Lorsqu’on lit les sublimes commentaires de saint Augustin sur l’évangile de saint Jean, on est étonné de découvrir, vers la fin, des propos qui n’annoncent vraiment pas du tout la future doctrine romaine de la primauté pontificale, à savoir du « pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel » du pape comme successeur de Pierre.
Voici ce qu’il dit dans l’homélie 118 :
Alors qu’ils étaient tous interrogés, Pierre seul a répondu : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant et il lui est dit : Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, comme s’il recevait seul le pouvoir de lier et de délier alors qu’un seul a fait cette réponse pour tous et a reçu ce pouvoir avec tous en ce qu’il incarnait l’Unité même, un seul donc pour tous parce que l’unité est en tous.
Plus loin, dans l’homélie 124, il revient plus longuement et lus précisément sur la question :
A cause de la primauté de son apostolat, l’apôtre Pierre personnifiait cette Eglise [qui remet les péchés] dans la généralité qu’il figurait. Considéré en lui-même, par nature il était un seul homme, par grâce il était un seul chrétien, par une grâce plus abondante il était un seul Apôtre et en même temps le premier des Apôtres, mais, quand il lui fut dit : Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux, tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aussi dans les cieux, il signifiait l’Eglise universelle, qui est agitée en ce siècle par des tentations diverses, comme par des pluies, des torrents et des tempêtes, mais ne s’écroule pas parce qu’elle est fondée sur la Pierre dont Pierre a reçu son nom, car la Pierre ne tire pas son nom de Pierre, mais Pierre tire son nom de la Pierre, de même que le nom du Christ ne vient pas de chrétien, mais que le nom de chrétien vient du Christ. En effet le Seigneur dit : Sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise parce que Pierre avait dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Sur cette Pierre donc que tu as confessée, dit-il, je bâtirai mon Eglise. La Pierre en effet était le Christ. Sur ce fondement Pierre lui-même est bâti. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, le Christ Jésus. L’Eglise qui est fondée sur le Christ a donc reçu de lui en Pierre les clefs du royaume des cieux, c’est-à-dire le pouvoir de lier et de délier les péchés. En effet, ce que l’Eglise est au sens propre dans le Christ, Pierre l’est figurativement dans la Pierre, et, dans ce sens figuratif, on comprend que le Christ est la Pierre et que Pierre est l’Eglise.
Dans son sermon 149 il dit de même :
En beaucoup de passages des Ecritures, il apparaît que Pierre joue le rôle de l’Eglise, mais surtout dans ce passage où il est dit : Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux, tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans le ciel et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aussi dans le ciel. Est-ce que Pierre a reçu ces clefs et que Paul ne les a pas reçues ? Est-ce que Pierre a reçu ces clefs et que Jacques, Jean et les autres apôtres ne les ont pas reçues ? Ou bien ces clefs ne sont-elles pas dans l’Eglise où chaque jour les péchés sont remis ? Mais parce que Pierre jouait le rôle de l’Eglise en figure, ce qui lui a été donné à lui seul a été donné à l’Eglise. Pierre par conséquent figurait l’Eglise et l’Eglise est le Corps du Christ.
En fait c’est un thème constant de saint Augustin. Il insiste dans son sermon 76 :
Tu es Pierre, dit-il, et sur cette Pierre que tu as confessée, sur cette Pierre que tu as reconnue je bâtirai mon Eglise, c’est-à-dire sur moi-même, le Fils du Dieu vivant, je bâtirai mon Eglise. Sur moi je te bâtirai, et non pas moi sur toi.
Et dans le sermon 270 :
Sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise, non pas sur la Pierre que tu es, mais sur la Pierre que tu as confessée. Je bâtirai mon Eglise, je te bâtirai, toi qui dans cette réponse que tu as faite porte la figure de l’Eglise.
Et dans son commentaire de la première épître de saint Jean :
Que veut dire : Sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise ? Sur cette foi, sur ce qui a été dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.
Dans ce commentaire, comme dans le sermon 149, saint Augustin évoque aussi spécifiquement la deuxième partie du propos du Christ :
C’est à l’Eglise qu’il a été dit : Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux, tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans le ciel et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aussi dans le ciel.
Mais cela se trouve déjà dans saint Matthieu 18,18, un verset qui n’est jamais cité. Jésus s’adresse explicitement à tous ses apôtres et leur dit la même chose qu’à Pierre :
En vérité, Je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le Ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié aussi dans le Ciel.
