« Véritable représentation de saint Philippe Neri ». La gravure est du début du XVIIIe siècle, mais d’après un dessin d’Antonius Pomerancius qui était contemporain du saint.
Ce saint prêtre (+ 1591) qui, pendant près d’un demi-siècle, exerça à Rome le ministère apostolique, et, dans un milieu léger et corrompu, devint l’oracle des Pontifes, des cardinaux et des personnages les plus insignes de son temps, a si bien mérité du Siège apostolique que, jusqu’à ces dernières années, sa fête était assimilée aux dimanches dans la Ville éternelle, et le Pontife lui-même, en cortège de gala, allait célébrer les divins mystères sur le tombeau du Saint à Sainte-Marie in Vallicella.
Il est presque impossible de parler brièvement des mérites de saint Philippe et de la part importante qu’il eut dans la réforme ecclésiastique du XVIe siècle. Ami de saint Charles et du cardinal Frédéric Borromée, confesseur de saint Camille et de saint Ignace, père spirituel de Baronius, confesseur de Clément VIII, on peut dire que son influence salutaire s’étendit à tous les divers aspects de la réforme, en sorte que même si l’on pouvait faire abstraction de sa sainteté, l’activité de saint Philippe lui aurait indubitablement mérité une place d’honneur dans l’histoire du XVIe siècle.
Par la fondation de la Congrégation des Prêtres de l’Oratoire, Philippe, en un champ sans doute beaucoup plus restreint et avec des vues quelque peu diverses, se proposa le même but que saint Ignace : celui de ramener à la religion la société chrétienne, moyennant la fréquentation des Sacrements et l’enseignement du catéchisme.
Tandis qu’en Allemagne les protestants accusaient l’Église catholique d’avoir soustrait la Bible au peuple, saint Philippe ordonnait que, dans son église de Saint-Jérôme, on commentât l’épître de saint Paul aux Romains ; il répondit aux centuries de Magdebourg en imposant à Baronius d’exposer à cinq ou six reprises dans ses conférences du soir l’histoire de l’Église, puis de publier ces études qui remplissent douze gros in-folio.
L’hérésie luthérienne, avec ses erreurs sur la grâce et le libre arbitre, avait tari les sources mêmes de la joie ; saint Philippe, par ses soirées musicales et poétiques qui prirent alors leur nom d’oratorios du lieu où le saint les faisait exécuter ; par ses récréations sur le Janicule, où à l’ombre d’un chêne, il se faisait enfant avec les enfants, sagement ; par ses pèlerinages aux tombeaux des martyrs et aux sept principales églises de la Ville éternelle, restitua à la vie catholique sa vraie tonalité, celle qu’exigeait aussi saint Paul quand il écrivait à ses fidèles : Gaudete in Domino semper ; iterum dico : gaudete.
Très pénitent et dur pour lui-même, Philippe était doux avec les autres et, au besoin, même facétieux, anticipant dans la pratique ce que, quelque temps plus tard, devait enseigner saint François de Sales, à savoir qu’un saint triste est un triste saint. A l’occasion, saint Philippe savait même ressusciter les morts, écouter leur confession, causer avec eux, et, à leur demande, les rendre, d’un signe de croix, à l’éternité. Et pour que la nouveauté de tels prodiges ne lui conciliât pas l’admiration du peuple, il aimait à se comporter de manière à se rendre méprisable et à se faire passer pour insensé ; c’est ainsi que, le jour de la fête de saint Pierre aux Liens, il se mit à danser devant la basilique de ce nom.
A l’offre de la pourpre cardinalice qui lui avait été faite tant de fois par les papes, Philippe opposa toujours un refus sans réplique ; et il sut si heureusement inspirer ce même esprit d’humilité à ses disciples, spécialement à Tarugi et à Baronius que, quand ce dernier fut créé cardinal, on dut le dépouiller de force de ses vieux vêtements d’oratorien, dans la sacristie même de la Vallicella, pour le revêtir malgré lui de la soutane rouge et du rochet, selon les ordres du Pontife.