L’évangile est la parabole du riche anonyme et du pauvre Lazare (mon commentaire ici et là). La première lecture, tirée de Jérémie, illustre de même l’opposition entre deux types humains et leur sort respectif, sur le mode poétique propre aux prophètes, et dans un langage imagé et hébreu.
Maudit, l’homme qui se confie dans l’homme, et fait de la chair son bras, et dont le cœur se retire du Seigneur.
Le bras, dans la Bible, c’est la puissance, le secours efficace, le soutien inébranlable : Dieu agit souvent « à bras étendu », le bras de Dieu est sa puissance souveraine. Celui qui fait de la chair son bras est celui qui croit pouvoir s’en sortir tout seul, c’est l’homme qui retire son cœur du Seigneur, qui se confie en l’homme. Ce sont trois expressions équivalentes qui se renforcent et s’éclairent mutuellement.
Il sera comme les tamaris dans le désert et il ne verra pas lorsque viendra le bonheur ; mais il habitera dans la sécheresse dans le désert, dans une terre de sel et inhabitable.
Le mot hébreu que saint Jérôme a traduit par « tamaris » ne se trouve nulle part ailleurs. Les Septante avaient traduit par un mot qui veut dire également tamaris, mais aussi bruyère, et finalement toute sorte d’arbuste des landes. Les traductions modernes sont variées : buisson, genévrier, chardon, bruyère, arbre dénudé. La TOB, sans doute pour rester « œcuménique », dit : « arbuste ». Symmaque avait traduit par « arbre sec ». Dans un endroit non seulement sec mais salé et inhabitable. Là où se retrouve le riche qui demande que Lazare trempe l’extrémité de son doigt dans l’eau, pour rafraîchir sa langue.
Mais il y a un fossé infranchissable entre les deux, et Jérémie poursuit :
Béni l’homme qui a confiance au Seigneur, et dont le Seigneur sera son assurance. Et il sera comme un arbre qui est planté sur les eaux, qui étend ses racines vers l’humidité, et qui ne craint pas quand viendra la chaleur. Son feuillage sera toujours vert ; il ne sera pas en peine au temps de la sécheresse, et il ne cessera jamais de porter du fruit.
On reconnaît ici le premier psaume, le psaume qui est comme la préface du psautier, et qui distingue précisément le « beatus vir » qui est « comme un arbre planté le long d’un cours d’eau, qui donne son fruit en temps voulu, dont les feuilles ne tombent pas », des pécheurs et des impies qui sont comme la poussière que le vent disperse de la surface d’une terre desséchée.
Pour dire l’arbre, la Vulgate comme la Septante ont le mot qui littéralement veut dire le bois : xylos, lignum. Parce que c’est ainsi qu’est désigné l’arbre de vie de la Genèse, qui est l’arbre de la Croix, le « doux bois » salvateur que chante la liturgie de la Passion, le bois que Dieu a choisi pour ôter la malédiction du bois des origines.