En fait, c’est saint Pierre lui-même qui a été le premier à faire l’interprétation de saint Augustin, dans sa première épître, si l’on y fait attention :
Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et mise en honneur par Dieu ; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, soyez posés sur lui pour former une maison spirituelle, et un sacerdoce saint, qui offre des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ.
Le Christ est la Pierre vivante et c’est sur cette Pierre que l’Eglise est édifiée.
• La traduction de saint Augustin est celle de « M.-F. Berrouard » (le dominicain Marie-François Berrouard, 1918-2004), Bibliothèque augustinienne.
Commentaires
Bien sûr !
C'est ce que soutiennent les protestants :
"Tu es Pierre", dit Jésus en tapotant de l'index la poitrine de Simon, puis, se montrant Lui-même du doigt, "et sur CETTE Pierre je bâtirai mon Eglise".
Lao Tseu a dit aussi quelque chose qui pourrait être de Jésus, de sorte que certains soutiennent que Jésus avait dû lire Lao Tseu, et d'autres que Lao Tseu fut assurément postérieur à Jésus :
"Si la pierre tombe sur l’œuf, malheur à l’œuf ; si l’œuf tombe sur la pierre, malheur à l’œuf."
Tout cela me semble un peu tiré par les cheveux.
Moi je suis un homme simple et peut-être même simplet .
Jésus dit : tu es Simon, tu t'appelleras Céphas (Pierre).
Jésus dit aussi : tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église.
Conclusion : Jésus, après avoir changé le nom de Simon, il lui confie à lui et à lui spécifiquement (mais en collaboration avec ses compagnons apôtres tout de même) la direction de Son Église.
Pourquoi compliquer les choses au point de ne plus rien comprendre ?
La Pierre, dans ces contextes, c'est Simon et non pas le Christ, mais c'est bien sûr le Christ qui est à l'origine des pouvoirs ainsi conférés.
Si je n'ai rien compris, que le ciel me tombe sur la tête...
Il y a plus d'un passage, et parmi les plus fameux, où Notre Seigneur se compare Lui-même à une pierre.
Pour celui qui se rapproche de Lao Tseu : "Celui qui tombera sur cette pierre se brisera, et celui sur qui elle tombera sera écrasé." (Mt, 21, 44, même chose en Lc, 20, 18).
Et bien sûr, il y a surtout la pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs, qui ne saurait être que le Christ. Cela dit, Oléandre, votre explication est celle de l'Eglise, dont la Tradition s'accorde ici parfaitement avec l'Ecriture. Simon est si bien la pierre dont parle Notre Seigneur qu'il en change de nom !
"Le Christ est la Pierre vivante et c’est sur cette Pierre que l’Eglise est édifiée." Cette phrase de Daoudal n'est pas à proprement parler hérétique, mais il ne faut pas l'appliquer au passage dans lequel Notre Seigneur, ayant été reconnu par Simon pour Celui qu'Il est, à savoir le Messie, le Fils du Dieu vivant, fait de celui-ci la pierre, c'est-à-dire l'Autorité humaine, dont Il sait, connaissant la faiblesse, le grégarisme et peut-être surtout l'orgueil de ses créatures, que la Vérité a besoin pour régner ! Simon est devenu Pierre pour avoir confessé le Christ (LA Pierre, si l'on veut), mais cela n'enlève rien à l'Autorité qu'il a reçue et transmise.
Stav 19h19. Tout à fait d'accord !
Les Orthodoxes sont schismatiques et pas que sur ce sujet d'ailleurs car ils admettent aussi le remariage après le divorce. Il est vrai qu'ils ajoutent (pour se faire une bonne conscience) que les remariés doivent au préalable passer par une sorte de pénitence et après ça, tralala tralala...C'est vraiment se moquer de Dieu...
Soljenitsyne est un homme extraordinaire et son Archipel du Goulag multiplie les témoignages de sainteté chrétienne. Pourtant il fut deux fois divorcé et laissa une de ses épouses (la troisième, je crois) élever ses enfants dans le judaïsme. Il y a quelque chose qui m'échappe là-dedans !
Après l'exégèse sur le filioque, en voici une autre sur la primauté de Pierre qui va dans le sens de ce que pense l'Eglise Orthodoxe qui ne reconnaît ni le filioque, ni la primauté de Pierre. Reste, si mes souvenirs sont bons, le dogme de l'Immaculée Conception... et la conversion à l'Orthodoxie pourra se faire. Vu l'état de l'Eglise Catholique, on peut comprendre la tentation. On peut aussi aspirer à retrouver l'unité de l'Eglise des premiers temps, et il serait grand temps.
