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Saint Augustin de Cantorbéry

On trouvera ici l’hymne composée par un moine de Solesmes pour les matines de la fête de saint Augustin au propre de la « Congrégation de France ». Voici les antiennes du Magnificat et du Benedictus :

Augustinus et quadraginta monachi procedebant ut oves ad victimam, spectaculum mundo, angelis et hominibus, aereis potestatibus terribiles ut castrorum acies ordinata, alleluia.

Augustin et 40 moines s’avançaient comme des brebis qu’on mène au sacrifice, spectacle pour le monde, les anges et les hommes, terribles aux puissances de l’air comme une armée rangée en ordre de bataille, alléluia.

(En dehors des premiers mots, toutes les expressions sont des citations de l’Ecriture : Isaïe et Jérémie, I Corinthiens, Ephésiens, Cantique des cantiques.)

Dux pacifer Augustinus cum beato sanctorum choro, elato crucis Domini triumphali vexillo, ingrediebatur civitatem, alleluia.

Augustin, chef qui apporte la paix, avec le bienheureux chœur des saints, ayant levé l’étendard triomphal de la Croix du Seigneur, entrait dans la ville, alléluia.

(Pour cette antienne je ne trouve aucune référence biblique. Le seul « dux pacifer » qu’on trouve sur internet est Adolphe IV de Holstein, qui après sa victoire sur les Danois en 1227 se fit prêtre et se retira dans un couvent de cordeliers conformément au vœu qu’il avait fait…)

Commentaires

  • Gaffiot signale deux emplois de "pacifer", qui est une création des poètes romains. Dans l'Enéide de Virgile, pour qualifier l'olivier, arbre porte-paix ; et dans les Métamorphoses d'Ovide pour qualifier "le dieu pacificateur du mont Cyllène", qui est, je crois, Mercure.
    Il est probable que les poètes chrétiens ont repris l'adjectif...

  • Intéressant.

    Le dictionnaire de Lewis & Short (en ligne sur Perseus), nettement plus riche que notre Gaffiot, confirme votre jugement, et donne effectivement le mot comme poétique et post-classique.

    Il nous apprend aussi que pacifer est une épithète fréquemment appliquée aux dieux et héros : Mercure, Jupiter, Apollon, Mars, Hercule. C’est souvent le cas de Minerva pacifera. On trouve même une médaille frappée en l’honneur de Louis XV dont le revers présente Minerva pacifera :
    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84088558.item

    Forcellini, également consultable en ligne, est encore plus riche que Lewis & Short. Il cite des inscriptions.

    Le mot se trouve aussi chez Pline, Hist. nat.

    Pour le latin de périodes plus récentes, le Du Cange électronique répertorie le mot, avec une ou deux citations supplémentaires à ajouter à Lewis & Short.

    Tertullien emploie cet adjectif pour le Christ (Du Cange, Lewis & Short).

    Le DMLBS (Dictionary of Medieval Latin from British Sources, période 540-1600), consultable depuis Logeion, donne d’autres emplois médiévaux en GB.

  • Pacifer est employé pour Dieu dans « Cæli Rex pacifer », qui figure dans les vieux missels pour le 2 février, fête de la Purification de la Vierge.

  • "Caeli Rex pacifer" se trouve dans la deuxième strophe d'une "prose" du 2 février qui figure dans divers missels de diocèses français avant le retour à la liturgie romaine. Il s'agit du Verbe incarné, Jésus qui "se présente à l'autel et, Dieu, se fait victime".

    Avouez que ça n'a plus rien à voir avec "dux pacifer" comme titre donné à un saint.

  • Je suis bien d’accord que ce n’est pas votre « dux pacifer », mais quand on cherche, on cherche, et on tourne autour s’il le faut, je vois mal comment faire autrement ; la persévérance est parfois récompensée.

    Je n’arrive pas plus que vous à trouver « dux pacifer ». Le plus proche linguistiquement est « Princeps pacifer », mais, à nouveau, c’est appliqué au Christ, en particulier dans la liturgie de la fête du Christ-Roi (Te sæculorum Principem).

    G Marie a bien déterminé déjà que pacifer est un mot poétique au départ (Virgile, Lucain, Ovide). Ensuite, j’ai mentionné le fait que c’est une épiclèse pour diverses divinités romaines (y compris Mars pacifer...).

