Le texte de cette antienne de communion est, comme le dit un commentateur, la phrase la plus puissante qui ait été prononcée depuis la création du monde. La plus mystérieuse aussi. L’antienne est du 8e mode, donc avec dominante (teneur) en do. Mais pendant toute la première moitié le do ne tient rien et ne domine rien : il est absent. La mélodie est fixée sur la tonique et ne s’en écarte que par des tons pleins : il y a un seul demi-ton, et c’est le mi de « pro », qui décroche à peine des degrés les plus proches de la tonique mais se remarque par sa singularité (et par le saut la-mi) : le Corps qui descend chercher les hommes. Cette mélodie sans dominante et procédant par tons, avec trois tritons, deux ascendants, un descendant, est étrange. Même si le triton ne nous fait plus guère l’impression de la dissonance absolue qu’y voyaient les anciens, l’impression est d’une distance solennelle, et vraisemblablement à l’origine il y avait dans ces tritons une allusion à la douloureuse Passion. Quoi qu’il en soit l’aspect solennel explose sur « Faites ceci, chaque fois que vous prenez ». La dominante s’impose enfin, fait rayonner la mélodie, qui s’élève au-delà de la gamme. Le commentateur que j’évoquais tout à l’heure (dom Dominicus Johner) y voit non sans raison le commandement de bâtir les autels, les églises, les cathédrales où l’on célébrera le Saint Sacrifice. Puis l’antienne se conclut comme elle avait commencé.
La voici dans une version peut-être idéale (rugueuse et solennelle) par les moines de Solesmes en 1930 :
• L’introït.
• La liturgie de la Passion commence par l’annonce de Pâques.