Christine, dont le nom seul embaume l’Église des parfums de l’Époux, prélude dans sa grâce à la fête de l’aîné des fils du tonnerre. L’antique Vulsinies, assise près de son lac aux rives de basalte, aux calmes et claires eaux, la vit à dix ans mépriser les idoles des nations. Elle triompha du paganisme étrusque là même où Constantin signale en ses édits le lieu de la solennelle réunion qui se faisait chaque année des faux prêtres ombriens et toscans. La découverte du tombeau de Christine [en 1880] est venue confirmer dans nos temps jusqu’à cette particularité de l’âge de la martyre donné par ses Actes, auxquels la science des derniers âges avait voulu dénier toute valeur. Nouvelle leçon, reçue après bien d’autres, et qui devrait amener une critique trop infatuée à reporter quelque peu sur elle-même les défiances dont elle se fait un honneur. Lorsque du rivage qui reçut après ses combats la dépouille de l’héroïque enfant, on contemple l’île où périt tragiquement deux siècles plus tard la noble fille de Théodoric le Grand, Amalasonte, le néant des grandeurs qui n’ont que cette terre pour piédestal saisit l’âme plus éloquemment que ne ferait tout discours. Au XIIIe siècle, l’Époux, continuant d’exalter la martyre au-dessus des plus illustres reines, voulut l’associer à son triomphe au Sacrement d’amour : ce fut l’église de Christine qu’il choisit pour théâtre du miracle fameux de Bolsena, qui précéda de quelques mois seulement l’institution de la solennité du Corps du Seigneur.
L’année liturgique
Commentaires
Le texte de l’Année liturgique peut laisser croire que ce qui est dit de Christine est fiable. C’est plus que douteux.
https://archive.org/details/ButlersLivesOfTheSaintsCompleteEdition/page/n1655
On est dans un cas similaire avec Apollinaire.
https://archive.org/details/ButlersLivesOfTheSaintsCompleteEdition/page/n1649
Pardonnez-moi, mais vous pouvez garder ce genre de conneries (bullshit comme disent les compatriotes de Butler) pour vous.
Vous pourriez au moins lire, avant, ce que j'ai déjà écrit sur sainte Christine et qui se trouve notamment par le lien que j'ai indiqué.
L'Année liturgique règle ici ses comptes, très précisément, avec ces critiques rationalistes "trop infatués" dont les préjugés antitraditionnels ont été démentis par les découvertes scientifiques. Et il y en a eu de nombreuses au XIXe siècle, dont celle du tombeau de sainte Christine, martyre de 14 ans, comme le disaient les anciens textes.
Je suis au courant pour le tombeau.
Cependant , si découvrir ce *tombeau* peut laisser supposer qu’il y a bien eu une Christine honorée en tel lieu, cela n’implique *évidemment* en rien que la *littérature hagiographique* la concernant soit fiable.
Bien entendu, je n’irai pas jusqu’à qualifier de connerie le propos de quelqu’un (s’il s’en trouvait un) qui, par aventure, se laisserait aller à confondre ces deux éléments logiquement et empiriquement distincts.
Je répète donc que les élaborations biographiques minutieusement circonstanciées concernant des saints comme Apollinaire ou Christine ne sauraient nullement engager la créance d’une personne de sens rassis. Dans des cas analogues plus d’un bollandiste en a jugé ainsi.
"élaborations biographiques minutieusement circonstanciées"
C'est ce qu'on peut dire de toutes les légendes des martyrs des premiers siècles (à une ou deux près). Donc je ne vois pas pourquoi vous vous acharnez sur Christine.
Sauf que, je peux me répéter autant que vous, le fait qu'on ait découvert le corps d'une fille de 14 ans martyrisée dans la crypte de l'église de sainte Christine martyrisée à 14 ans réduisait à néant les sarcasmes des rationalistes sur cette Christine qui n'a jamais existé, et tout particulièrement l'essentiel du propos de Butler.
