Le 21 novembre dernier, j’avais signalé que le Conseil roumain anti-discrimination (CNCD) avait demandé au ministère de l’Enseignement de retirer les signes religieux (en l’occurrence les icônes) des murs des établissements scolaires afin de « respecter le caractère laïque de l’Etat ». Le CNCD avait été saisi par un professeur de philosophie, Emil Moïse, qui dénonçait la présence d’icônes dans les classes comme une « forme de discrimination envers les élèves agnostiques ou appartenant à une autre confession ».
Nous sommes tellement habitués au laïcisme d’Etat que cette recommandation nous paraît d’une banale évidence. Tout au plus peut-on s’étonner qu’il y ait encore des pays où l’on puisse apposer des symboles religieux sur les murs d’une école d’Etat.
Mais en Roumanie il n’en est pas ainsi. Les réactions ont été très vives, notamment de la part du patriarcat orthodoxe, qui accuse notamment le CNCD d’avoir « enfreint la Constitution , qui garantit la liberté de conscience et d’expression, ainsi que la législation européenne ». Mais ce sont aussi plusieurs centaines d’intellectuels, qui à l’appel de l’association Civic Media, ont signé une lettre demandant au CNCD de revenir sur sa recommandation, « fruit des pressions d’une minorité extrémiste », « blasphème à l’adresse des jeunes qui sont morts en décembre 1989 en luttant contre l’athéisme communiste ». L’un d’eux, l’écrivain Horia Roman Patapievici, dénonce le « fanatisme » du professeur de philosophie et « la tentative acharnée de dissoudre par des mesures coercitives imposées par l’Etat le consensus social autour d’une pratique entérinée par la société civile ». (Cela rejoint ce que disait tout récemment Benoît XVI : la vraie laïcité ne comporte pas l’exclusion des symboles religieux des bureaux, des écoles, des tribunaux, des hôpitaux, des prisons… Le devoir de tous les croyants est de « contribuer à élaborer un concept de laïcité qui reconnaisse à Dieu et à sa loi morale, au Christ et à son Eglise, la place qui leur revient dans la vie humaine, individuelle et sociale ».)
Mais voilà que les laïcistes roumains ont un nouvel os à ronger : les députés viennent d’adopter un projet de loi sur la liberté religieuse et le régime des cultes, qui contient, clament-ils, des articles « discriminatoires » favorisant l’Eglise orthodoxe ou qui « enfreignent la liberté d’expression en punissant les offenses aux symboles religieux ». Et ils appellent à une marche de protestation, dimanche à Bucarest…