Selon George Weigel, « l’élection du pape François accomplit le tournant de l’Eglise du catholicisme de la contre-réforme (…) au catholicisme évangélique qui doit replanter l’Evangile dans ces régions du monde qui sont devenues spirituellement lasses, tout en le semant dans de nouveaux champs de mission dans le monde entier. »
Le dernier livre de George Weigel est intitulé : Le catholicisme évangélique : la profonde réforme de l’Eglise au XXIe siècle.
Ce livre a paru le 5 février dernier. Dès le lendemain, George Weigel soi-même en faisait la promotion sur le site First Things. Il expliquait que le « catholicisme évangélique », qui est le catholicisme « vécu dans une fidélité radicale au Christ et à l’Evangile », est le seul catholicisme possible au XXIe siècle. Le catholicisme évangélique est fondé sur cet ahurissant sophisme (qui est celui de toutes les sectes évangéliques) : ne pas chercher à avoir des connaissances sur Jésus, mais connaître Jésus en personne. (C’est ce qui explique le vide doctrinal des homélies de François : ce vide est volontaire. C'est ce qui explique aussi pourquoi il parle tant du diable : c'est un thème de prédilection des évangéliques qui le voient partout et font des "exorcismes" à tour de bras.) Le catholicisme évangélique (dont on ne voit pas ce qu’il a de catholique), c’est la « rencontre personnelle et communautaire » avec le Jésus de l’Evangile, point final.
L’auteur de la recension de ce livre sur le National Catholic Register écrivait : « Si je pouvais entrer au conclave, j’y passerais en douce assez d’exemplaires de Catholicisme évangélique pour en mettre un sur la chaise de chaque électeur, avec l’espoir qu’ils adoptent ce chef-d’œuvre d’histoire et de pensée catholique comme un guide possible pour la mission de l’Eglise dans les siècles à venir. »
Cet homme-là a été comblé au-delà de ses espérances, car il n’y avait pas besoin d’inonder la Chapelle Sixtine du livre de George Weigel : c’est le principal représentant du soi-disant « catholicisme évangélique » au sein de l’épiscopat mondial qui a été élu pape. Et, au lendemain de l’élection, George Weigel (qui avait longuement rencontré le cardinal Bergoglio au moment où il préparait son livre) pouvait donc écrire son article enthousiaste de la National Review : « Le premier pape américain : le tournant du catholicisme pour un avenir évangélique. »
On comprend mieux désormais ce geste du cardinal Bergoglio, primat d’Argentine, agenouillé devant 6.000 personnes pour recevoir la bénédiction d’une vingtaine de pasteurs successifs. C’était le 19 juin 2006, lors de la troisième "Rencontre fraternelle de la Communion renouvelée des Evangéliques et Catholiques" (sic) au stade du Luna Park de Buenos Aires.
Commentaires
Amener l’Église catholique au protestantisme, c'est ce qui se passe depuis 50 ans.
De ce fait, nous nous éloignons de nos frères orthodoxes, qui eux, restent dans la bonne tradition.
Il est libre à chacun de détester l’Église catholique, sa doctrine, ses rites, ses dogmes, son apparat.
Mais alors, si vous êtes dans cette disposition d'esprit, n'y restez pas!
C'est le drame de l’Église de notre temps: on s'incruste à l'intérieur pour la démolir.
J'ai une grande admiration pour l’honnêteté de Luther; il n'aimait pas l’Église et en est sorti.
Oui, effectivement, en ce qui me concerne je commence à comprendre...
Pas de génuflexion après la Consécration, sans doute toute cette "mise en scène" n'est qu'un symbole......
Quant on connaît la détestation des Evangéliques pour les catholiques, on est bien parti pour un reniement insidieux de beaucoup d'articles de Foi.
Je sais ce que je dis pour avoir participé il y a quelques années (pendant un bon moment) à un groupe oécuménique avec des Evangélistes. (ce sont des séducteurs) Un jour j'ai claqué la porte devant tout le racolage et les critiques contre l'Eglise Catholique, le St Père, la Ste Vierge, etc.....
Malheureusement un Pape "évangélique" ça fera le bonheur de beaucoup de clercs dans nos paroisses qui ne croient plus à la Présence réelle. Dans ma Paroisse, le curé fait la promo, depuis plusieurs semaines d'aller visiter une expo dans une église secte. je pleure......
à Thècle: votre dernière ligne: "je pleure..."
Combien de catholiques ont pleuré depuis le règne de Paul VI ?
Nous pleurons et plus nous pleurons, plus le monde se réjouit.
Le monde se réjouit du "pape" qui va abaisser la Sainte Église, définitivement.
J'avais dix ans en 1966 lorsqu'on a retourné l'autel.
J'ai été extrêmement choqué et ce n'était que le début...
@Mézière
Je suis bien d'accord avec vos propos et moi aussi j'ai assisté, effarée, à la décomposition dans l'Eglise depuis cette époque.
Je pense comme vous :
"Le monde se réjouit du "pape" qui va abaisser la Sainte Église, définitivement."
mais je crois aussi que, malgré tout, Elle susbistera ne serait-ce que dans un petit nombre. Que la grâce nous soit donnée d'être de ceux là.
C'était le 06 juin 2006 ==> le 06/06/06 ==> le 666 !!
Plusieurs remarques.
D'abord au sujet de George Weigel : il est étonnant qu'il fasse la promotion de courants anti spéculatifs, suite à sa monumentale biographie du Bx Pape Jean-Paul II, dans laquelle il détaille à l'envi le parcours et l'œuvre intellectuels, en particulier l'apport du personnalisme en pastorale (voir le positionnement original de l'école polonaise avant et au moment de la sortie d'Humanae Vitae le 25/07/1968) et dans son combat contre les totalitarismes. Quant à l'idée qu'à l'époque actuelle, une survie de l'Eglise passerait par une conversion à l'évangélisme, il faut se rappeler que cela existe en France depuis le début des années 1970. La naissance du renouveau charismatique à Ann Arbor (Pennsylvanie) et de son transfert en France en ces années-là, est une histoire éclairante.