L'unité ne devrait pas être un problème pour ceux qui l'ont gardée, quoiqu'ils s'en préoccupent énormément depuis soixante ans. Ceux qui l'ont quittée et perdue et n'en ont rien à foutre ricanent de cette si haute préoccupation des catholiques : l'unité !
Si votre femme se tire avec le plombier ou avec votre meilleur ami, le bon moyen de la ravoir, à supposer que ce soit un dessein honorable, n'est sûrement pas d'aller pleurer sous ses fenêtres en chantant Ne me quitte pas !
Margarita, pour ce qui est du dogme de l'Immaculée Conception, en fait, il est inutile et provient d'une conception réinterprétée et donc hétérodoxe du péché originel. Ce dogme est une rustine apparue très tardivement pour réparer cette conception erronée du péché originel. Il est superflu car la Mère de Dieu est Toute Pure, non par exception mais par réponse parfaite à l'Esprit. Là encore, il faut revenir à la tradition.
Beaucoup de bruit pour rien. Enfin pas tout à fait. Ca montre que la compréhension de la Révélation progresse dans l'Eglise. Tant mieux!
Vous avez raison de montrer que la pensée de st Augustin n'est pas aussi univoque que le laisse entendre une ou deux citations donnée par le DTC (primauté, col 282).
Mais vous n'allez pas me dire qu'à votre âge, vous découvrez les objections protestantes sur le Tu es Petrus... C'est pour cela que le biblicisme intégral est insoutenable.
Je n'ai jamais lu d'auteur protestant et je n'en lirai jamais. Donc si vous voulez dire que ces citations de saint Augustin ont été reprises par les protestants, effectivement je ne le savais pas, et ça m'est égal. La question est que le dogme de la primauté pontificale n'est soutenu par aucun Père de l'Eglise, y compris par le plus important et emblématique père et docteur latin. Cela pose tout de même un problème, il me semble. Ou alors il faut oublier les pères, et supprimer ce titre, et aussi celui de docteur. Et je ne vois en quoi citer un père et docteur de l'Eglise est du "biblicisme intégral"...
Enfin dire que "la Révélation progresse dans l'Eglise" est contraire à la Tradition. La Révélation est close avec la mort du dernier apôtre. Elle ne peut donc pas progresser.
Luther était moine de l'ordre mendiant des Augustins à Erfurt. Il y a trouvé refuge après avoir tué un condisciple en duel et pour échapper à la justice civile. Son invention de peur d'un orage ne tient pas debout. Sauf qu'il a compris de travers St Augustin. Il s'est inspiré des Orthodoxes pour refuser la primauté de Pierre.
Et les Orthodoxes fricotent avec les Anglicans aux conférences de Lambeth. Ces derniers dans l'espoir de faire reconnaître la validité de leurs "ordinations" protestantes. Heureusement cela a capoté, ce qui prouve que les Orthodoxes sont intelligents et se sont aperçus de la nébuleuse des croyances protestantes.
Tout ce qui est dit ici sur le sujet de la primauté de Pierre est résumé dans l'Évangile de St. Jean, outre ce qu'on lit aussi dans les autres Évangiles, quand le Christ dit par 3 fois à Pierre : Pais mes agneaux, pais mes brebis.
Je veux bien être pendu si cela ne veut pas dire : je te confère la primauté sur les autres apôtres.
Que St. Augustin, ou d'autres éminents docteurs, n'en parlent pas, ne change strictement rien à la logique implacable de cette sentence du Christ qui impose Pierre comme le premier parmi les apôtres et le "primus inter pares" des Orthodoxes pour noyer le poisson ne change rien non plus.
@éric parle bien "[de progression de] la compréhension de la Révélation" et non "[de progression de] la Révélation", différence qui a son importance.
Pour les malcomprenants, la deuxième expression laisse entendre un changement du contenu de la foi, tandis que la première se limite à considérer nos aïeux dans la foi comme intellectuellement limités.
A Luc*. Vous avez raison. J'avais lu trop vite. Mes excuses à eric.
Jamais lu d’auteur protestant ? Quelle ouverture d’esprit et quel aveu d’incompétence pour critiquer ensuite ce que disent les intéressés. De la part de quelqu’un qui adule les schismatiques moscovites c’est à pouffer de rire
Mr. Daoudal est assez grand pour se défendre tout seul.
Cependant, j'interviens ici pour approuver ce qu'il dit, et il est logique, car aucun Catholique n'a à apprendre quoi que ce soit des hérétiques qu'ils soient protestants ou autres.
