Dans certains blogs et journaux, les « trois points non négociables » tirés d’un texte de Benoît XVI sont devenus le critère quasiment unique, en tout cas primordial, pour juger les candidats aux législatives, comme c’était déjà le cas pour la présidentielle. Au lendemain du premier tour de la présidentielle, j’avais expliqué ce que j’en pensais, et je disais : « Je prends les devants pour les législatives. Comme ça ce sera fait, une fois pour toutes. »
Si j’y reviens néanmoins, c’est d’une part pour rappeler ma position, d’autre part pour signaler la spécificité des élections législatives.
Il s’agit d’élire des députés à l’Assemblée nationale. Or plus de 70 % des lois votées par l’Assemblée nationale ne sont que la transposition de directives européennes. Un taux qui ne cesse de monter, et qui va monter encore si Nicolas Sarkozy et ses collègues européens imposent un traité qui généralise le vote à la majorité qualifiée au conseil européen. Car il ne s’agit même plus d’« étendre » le vote à la majorité qualifiée, mais de le « généraliser ». Ce qui va plus loin que ce que prévoyait la Constitution européenne.
A partir du moment où le vote à la majorité est « généralisé », c’est donc la décision majoritaire qui est appliquée dans tous les domaines et dans tous les pays, et les Parlements nationaux ne sont plus que des chambres d’enregistrement.
Or l’idéologie majoritaire dans les institutions européennes est celle de la subversion anti-naturelle, à un degré plus fort encore que ce qu’elle est dans les institutions françaises. Pour prendre un seul exemple, on sait depuis l’affaire Buttiglione qu’un commissaire européen ne peut pas être, fût-ce à titre strictement privé, hostile aux relations homosexuelles. Cela est encore toléré dans le gouvernement français, comme le montre la présence de Christine Boutin. Mais si « l’Europe » décide de faire de la jurisprudence Buttiglione une règle universelle, il n’y aura plus de Christine Boutin. Laquelle déjà n’aura que le droit de se taire, en tant que ministre, sur les « points non négociables ».
Il ne sert à rien d’avoir un député qui défende les « points non négociables » et qui soit favorable à la généralisation du vote à la majorité qualifiée dans l’Union européenne. Il se paralyse d’avance. Pire : il accepte d’avance ce que les institutions européennes décideront en matière de culture de mort et de politique anti-familiale.
La priorité n’est donc pas de voter pour des candidats qui respectent les « points non négociables », mais pour des candidats qui veulent le rétablissement de la souveraineté nationale.
Cela paraît être un paradoxe, mais ce ne l’est pas : il vaut mieux voter pour un candidat « nationaliste » qui ignore les « points non négociables » que pour un candidat européiste qui les défend. Car la souveraineté du Parlement est une condition sine qua non. Si le Parlement est souverain, il se donne la possibilité d’œuvrer pour la vie et pour la famille. S’il ne l’est pas, il est aux ordres de la culture de mort, quelles que soient les opinions de tel ou tel député.
Comme pour moi il est évident qu’au-dessus de la politique il y a la morale, et qu’au-dessus de la morale il y a la religion, j’ai mis longtemps à comprendre le « politique d’abord » de Maurras. On a ici une parfaite illustration de ce principe.
Commentaires
Bravo pour ce rappel de votre précédent post et votre pertinence.
Votre analse me semble évidente et de bon sens. Au-delà même de ses autres propositions, la position de NS sur le "traité simplifié", était en soi source de graves dangers, sur le plan démocratique et de l'identité mais également sur le plan éthique.
Je n'arrive pas à comprendre, cette focalisation sur les 3 points en dehors de tout contexte politique ce qui peut apparaître comme une cécité sur ce point important.
En outre, votre analyse évite aux catholiques, de s'enfermer dans une position uniquement moraliste, la coupant, par la même de tout "embrayage" sur une ouverture sociale plus large.
C'est aussi une position thomiste : je renvoie aux analyse de M.Villey et M.Bastit sur les rapports entre droit et loi morale chez St Thomas.