Un des fleurons de ce courant est le fameux "parcours alpha", dont j'ai pu mesurer in situ à quel point il s'écartait de la conception catholique de la vérité de la Foi. J'entends encore une animatrice, ingénieur de profession et fière de l'être, dire ceci en pleine réunion paroissiale de présentation du Parcours Alpha : "la vérité de la foi ce n'est pas la vérité scientifique ; c'est une vérité d'expérience personnelle ; par exemple, si un oiseau se pose sur votre appui de fenêtre alors que vous étiez triste, vous avez le sentiment d'un signe de Dieu pour vous ; telle est la vérité de la foi".
On mesure à partir de là sur quoi repose l'existence chrétienne : un événement bouleversant, une option vitale et radicale pour le Christ et pour les frères, tout ceci nourri par la lecture de la Bible et la fréquentation des sacrements, tout ceci mesuré par la joie et par les fameux "fruits". C'est simplement génial, génial comme le "Canada Dry" : çà a la couleur, la forme, l'odeur du catholicisme, et c'est pour cela que çà désaltère...Sauf que ma foi ne repose pas sur mon expérience comme en son lieu théologique fondateur ; parce que la foi que je professe pour en vivre n'est pas ma foi, mais la foi que j'ai reçue du Christ et sacramentellement de son Eglise, en intelligence et, sous la grâce, en adhésion volontaire à cause des limites mêmes de mon intelligence ; si bien que je suis "précédé" par le don gratuit de la foi comme objet à croire et comme faculté conforme à son objet. Si bien que je suis conduit à adhérer à la Vérité première en personne (le Logos incarné de Saint Jean) en passant par des vérités révélées organiquement et protégées par l'Eglise pour mise à disposition des fidèles au cours du temps. Si bien que je passe des Ecritures au Christ (par l'Eglise), selon le mot de Saint Jérôme.
Il y a donc un problème de lieu théologique fondateur dans cet évangélisme. Et paradoxalement, on retrouve à son propos le problème sous-jacent à la théologie de la libération version "hard" : l'expérience personnelle, collective, et le pauvre (quel pauvre ?) comme lieu théologique fondateur, l'équipement ecclésial (Bible et sacrements) trouvant sa légitimité dans sa fonction utile et vérifiable, dans sa production de joie et de "communion", et non dans sa capacité de mise à disposition gracieuse de Dieu aux facultés spirituelles des hommes pour les éclairer, les bonifier (morale personnelle et sociale) et les sauver éternellement. Je me souviens d'un slogan figurant sur le cahier de réunions d'un confrère au début des années 1980 : "la vie, lieu de la révélation de Jésus-Christ". Ce principe, à mon sens a produit les théologies de la libération, mais aussi et en même temps (successivement seulement dans le temps) l'évangélisme prétendument catholique. On a trop cru qu'après la contamination marxiste (dénoncée in fine par le Cardinal Decourtray) on assistait à un retour massif du spirituel. Or ces deux courants, apparemment contradictoires, s'écartent parallèlement et de façon impressionnante de la réponse catholique à ces questions : ce que je crois, est-ce vrai ? Pourquoi est-ce vrai ? Comment est-ce vrai ?
Personnellement, j'ai la foi sans aucun doute à cause de l'Eglise, une foi de charbonnier en ce que dit l'Eglise, une foi populaire au sein de l'Eglise. Et, en même temps, l'histoire de cette foi comme acte est celle d'un doute intellectuel douloureux, tenace, mais sans cesse traversé. Jamais je n'aurais pu continuer à croire (et à célébrer) pour des raisons premières d'expérience personnelle, de joie, ou d'engagement social. Je crois d'abord à cause de Dieu ("credere Deo"), conduit par la main par son "Eglise-Sacrement" (le plus bel apport de Vatican II), qui me dit ces choses vraies et bonnes qui me dépassent et m'amènent à cet hommage de l'intelligence et de la volonté dans la décision de la foi comme acte de l'homme gracié que je suis.
Pour ce qui est du "Pape Bergoglio" (expression populaire en Italie), eh bien maintenant après Buenos Aires il est le Pape, et il fait le Pape à Rome. Et il me semble devoir l'appréhender selon 3 critères : la Foi en l'Eglise comme institution divine, le sens de l'opportunité voulu par la providence, et l'attention bienveillante et exigeante.
Pour le sens de l'opportunité, il est possible et il serait croustillant que ce Pape fonctionne partiellement à contre emploi, et investisse ses fonctions dans la purification "ad extra" de ce qu'il a pu véhiculer en personne avant d'être Pape. Ce serait génial ; à l'appui de cette possibilité réelle, son enracinement spirituel, et aussi (peut-être surtout) le fait qu'il n'a pas l'air de se laisser imposer quoi que ce soit par qui que ce soit contre son gré.
Attention bienveillante et exigeante, à cause d'un certain livre récent "Confessions d'un Cardinal" (où se concocte en réseaux une révolution copernicienne de la mission et des institutions de l'Eglise pour l'après-Ratzinger dès l'élection du Pape Ratzinger) et à cause de la situation de désacralisation intégrale qui sévit partout, en commençant comme il se doit par la Liturgie en forme ordinaire rituellement trahie et défigurée.
Eh oui, je suis passionné par l'époque et optimiste à cause de ce couple indissociable : le tragique de Dieu sur la Croix et l'humour de Dieu dans sa gestion des hommes.