Ce n'est même pas une question d'ouverture d'esprit mais c'est simplement perdre son temps qu'on peut utiliser à autre chose.
Je trouve bien qu'il s'intéresse à l'Orthodoxie qui nous est infiniment plus proche doctrinalement que les hérétiques protestants, mais je regrette que les orthodoxes soient enfermés dans un complexe d'infériorité vis-à-vis des catholiques (alors qu'à l'époque de Byzance c'était le contraire), ce qui les rend inutilement agressifs et même stupides dans leurs réactions comme j'en ai été témoin plus d'une fois.
Des auteurs protestants, on est bien obligé d'en lire si l'on aime la littérature, le théâtre et la philosophie, sans parler d'écouter leur musique...
Ne pas lire leur apologétique ou leur exégèse, c'est une autre question.
Pour Margarita et Michel qui contestent le dogme de l'Immaculée Conception (soit dit en passant : approuvé par la Theotokos Elle-même à Lourdes), ils dénigrent le travail de Mr. Daoudal qui avait pris la peine, il y a peu de temps, d'afficher des prières et des commentaires de saints orthodoxes...
Margarita et Michel contredisent donc directement ce travail, mais cela prouve aussi que les Églises orthodoxes ne sont pas d'accord entre elles, et il faut donc arrêter de vouloir donner des leçons à l'Église catholique d'autant que, je le répète, la Vierge Marie a elle-même confirmé cela et les miracles à Lourdes sont une seconde confirmation de l'authenticité de tout ce qui a été rapporté.
Mais on revient à ça : il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre...
J'interviens parce qu'on parle de moi, et que j'avais l'intention de détromper Oléandre depuis longtemps sur le fait que je cite des textes byzantins évoquant l'Immaculée : La liturgie byzantine emploie le mot "Immaculée" beaucoup plus souvent que la liturgie latine, mais cela n"entraîne pas l'adhésion au récent dogme romain de l'Immaculée Conception.
Les théologiens orthodoxes (francophones, en tout cas, et ceux-là ne sont pas du tout cathophobes) évoquent volontiers Lourdes... comme un argument dans leur sens. Ils soulignent (ce qui m'avait intrigué également) que la Mère de Dieu dit "Je suis l'Immaculée Conception" le 25 mars, le jour de l'Annonciation, de l'Incarnation. Ils disent donc que Marie à Lourdes souligne qu'elle a conçu le Fils de façon immaculée.
J'ajoute que cela correspond à la façon orientale de parler: dans le calendrier byzantin, le 9 décembre est la fête de la "Conception de sainte Anne": il s'agit de la conception de la Vierge par sainte Anne.
(Je ne prends pas position sur cette question pour le moment. Cela dit si on ne croit pas au récent dogme on se trouve d'accord avec saint Thomas d'Aquin, qui selon son habitude a prouvé par A + B que c'était impossible, et avec saint Bernard dont le premier argument est plus intéressant: il ne faut pas inventer de nouvelles fêtes liturgiques.)
En tout cas, moi qui suis un homme simple, je note ceci : le Pape Pie IX promulgue le dogme de l'Immaculée Conception en 1854 et 4 ans plus tard, en 1858, la Ste Vierge confirme ce dogme à une petite fille illettrée, Bernadette, qui va répéter à son curé (sans le comprendre), tout le long du chemin pour ne pas l'oublier "qué soy era immaculada concepciou" en patois, langue utilisée par la Vierge à icelle.
Le prêtre en est tellement ébahi, sachant qu'elle ne peut connaître ce dogme datant de si peu, elle, l'illettrée, il est obligé d'y voir un signe de la Dame qui apparaît et à partir de ce moment, il la défend bec et ongle contre ses détracteurs.
De plus, le corps de Bernadette se trouve à Nevers, INCORROMPU, signe du Ciel qu'elle est digne de confiance et elle est canonisée. Et des miracles continuent encore aujourd'hui à se produire à Lourdes.
Si tout cela ne suffit pas à rendre caduc ce que pensent St. Thomas d'Aquin et St. Bernard, j'y perds mon latin, car les saints sont aussi soumis à l'Église et leurs opinions ne comptent plus dès que l'Église a tranché sur une question qui fait débat.
Voilà voilà voilà...
Selon Aristote, l'embryon humain passe, au cours de la gestation, du stade de végétal à celui d'animal. Dans cette conception erronée de la génération, la femme n'apporte qu'un utérus dans lequel un spermatozoïde "qui a réussi" va croître, accroché par le cordon ombilical.
