Le 13 février, à 11h, neuf cuisiniers africains (huit Maliens et un Ivoirien) se mettent en grève au restaurant La Grande Armée , établissement chic de l’empire Costes, tout près de l’Arc de Triomphe.
Aussitôt, un commando de la CGT et de Droits Devant, avec Jean-Claude Amara en personne, et Mgr Gaillot, investit le restaurant.
Les cuisiniers sont en situation irrégulière et font grève pour être régularisés. « Ce sont des esclaves modernes », dénonce Amara, qui leur fait réciter la leçon sur les horaires changeants, les congés non payés, les tâches multiples. Peu après, les mêmes diront qu’il règne une bonne ambiance dans le restaurant, qu’ils ne font cela contre le patron mais seulement parce qu’ils en ont assez d’avoir peur d’être expulsés.
Le gérant souligne de son côté ce qu’il a fait pour ses salariés : les fêtes lors de la coupe d’Afrique des nations, les ruptures de jeûne du ramadan en cuisine, les parties de foot... Et il se dit très surpris que ses cuisiniers soient des clandestins. « Ils m’ont dit le contraire, ils m’ont donné des papiers que j’ai transmis à la Sécu et à la préfecture et tout a été validé. » Mais la CGT montre un courrier de refus d’immatriculation de la sécu, reçu par l’un d’eux qui aurait continué de travailler au restaurant sous une autre identité...
Le 14 février, la direction de l’établissement se dit prête à engager des démarches pour la naturalisation des cuisiniers s’il s’avère qu’ils sont en situation irrégulière. Jean-Claude Amara tonne que « la situation est bloquée par la faute du gouvernement »...
Le 15 février, la préfecture de police de Paris se dit disposée à examiner la situation des cuisiniers « avec une attention bienveillante », et les convoque pour le 18. Jean-Claude Amara fait savoir que les cuisiniers refusent cette convocation. « On ne va pas aller se mettre dans la gueule du loup comme ça », dit-il...
Pourtant, le 18 février, tout le monde est à la préfecture de police. Dans la soirée, les cuisiniers reçoivent un récépissé de trois mois avec autorisation de travail, qui débouchera sur un titre de séjour avec carte de travail.
Le 19 février, les cuisiniers reprennent le travail.
« C’est une grande victoire qui ouvre la voie à la régularisation de dizaines de milliers d’autres travailleurs sans papiers », clame Jean-Claude Amara.
Forte de ce « premier succès », la CGT demande quant à elle l’organisation d’une table ronde avec les ministères du Travail et de l’Immigration, et les organisations patronales, afin de « pouvoir régler le cas de dizaines, voire de centaines de milliers de travailleurs sans papiers ».
La préfecture de police a en fait appliqué la circulaire du 7 janvier dernier, qui précise une disposition de la loi sur la « maîtrise de l’immigration » du 20 novembre 2007 autorisant la régularisation des clandestins dans les secteurs « rencontrant des difficultés de recrutement ». La circulaire demande aux préfectures de « faire preuve de la plus grande bienveillance » envers les clandestins s’ils sont aptes à exercer leur travail, et de montrer une « diligence particulière » si le dossier est signalé par l’employeur (l’employeur de clandestins...). Rappelons qu’il suffit même, en fait, d’une « promesse d’embauche » pour être régularisé.
Droits Devant et la CGT ont donc fait un coup pour inciter les clandestins et les employeurs à faire jouer cette disposition. Pour aider en quelque sorte les autorités de l’Etat à appliquer la disposition immigrationniste.
L’AFP a interrogé le ministère de l’Immigration pour savoir combien de travailleurs clandestins avaient été régularisés depuis l’envoi des circulaires. Réponse : « C’est une application au cas par cas. L’administration centrale n’en tient pas la comptabilité. » Sic.