usage de la subvention qui compte : il s’agissait de refaire un sol, ce qui n’est pas en soi religieux. Financer la réparation d’un lieu à statut religieux n’implique pas de financer l’usage religieux de ce lieu.

    Mais les juges Clarence Thomas et Neil Gorscuch ont chacun rédigé une note contestant cette interprétation.

    La plus importante est celle du nouveau juge nommé par Donald Trump. Neil Gorsuch affirme que la distinction faite par le juge Roberts entre statut religieux et usage religieux n’est pas pertinente sur le plan constitutionnel, il souligne qu’autrement l’arrêt pourrait être interprété de façon erronée comme permettant la seule réfection des sols des aires de jeux ou autres équipement ayant un lien avec la sécurité des enfants. Or, affirme-t-il : « Les principes généraux, ici, ne permettent pas la discrimination en matière de pratique religieuse – que ce soit sur une aire de jeux ou ailleurs. »

    Les partisans des libertés scolaires saluent une grande victoire. Car l’amendement Blaine est toujours brandi comme argument massue contre le chèque scolaire : un Etat ne peut pas donner d’argent pour l’école que choisiraient les parents, puisque si l’école est confessionnelle l’Etat subventionnerait un organisme religieux…

    Mais aujourd’hui l’amendement Blaine a sérieusement du plomb dans l’aile. (Et le ministre de l'Education, Betsy DeVos, est favorable au chèque scolaire.)

    Affaire à suivre…

    *

    Le gouverneur du Missouri, Eric Greitens, a salué la décision de la Cour suprême comme « une grande victoire pour le peuple des croyants ».

    Eric Greitens a quant à lui convoqué une session spéciale du parlement de l’Etat, à la demande de sénateurs pro-vie, pour que soit votée une loi qui réduise à néant l’ordonnance prise par la ville de Saint-Louis. Une ordonnance qui interdit toute discrimination des personnes à raison de leurs « décisions en matière de santé reproductive ou de grossesse » : ordonnance qui ferait de la plus grande ville de l’Etat un « sanctuaire de l’avortement » où les institutions y compris religieuses pourraient être obligées d’embaucher des militants de l’avortement. Une maison maternelle catholique et les écoles catholiques de l’archidiocèse ont immédiatement intenté une action en justice contre cette ordonnance.

    La loi en discussion, déjà votée en première lecture par les députés et les sénateurs, et qui devait être définitivement votée d’ici le 10 juillet et aussitôt signée par le gouverneur, édicte le contraire de l’ordonnance. Elle comporte aussi toute une série de mesures pro-vie. Notamment un dispositif de protection des 71 centres d’aide aux femmes enceintes, régulièrement attaqués en justice par les fanatiques de l’avortement sur le mode de notre dernière loi contre l’« entrave à IVG ». Et une nouvelle réglementation – et surveillance - sera imposée à l’unique avortoir de l’Etat, permettant de le fermer à la moindre illégalité…