Sous ce titre qui paraphrase une chanson mondialement célèbre dans les années 60 (et bien au-delà), le P. Ray Blake constate que le règne de Benoît XVI avait provoqué une floraison de blogueurs, qui aujourd’hui se sont tus.
Pourquoi ?
Il répond ceci : « La plupart des catholiques mais surtout le clergé veulent être fidèles au pape, afin de maintenir l'unité de l'Eglise ; aujourd'hui, la loyauté est peut-être mieux exprimée par le silence. »
Il pense manifestement surtout aux prêtres blogueurs. Lesquels préfèrent se taire désormais, pour deux raisons, que l’on trouve abondamment (même si partiellement) exprimées dans les nombreux commentaires de ce billet. Je les exprimerai ainsi en y ajoutant mon grain de sel :
- La première raison est qu’un catholique ne doit pas critiquer le pape. Dans l’Eglise post-tridentine, surtout à partir du XIXe siècle, s’est développée cette étrange idée que le pape, puisqu’il est choisi par le Saint-Esprit, dit et fait toujours ce qui est le mieux pour l’Eglise, et que par conséquent on ne peut jamais remettre en cause, sous quelque aspect que ce soit, ce qu’il dit et ce qu’il fait. Idée verrouillée par Pie IX avec le dogme de l’infaillibilité pontificale. C’est tellement ancré chez certains qu’ils auraient l’impression d’être schismatiques s’ils affirmaient qu’il pleut place Saint-Pierre quand il pleut place Saint-Pierre mais que le pape dit qu’il fait beau. Mais comme réellement il pleut, on préfère se taire. A part certains qui ne craignent pas le ridicule et prétendent nous prouver, de façon aussi répétitive qu’obstinée, que le pape ne dit pas vraiment qu’il fait beau et qu’on ne peut pas exactement dire qu’il pleut… ou que finalement le pape a parfaitement le droit, puisqu’il est le pape, de dire qu’il fait beau quand il pleut. (Et à force de le répéter, il y en a qui le croient sincèrement.)
- La deuxième raison est que la peur s’est installée. Moi, personnellement, je peux dire ce que je veux, cela n’aura aucune incidence sur ma vie. Mais pour beaucoup de prêtres il n’en est pas ainsi. Ils dépendent de supérieurs. Et ils peuvent pâtir, de diverses façons, de diverses représailles. Chacun voit la répression qui s’est abattue sur les Franciscains de l’Immaculée. On a vu en Italie des journalistes chassés de leur journal. Il y a eu des sanctions à la curie. Et ce n’est que le sommet émergé de l’iceberg. Ce pape ne plaisante pas avec ceux qui ne sont pas dans sa ligne. Et tous ses courtisans, tous ceux qui sont devenus ses courtisans depuis qu’il est pape, sont évidemment comme lui, pour lui plaire, parce qu’ils ont éventuellement à y gagner.
Where are the bloggers gone ? C’est un nouvel effet, faussement paradoxal, de l’idéologie post-conciliaire selon laquelle désormais chacun pouvait s’exprimer librement, le maître mot étant le « dialogue ».
Par le biais de Corrado Gnere, "Benoît et moi" revient une fois de plus sur le livre prophétique de Guareschi Don Camillo et les contestataires. Ce livre raconte, dès 1969, comment le vicaire imposé à Don Camillo pour que la paroisse vive la mirifique pastorale conciliaire aboutit à vider l’église. Et Corrado Gnere cite cette tirade du vicaire, étonnamment bergoglienne, parce que Bergoglio est un homme qui n’a pas quitté 1969 :
« L'Eglise, don Camillo, est un grand navire qui depuis des siècles était au mouillage. Il faut à présent lever l'ancre et reprendre la mer ! Il faut renouveler l'équipage, se débarrasser sans pitié des mauvais marins, mettre le cap sur l'autre rive. C'est là que le navire trouvera les forces fraîches qui le rajeuniront. L'heure du dialogue a sonné, révérend ! »
Commentaires
Est-ce que la doctrine dit que le Pape est choisi par l'Esprit Saint ?
L'Esprit Saint essaie plutôt de faire avec celui que les cardinaux ont élu et fait en sorte que l'Eglise ne disparaisse pas.
Est-ce que je me trompe ?
Moi, ce n'est pas seulement le pape que je m'interdis de critiquer mais aussi les évêques en charge, mon évêque et le curé de ma paroisse. Motus et bouche cousue.
Le Saint Esprit s'exprime toujours mais Dieu a créé l'homme libre. Les cardinaux lors du concile étaient libres de prêter ou non l'oreille au Saint Esprit.
"Bergoglio est un homme qui n’a pas quitté 1969": oui c'est ce que je me dis, lui est un vrai pape de transition, et pourtant au départ j'ai essayé de ne pas être critique.
Je ne sais si les blogueurs laïcs et non conformistes ont des critiques correctes par rapport au Pape François (et je maintiens évidemment que sa charge est humainement impossible à remplir) mais ce que je suis sûre c'est qu'il est indispensable qu'ils continuent à question et souligner certaines choses, pour que ceux qui ne peuvent parler (prêtres et leurs hiérarchies) ne se sentent moralement pas seuls et qu'ils tiennent le coup, en attendant.
Benoit XVI a essayé de sauver ce qu'il pouvait.
Il a été forcé à la démission, parce que le Vatican était asphyxié par les banques.
Le nouveau pape est mondialo-soluble. Donc le pire est à venir.
Bien des gens pensent çela en silence , beaucoup s'eloignent encore plus de l'eglise
Peut-être aussi en raison du fait que chaque phrase de Benoît XVI suscitait le débat par sa profondeur. Il n'y a pas grand chose à ajouter aux propos de François I, si ce n'est de les digérer tant bien que mal, malgré leur aspect mâché/remâché.