Pour saint Thomas, la transmission du péché originel est donc séminale : "Le péché se transmet par origine du premier géniteur à la postérité." (Quaestiones disputatae de malo).
C'est dans ce contexte que pouvait se poser la question du moment où Dieu confère à l'embryon une âme immortelle et que saint Thomas pouvait, en logique, contester l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, alors que celle de son Fils ne lui posait aucun problème, le géniteur étant le Saint-Esprit !
S'il avait eu accès aux données de la science actuelle, à savoir que l'embryon est produit par la fusion instantanée d'un spermatozoïde et d'un ovule, saint Thomas n'aurait pas hésité à affirmer que Dieu lui communique tout aussi instantanément une âme immortelle et qu'il lui est tout autant loisible de faire en sorte que cette âme soit exempte du péché originel.
Me semble-t-il...
Enfin bon, "le géniteur étant le Saint-Esprit" est peut-être une énormité... Il opère mais c'est bien le Père que Notre Seigneur appelle son Père...
La question de l'Imaculée Conception de la Vierge Marie était en discussion libre avant la promulgation du dogme. Je suis donc d'accord avec Oléandre. Après la promulgation, il n'y a plus de discussion posible. St Thomas s'opposait à "traducianisme" hérésie qui prétendait que l'âme était transmise par les parents, d'où son adhésion à Aristote et l'animation après le 3e mois qui rendait imposible le "traducianisme". St Thomas avait tort face aux Franciscains, mais comme la question était libre, il n'y a pas à lui en vouloir.
Je me permets de citer ici la Somme théologique :
"Comme nous l’avons dit plus haut, le corps du Christ existait en Adam selon sa substance corporelle, en ce sens que sa matière a dérivé de celle d’Adam, mais non selon un principe séminal, puisqu’elle n’a pas été conçue par le sperme d’un homme. Aussi le Christ n’a-t-il pas contracté le péché originel, comme les autres hommes qui descendent d’Adam par origine séminale." (La chair du Christ a-t-elle été prise d'Adam ?)
Il s'agit bien là de la solution définitive apportée par saint Thomas, et non d'une objection. Le raisonnement est faux puisque nous savons aujourd'hui que le péché originel ne se transmet pas par la semence masculine. Ou alors il se transmet tout autant par l'ovule ! C'est de la simple logique.
Et cette logique thomiste, si l'on veut la concilier avec ce que nous savons aujourd'hui de la conception, à savoir que nous sommes le produit de la rencontre de DEUX gamètes, de DEUX cellules, cette logique EXIGE l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge : cqfd.
Pour Oléandre qui n'a pas compris mon propos. En tant que catholique, je ne conteste pas le dogme de l'Immaculée Conception, je dis simplement que les orthodoxes ne le reconnaissent pas. Et qu'avec le filioque et la primauté de Pierre, c'est ce qui "coince" entre "les deux poumons" de la Chrétienté. L'explication apportée par M. Daoudal est intéressante. Et voici une belle citation de saint Germain de Constantinople, patriarche de Constantinople de 715 à 729: "Personne, ô Immaculée, n'est délivré du mal, sinon par vous. "
Il serait tout de même juste de mentionner que saint Augustin non seulement ne nie pas la primauté pontificale, mais en outre l'affirme. Voir par exemple les textes suivants :
"Cum igitur tantum auxilium Dei, tantum profectum fructumque videamus, dubitabimus nos ejus Ecclesiae condere gremio, quae usque ad confessionem generis humani ab apostolica Sede per successiones episcoporum, frustra haereticis circumlatrantibus, et partim plebis ipsius judicio, partim conciliorum gravitate, partim etiam miraculorum majestate damnatis, culmen auctoritatis obtinuit?" De Utilitate Credendi, 35 https://la.wikisource.org/wiki/De_utilitate_credendi_(ed._Migne)
"In qua [Romana Ecclesia] semper apostolicæ cathedræ viguit principatus."
https://en.wikisource.org/wiki/Nicene_and_Post-Nicene_Fathers:_Series_I/Volume_I/Letters_of_St._Augustin/Letters_of_St._Augustin/Chapter_43#cite_note-7
Pour ceux que cela intéresse, saint Robert Bellarmin a établi une liste de citations de pères grecs et latins prouvant la primauté pontificale, qu'on trouve dans la Tertia controversia generalis de Summo Pontifice, liber II, cap. XV (Idem probatur a Patribus graecis) et XVI (Idem probatur a Patribus latinis).