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Sexagésime

Le dimanche de la Sexagésime exprime de façon particulière la façon dont la liturgie latine s’est constituée. Ce n’est en rien une fabrication de spécialistes, mais c’est un écho ritualisé de l’histoire même de la Rome chrétienne. Car la (vraie) liturgie latine est d’abord la liturgie de Rome.

Le formulaire de la messe de ce jour rappelle ce temps où les Lombards ravageaient la péninsule. D’où l’appel angoissé de l’introït :

Exsúrge, quare obdórmis, Dómine ? exsúrge, et ne repéllas in finem : quare fáciem tuam avértis, oblivísceris tribulatiónem nostram ? Adhǽsit in terra venter noster : exsúrge, Dómine, ádiuva nos, et líbera nos.

Levez-vous ; pourquoi dormez-vous, Seigneur ? Levez-vous, et ne nous repoussez pas à jamais. Pourquoi détournez-vous votre visage et oubliez-vous notre tribulation ? Notre corps est attaché à la terre. Levez-vous, Seigneur, secourez-nous et délivrez-nous.

C’est ce que l’on retrouve aussi dans le graduel et dans le trait.

Et aussi d’une certaine façon dans l’épître, où saint Paul énumère ses tribulations.

Mais la raison d’être de cette épître est d’abord le fait que la « station » de ce jour (l’église où le pape devait célébrer la messe) est la basilique Saint-Paul hors les murs. Ce qui ne doit rien au hasard. Le premier dimanche de carême, l’un des temps forts de l’année liturgique, la messe doit être célébrée en la cathédrale de Rome, Saint-Jean de Latran, la première église de Rome en dignité. Le dimanche de la quinquagésime, c’est dans la deuxième : Saint-Pierre, le dimanche de la sexagésime, dans la troisième : Saint-Paul, et le dimanche de la septuagésime c’était dans la quatrième : Saint-Laurent.

La longue épître est donc celle où saint Paul raconte tout ce qu’il a subi, et aussi sa grande expérience mystique.

Si l’on pense à saint Paul on comprend tout de suite que l’évangile fait aussi allusion à l’apôtre des gentils : il s’agit de la parabole du semeur. Or saint Paul est le semeur du Verbe dans le monde entier. Les intellectuels d’Athènes en avaient même fait un sobriquet en l’appelant « spermologos », dans la Vulgate « seminiverbius », parole de semence…

Quant à la collecte elle évoque saint Paul, comme le ferait une collecte d’une fête de l’apôtre, mais, précisément, sous son titre de « docteur des nations » :

Deus, qui cónspicis, quia ex nulla nostra actióne confídimus : concéde propítius ; ut, contra advérsa ómnia, Doctóris géntium protectióne muniámur. Per Dóminum.

O Dieu, qui voyez que nous ne nous confions en aucune de nos œuvres, accordez-nous, dans votre bonté, d’être fortifiés contre tous les maux, grâce à la protection du Docteur des Gentils.

Adversia omnia : tous les maux, tout ce qui nous est contraire, à quoi nous sommes confrontés, c’est, historiquement, les maux dont souffrait alors la péninsule, et c’est, évidemment, dans sa valeur liturgique, les maux auxquels sont confrontés les chrétiens de tous les temps : le péché et les tentations, mais aussi les maux du corps.

On demande donc, en son temple, la protection de saint Paul. Et ici il y a comme un clin d’œil. Le verbe traduit par « fortifiés » (qu'on retrouve aussi dans la "secrète") veut dire d’abord « garni de fortifications » : étymologiquement, nous demandons à saint Paul de nous entourer de murs spirituels contre le diable. Nous le lui demandons à Saint-Paul… hors les murs. Extra muros. Il s'agit du mur d'Aurélien qui entourait Rome. La basilique est de l’autre côté des murs protecteurs, elle est sans défense, et du reste elle sera saccagée par les Lombards, puis par les Sarrasins.

Que la protection de saint Paul nous soit donc un rempart, maintenant, pendant le carême qui vient, et en tout temps.

Commentaires

  • Superbe commentaire!

  • Merci pour ce commentaire vraiment éclairant !

    (Juste un détail à la fin : Les murs ne sont pas ceux du Vatican, mais de la Rome médiévale, me semble-t-il (et St-Paul hors les murs loin du Vatican)

  • Oui, merci. Je corrige. Je pensais aux murs qui entourent le seul Etat du monde qui soit ainsi, où règne un pape qui condamne les murs...

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