Il est clair que si vous prenez pour argent comptant la critique rationaliste je vous demanderai d'aller la débiter ailleurs. Je parle ici de religion, pas d'histoire profane. Il y a dans les légendes des saints bien des traits qui ne sont pas "historiques" dans ce sens-là (c'est pourquoi le mot "légende" a pris le sens qu'il a aujourd'hui), mais qui ont une réalité spirituelle supérieure à toute "réalité" matérielle. (Ce fut le thème du premier article que j'ai écrit en revenant à l'Eglise, il y a plus de 40 ans, sur le poisson de saint Corentin.)
Christine de Bolsena a fait l’objet de spécifications biographiques détaillées et parfois curieuses. Il n’est pas déraisonnable de les prendre avec une grande prudence. Ceci est une litote.
https://d.lib.rochester.edu/teams/text/reames-middle-english-legends-of-women-saints-christina-of-bolsena-introduction
Plus détaillé, avec mention des notices de la Bibliotheca hagiographica latina.
http://csla.history.ox.ac.uk/record.php?recid=E02090
Cette monographie, disponible en italien et en allemand, dans une série sur les catacombes publiée par le Vatican, devrait être intéressante, mais on ne peut en voir que peu de pages en ligne :
https://edipuglia.it/catalogo/art1063/
Aussi, voir ici en particulier page 2, en haut de la colonne centrale :
http://www.basilicasantacristina.it/index.php/it/download-of-texts?download=206:francaise-basilique
[Pour la petite histoire : je vois qu’une formule spéciale aux catacombes de Bolsena est : Pax tibi cum sanctis.]
Noter que la vie de Christine (IVe siècle ?) date du IXe siècle, et que le sarcophage trouvé lors des fouilles de 1880, porte une inscription qui est datée du Xe siècle.
« En 1880, Enrico Stevenson et Giovanni Battista De' Rossi entreprirent avec succès une campagne de fouilles archéologiques qui permit de retrouver la tombe présumée [noter la prudence d’expression] de notre martyre.
Cette tombe est un grand sarcophage, fait de pierres locales et recouvert d'acrotères (socles), remontant à la fin de l'époque impériale. Sur la façade postérieure, vous remarquerez une ouverture irrégulière qui laisse entrevoir une urne cinéraire en marbre blanc avec l'inscription: †I·RQES/CP·BAT·X·M (†HIC REQUIESCIT CORPUS BEATAE XRISTINAE MARTYRIS - «Ici repose le corps de la martyre Sainte Christine»).
Une grande partie des petits os d'un corps humain ne dépassant pas 14 ans et une pièce en argent du Xème siècle furent retrouvées à l'intérieur de cette urne. Le trou irrégulier, les restes et la pièce pourraient confirmer la tradition très ancienne des églises locales de Bolsena, Sepino et Palerme, concernant le vol d'une partie des restes mortuaires de la sainte, perpétré par deux pèlerins au Xème ou Xlème siècle ».
http://www.basilicasantacristina.it/index.php/it/guide-download/category/11-francaise?download=178:catacombe-fra
Plus généralement, et c’était l’objet de ma note : comme il est notoire, pour un certain nombre de saints des premiers siècles, on a tout lieu de penser qu’ils ont existé, à peu près à telle époque et à tel endroit, qu’un culte leur a été voué à tel endroit, mais c’est à peu près tout ce qu’on peut avancer d’à peu près sûr.
Sur leur vie, on ne sait quasiment rien. Les imaginations pieuses, si édifiantes qu’elles puissent être, n’obligent en rien un catholique, surtout quand elles tournent au roman ; il ne doit pas se laisser impressionner par les affirmations d’autorité, dont ont abusé, abusent et abuseront certains hommes d’Église, dans ce domaine ou dans d’autres. La piété authentique gagne à se détacher des crédulités.