    Probablement par renversement polémique, pacifer est attribué au Christ dès Tertullien au moins. C’est apparemment l’usage standard dans la tradition chrétienne. Après, reste à trouver des analogues de dux pacifer pour caractériser un personnage, un saint. Pas sûr qu’on y arrive.

  • Je ne comprends pas pourquoi Augustin est appelé « dux ». Ni pourquoi il est dit que « Augustin et 40 moines s’avançaient comme des brebis qu’on mène au sacrifice ». Ils ne risquaient aucun martyre, contrairement à ce que laisse entendre cet étrange passage.

    Dans cette perspective, il ne faut peut-être pas trop chercher un antécédent en « bon » latin pour ce dux pacifer.

    De plus on a un peu l’impression que l’auteur de l’hymne, dom François Le Bannier, s’imagine qu’Augustin est le premier missionnaire en terre de Britannia. Il n’en est rien. Si le roi de Kent était un païen marié à une chrétienne, Berthe, fille d’un roi mérovingien, Caribert, qui était venue accompagnée d’un prêtre ou dun évêque (merci Wikipedia), il y avait des chrétiens ailleurs dans le sud, dans d’autres royaumes.

    On se hasardera à le dire, il n’est pas rare que les textes liturgiques, indépendamment de leur fonction légitime et de leur style pieux, manquent d’une certaine justesse quant au détail du contenu. On n’en voudra pas aux auteurs.

  • Je ne vois pas comment vous pouvez savoir mieux que les moines et mieux que la Congrégation pour le culte divin ce qui convient pour honorer un saint. Tout missionnaire fait le sacrifice de sa vie, en union avec le sacrifice du Maître. Tout missionnaire est donc une brebis qui va au sacrifice, quelle que soit la suite de l'histoire. Cela se voit par exemple dans les lettres de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus à des missionnaires. D'autant que cela correspond à la mystique carmélite: la carmélite s'immole, s'offre en victime pour les pécheurs, et le fait que la plupart d'entre elles ne meurent pas en martyre n'y change rien. Cela est également fort bien exprimé au début du film "Silence" de Scorsese.

    D'autre part, le fait de souligner le rôle décisif d'un évangélisateur dans un territoire n'implique en aucune façon la négation de l'existence de chrétiens sur ce territoire avant son arrivée. En l'occurrence, le bréviaire lui-même indique que la reine du Kent était chrétienne.

    On n'en voudra pas au contempteur....

  • Votre défense à tout prix des textes des hymnes honore grandement votre respect humain des rédacteurs et leur indubitable piété.

    Dans ce cas, je persiste tout de même à trouver emphatiquement inapproprié le passage sur les brebis qu’on mène au sacrifice. Ni Augustin ni ceux qui ont pu l’accompagner ne risquaient rien. Le roi de Kent n’était évidemment pas dans de mauvaises dispositions à leur encontre.

    Les hyperboles absurdes n’ont rien de particulièrement admirables en elles-mêmes. Pis encore : elles contribuent à rendre mièvres autant qu’abusifs certains textes catholiques. Qui sait quel rôle elles ont pu jouer dans la propagation de l’irréligion ?

  • Vous ne tenez donc aucun compte de ce que je tente de vous expliquer, et qui n'a rien à voir avec un quelconque respect humain (qui est un péché qui ne me tente guère...), ni avec un goût quelconque du "style pieux" (comme je crois en témoigner depuis plus de 10 ans sur ce blog).

    Dont acte, ça m'évitera de perdre du temps à l'avenir.

    (Quant à ma "défense à tout prix des hymnes" c'est tout simplement risible. Renseignez-vous.)

  • Je dois me faire pardonner ma bourde auprès du Père Le Bannier, puisque les brebis sacrificielles que je trouve excessives figurent dans l’antienne citée par Yves Daoudal, et non pas dans l’hymne que le liturgique français a composé, et à laquelle Yves Daoudal renvoie par ailleurs.

  • Vous n'avez pas à vous faire pardonner à ce sujet, car vous laissiez entendre que vous parliez de l'hymne et non de l'antienne. En outre il est fort possible que dom Le Bannier soit aussi l'auteur de l'antienne. (Et si ce n'est pas lui il y a les plus grandes chances que ce soit dom Guéranger. Qui est un géant de la liturgie, que tous les Curmudegon de la terre auront du mal à démolir.)

