La dernière Lettre aux amis du monastère du Barroux nous montre une photo du monastère de Simonos Petra.
Avec le texte suivant du Père Abbé.
Au mois d’octobre, le Père Daniel Ange m’a proposé de faire un pèlerinage au mont Athos. Privilège insigne car, pour un catholique bien identifiable, il est indispensable d’avoir une invitation nominale pour obtenir l’accréditation permettant de franchir la frontière de la Sainte Montagne. Une fois les barrières passées, tout est merveilleux pour celui qui sait respecter les conditions d’accueil. Le mont s’est présenté à nous sous un habit de lumière, avec une mer d’un bleu marial. Son sommet se profilait au loin avec sa petite chapelle à deux mille mètres d’altitude, qui rappelle aux moines le grand mystère de l’Ascension du Seigneur. Le bateau versait et accueillait son flot de pèlerins, de popes et de moines, s’arrêtant à chaque port tous les deux ou trois milles. Débarqués à Daphné, nous fûmes accueillis par un laïc qui nous conduisit au monastère de Simonos Petra par une route en gravier serpentant dans les collines pleines de roches et de verdure. Puis, au détour de cette route, nous aperçûmes le fameux monastère, l’un des plus étranges des vingt monastères de la péninsule. Car il y a au mont Athos 2 000 moines répartis dans 20 monastères, 13 skytes et 300 kellia (sortes de dépendances plus ou moins grandes attachées aux monastères).
Simonos Petra compte 60 moines, de tous âges, venant de toute l’Europe et notamment de France, ce qui nous a permis de communiquer facilement. Ce monastère a été fondé au xiiie siècle par un ermite qui, la nuit de Noël, aurait aperçu une étoile particulière au-dessus d’un piton improbable. Et suivant ce qu’il perçut de la volonté de Dieu, il se mit à construire un monastère avec quelques disciples, défiant tout bon sens et toute économie de moyens. Son audace obéissante donna donc ce joyau, qui reflète autant la folie de Dieu que sa tranquille permanence.
Ce pèlerinage au mont Athos fut pour moi une source d’émerveillement. J’y ai vu un amour de la transcendance à travers la divine liturgie, la vie intérieure, le sens du mystère et de la grâce, et plus particulièrement, à travers le respect de la tradition. Le mont Athos a connu bien des épreuves : les pillages des pirates catalans, les incendies, la domination turque, mais aussi et surtout le malheur de la décadence monastique. Comme en Occident, le monachisme oriental a connu des périodes de grands élans spirituels et d’affaiblissements. Un des pères de Simonos Petra m’a affirmé que c’est lorsque de saints higoumènes sont revenus à la tradition monastique que le mont Athos a retrouvé sa vitalité actuelle. On constate donc que les monastères et les dépendances sont en reconstruction et accueillent des vocations jeunes. L’amour de la tradition est un des trésors que nous partageons avec eux. Et je sais que ces moines regardent d’un œil étonné ce qui se passe dans l’Église catholique. Eux qui ne sont pas très favorables à un rapprochement œcuménique ont un argument supplémentaire dans leur réserve en voyant que les promesses faites aux communautés traditionnelles, il y a trente-cinq ans, en 1988, semblent ne pas compter pour les autorités actuelles. Comment peut-on vouloir s’unir avec les Orientaux si attachés à leurs traditions, si en Occident nous ne sommes pas capables de trouver des solutions autres que la dissolution ? Je crois que le défi qui se présente à nous dans ce domaine pourrait être un galop d’essai en vue d’une démarche œcuménique concrète de rapprochement.
Mais ce qui m’a le plus frappé durant ma visite de trois jours, ce fut d’apercevoir des moines anciens plongés dans le silence et la prière continuelle. Je n’avais jamais vu en France une telle intensité de recueillement. J’ai découvert des hommes silencieux, non pas qui respectent la discipline du silence, mais des hommes devenus silence. Des hommes qui, vraiment, comme le demande saint Benoît, ne parlent que si on les interroge. Des hommes qui non seulement gardent le silence de la bouche, mais jouissent de la paix, signe de leur victoire dans le combat contre les passions intérieures. Toutefois, une majorité des moines du mont Athos n’y parviennent pas ou n’y sont pas encore arrivés. Mais ces quelques hommes de silence restent un exemple, et sont comme une étoile orientant la vie de toute la Montagne sacrée. Ces moines sont beaucoup plus éloquents que tous les manuels ou toutes les règles écrites. Le silence leur a donné une seconde nature. Ils sont comme un puits de silence dans lequel Dieu aurait pris toute la place. À juste titre, la spiritualité orientale insiste sur la grâce de la divinisation par laquelle une âme reflète l’image de son Dieu. Je l’avais lu dans des livres, mais au mont Athos j’en ai été le témoin.
† F. Louis-Marie, o. s. b., abbé
Commentaires
Ah ….
La translumineuse Ténèbre du Silence !
Pardon pour la question un peu abrupte, vulgaire : il a donc eu la permission d'y célébrer la messe romaine?