Ainsi quand vous dites « je parle de religion, pas d’histoire profane », vous établissez par fiat une frontière infranchissable entre deux domaines, sans que la raison apparaisse clairement.
Le texte de l’Année liturgique qui est cité parle des « Actes, auxquels la science des derniers âges avait voulu dénier toute valeur » et il pousse ainsi fortement le lecteur à inférer que les fouilles de 1880 ont confirmé la fiabilité générale de ces Actes. La phrase suivante prend un ton triomphal qui vise à pétrifier le catholique déférent. C’est aller beaucoup trop vite.
C’est ce type de schéma apologétique que j’ai mis en cause. Pourquoi ? Parce qu’il est abusif.
Et, je le répète, je ne suis pas le seul à réagir ainsi. Les meilleurs bollandistes ont procédé de la sorte, et sinon ils auraient trahi leur mission. Les auteurs du Butler récemment *révisé*, eux aussi des hommes d’Église. ne sont pas plus des impies, et ne profèrent pas de conneries.
C’est probablement ce que vous appelez « la critique rationaliste ». Ici, elle est simplement rationnelle et empirique. Le catholicisme favorise l’usage de la raison et l’examen empirique. Non ? A trop disjoindre la « réalité spirituelle » et la « ‘réalité’ matérielle » on finit par encourager une attitude qui ne me paraît nullement conforme à la grande tradition du christianisme.
Je ne m’acharne donc pas sur les histoires concernant Christine.
Je saisis simplement l’occasion qui *est offerte par votre billet*.
Je la saisis, suite d’ailleurs au billet sur Apollinaire, pour formuler une observation, qui n’est pas originale, et qui n’a certes rien de scandaleux. Je ne vois pas pourquoi elle déclenche chez vous une telle réaction. Du reste, si nous pouvions discuter à loisir de vive voix, je ne suis pas sûr que les divergences subsisteraient. Elles peuvent tenir à des quiproquos.
Ça ne me pose aucun problème de séparer l’historicité et la légende.
C’est tomber dans le scientisme que de croire que la science dit toute la vérité.
Malheureusement je ne crois pas qu'il y ait de quiproquo, Vous êtes du côté des historiens rationalistes pour qui rien n'existe si ce n'est confirmé par des preuves matérielles, et qui nient la réalité de la tradition orale, laquelle peut être écrite plusieurs siècles après les faits, d'une façon qui est jugée non-historique par les rationalistes mais qui peut être beaucoup plus véridique que les dogmes "historiques" permettent de le penser.
J'ai évoqué cela plusieurs fois. Par exemple ici:
http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2017/05/16/saint-ubald-5944258.html
Et si vous êtes catholique vous pouvez difficilement nier le miracle eucharistique de Lanciano. Pourtant on n'en a de trace écrite explicite que... 9 siècles après.
Il est tout simplement impossible, le plus souvent, de démêler dans les actes des martyrs ce qui est "historique" au sens que l'on donne aujourd'hui à ce mot, de ce qui a été ajouté aux faits matériels. Et... l'histoire montre que les historiens devraient être prudents, et de même les "scentifiques", qui finissent par enfoncer les portes ouvertes par la tradition millénaire:
http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2018/10/04/c-est-fabuleux-la-science-quand-meme-6094458.html
Vous êtes comme ces "historiens" qui mettaient fortement en doute l'existence de Ponce Pilate, puisque les archives romaines n'en parlent pas. Jusqu'à ce qu'on découvre une inscription attestant de son existence. Ou comme ces "historiens" qui mettaient très fortement en doute l'existence du roi David, jusqu'à ce qu'on découvre une stèle d'un roi se vantant d'avoir gagné une bataille contre le roi David.
Que cela soit dit une fois pour toutes, l'idéologie historiciste n'a pas droit de cité sur mon blog. Point final.
Il est hors de question de reprendre vos points spécifiques un à un.
Mais je ne peux manquer de relever votre paragraphe final, lui seul. Ses implications sont doublement pénibles.