  • L’idée qu’un petit homme comme loin ne soit pas autorisé à critiquer un grand homme comme dom Guéranger (ou tout autre) est tout bonnement absurde. C’est la négation de toute activité intellectuelle et morale.

    Au demeurant vous ne vous privez pas vous-même de telles critiques. Et heureusement.

  • ...comme moi...

  • Goscelin de Saint Bertin (ou de Canterbury) / Gocelinus est un bénédictin du XIe siècle, auteur, entre autres, d’une Vie de saint Augustin de Cantorbéry :
    https://en.m.wikipedia.org/wiki/Goscelin

    « His chief work was a life of St Augustine of Canterbury, professing to be based on older records and divided into two parts, -- an "Historia major" (Mabillon, Acta Sactorum. O.S.B., I) and an "Historia minor" (in Wharton, Anglia Sacra, I). His method seems to have been usually to take some older writer as his basis and to reproduce his work, in his own style ».

    Or il se trouve que, dans la Vita S. Augustini, Goscelin emploie deux fois le mot « pacifer » pour qualifier Augustin. Mais pas associé à « dux », qui demeure ainsi toujours aussi insolite dans cet environnement.

    J’ai pu trouver ceci grâce au travail de collecte de documents latins numérisés, le Corpus Corporum de Zürich (8521 œuvres, 160 millions de mots), qu’on trouvera ici :
    http://www.mlat.uzh.ch/MLS/index.php?lang=0

    D’abord en I, 14 (« Deifer, pacifer, salutifer Augustinus ») :

    http://www.mlat.uzh.ch/MLS/xfromcc.php?tabelle=Gocelinus_cps2&rumpfid=Gocelinus_cps2,%20Vita%20S.%20Augustini,%20%20%20%20%20p2,%20%20%201&id=Gocelinus_cps2,%20Vita%20S.%20Augustini,%20%20%20%20%20p2,%20%20%201,%20%20%20%20118&level=99&level9798=&satz=118&hilite_id=Gocelinus_cps2,%20Vita%20S.%20Augustini,%20%20%20%20%20p2,%20%20%201,%20%20%20%20118&string=PACIFER&binary=&corpus=&target=&lang=0&home=&von=suchergebnis&hide_apparatus=1&inframe=1&jumpto=118#118

    Ensuite dans un autre passage, II, 19 (« Itaque appropinquans possidendae civitati pacifer Augustinus, cum beato Sanctorum chor »).

    http://www.mlat.uzh.ch/MLS/xfromcc.php?tabelle=Gocelinus_cps2&rumpfid=Gocelinus_cps2,%20Vita%20S.%20Augustini,%20%20%20%20%20p2,%20%20%202&id=Gocelinus_cps2,%20Vita%20S.%20Augustini,%20%20%20%20%20p2,%20%20%202,%20%20%20%20%2034&level=99&level9798=&satz=34&hilite_id=Gocelinus_cps2,%20Vita%20S.%20Augustini,%20%20%20%20%20p2,%20%20%202,%20%20%20%20%2034&string=PACIFER&binary=&corpus=&target=&lang=0&home=&von=suchergebnis&hide_apparatus=1&inframe=1&jumpto=34#34

    Dans le Corpus Corporum de Zürich, on trouve 15 autres attestations de « pacifer », souvent pour qualifier le Christ. Une attestation est dans le poète latin chrétien Prudence (349-ca 405), Psychomachia.

  • J'avais un grand-père qui était inspecteur général en lettres classiques, philosophe recalé à l'agreg juste derrière Jean-Sol Partre, et qui a consacré sa retraite à la preuve de l'existence de Dieu de saint Anselme de Cantorbéry. Il est mort en 1992, mais s'il avait rencontré Curmudgeon et qu'il eût connu l'existence de saint Antoine de Cantorbéry, je suis sûr qu'il se fût amouraché de ce jeune homme extravagant et cultivé (il aimait aussi beaucoup Kafka) qui est devenu le nonagénaire radoteur et philosémite de ce blog.

  • Pourriez-vous éclairer mes ténèbres sémantiques s’il vous plaît ? En quoi mes petites notes sur pacifer sont des manifestations de « radotage » ?

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