D’une part parce que, pour me répéter, ce que vous appelez « idéologie historiciste » a été le fait d’hommes d’Église, spécialistes des hagiographes, et peu suspects d’adhérer à des positions douteuses, sauf aux yeux d’esprits pour qui la piété dénuée de tout questionnement suffit. Gens, au surplus, prompts aux accusations les plus brutales et les plus hautaines. On ne dira jamais assez le tort immense que ces derniers ont causé au catholicisme. Si le catholicisme a été et est haï dans certains milieux, ils en portent la responsabilité pour une large part.
Et d’autre part, et surtout, je suis abasourdi par le caractère inquiétant de votre propos.
Sous vos billets prolifèrent semaine après semaines des bouffées de haine obsessionnelles carabinées, mais mes propos (courtois) et innocents vous mettent dans tous vos états. Au point que vous allez jusqu’à me reprocher de débiter des « conneries ». Moi aussi je pourrais user de ce vocabulaire, je sais faire, croyez-moi.
Je trouve votre blog remarquable par la variété de vos billets, par sa fréquente érudition, par la vivacité du style. Je pensais qu’il méritait un grand élargissement d’audience. Je découvre maintenant que, apparemment, vous n’y tenez pas.
Votre objectif est-il de tout faire pour que la diffusion de votre blog soit enfermée dans des frontières aussi étroites que possible ?
M. Daoudal
Je ne comprends pas en quoi le commentaire de Curmudgeon vous gêne.
On peut très bien débattre de l'historicité de l'histoire sainte sans la désacraliser pour autant. Ou alors, c'est qu'elle serait très fragile.
Si on ne peut pas débattre de faits, si le seul débat possible est croyance contre croyance, c'est stérile, sans intérêt.
On peut relever ce paradoxe amusant : l'histoire prétend aujourd'hui à une haute scientificité, qui s'est matérialisée dans de multiples courants historiographiques, dont celui des Annales, avec ses sous-genres, constitue l'exemple emblématique. Cette historiographie se veut critique à l'égard de courants plus anciens et plus sommaires (telle l'historiographie marxiste sur la Révolution française), mais elle emprunte aussi sans vergogne à quelques génies du passé. Braudel s'est ainsi attribué l'une des grandes idées de Tocqueville : le temps long et le temps court de l'histoire. Quant à la nouvelle approche des Evangiles, il n'est pas besoin d'être grand clerc pour voir qu'Ernest Renan a le premier passé la charrue du révisionnisme, suivi par un nombre incalculable de "démystificateurs" en tout genre.
J'en viens au paradoxe : les grands mensonges du XXe siècle, soutenus par la photographie, le reportage filmé et la lourde pression de la "vérité" officielle (celle qui vous traîne dans la boue avant de vous envoyer en prison), bien peu de nos apprentis historiens ont l'estomac de vouloir leur consacrer une thèse. Et, s'ils l'ont, on ne manquera pas de bons esprits, parmi les doyens de faculté, pour leur expliquer gentiment que c'est une très mauvaise idée, s'ils ne veulent pas finir sous les ponts, que de s'attaquer au contenu des manuels de troisième.
En revanche, quelle joie (on peut l'imaginer), pour les adeptes d'Ernest Renan et de Rudolf Bultmann, de découvrir que le Linceul de Turin était un faux, fabriqué au XIIIe siècle ! Or, justement, hélas pour eux ! il est très probablement tout ce qu'il y a d'authentique !
Mon cher Kant a montré que le positivisme (sans le désigner nommément, et pour cause), qui part des prétendus faits (en l'état actuel des connaissances) pour établir un savoir scientifique, est une philosophie pour les ânes. Auguste Comte est un très bon exemple d'équidé.
On n'a jamais été plus positiviste qu'aujourd'hui, après soixante-dix ans de société de consommation, et comme on prend ce que la télévision nous montre pour des faits, nous ne sommes même plus des ânes. A peine des moutons...