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Le traité de Lisbonne au Danemark : ce n’est pas fini…

A la surprise générale, la Cour suprême du Danemark a jugé recevable, hier, la plainte déposée par 28 citoyens contre le Premier ministre Lars Lokke Rasmussen pour avoir violé la Constitution en adoptant le traité de Lisbonne sans référendum.

C’est un succès inattendu pour les eurosceptiques, même s’il n’y a guère de chance que la Cour suprême juge qu’il y a eu violation de la Constitution.

« Il est peu probable que la Cour suprême trouve que le traité dans son ensemble viole la Constitution danoise, mais, comme dans le cas allemand, ils demanderont probablement des dispositions sur la manière de l’appliquer », dit à EUobserver le député européen Soren Bo Sondergaard, du Mouvement du peuple contre l’UE.

En attendant, poursuit ce député, cette affaire en cours pourrait compliquer la ratification par le Danemark du protocole sur le mécanisme d’aide aux Etats en difficulté financière, et surtout bloquer le projet du gouvernement d’organiser un référendum visant à supprimer les exemptions danoises. (Le Danemark avait rejeté le traité de Maastricht par référendum, puis avait accepté lors d’un second référendum le traité totalement vidé de sa substance : le pays était exempté de toute participation à la citoyenneté européenne, à la monnaie unique, à la politique de défense commune, à la coopération policière et judiciaire. Ces exemptions ont été reconduites dans le traité de Lisbonne.)

Sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande, le 30 juin 2009, et sur les lois qui en ont résulté, voici ce que j’écrivais dans Daoudal Hebdo N° 42 et 47 :

La Cour constitutionnelle allemande a suspendu le processus de ratification du Traité de Lisbonne, en exigeant une loi d'accompagnement pour garantir les droits du Parlement allemand.

Dans son arrêt, la Cour estime que « les outils de ratification de la République fédérale d'Allemagne pour le Traité de Lisbonne ne peuvent être déposés tant que n'est pas entrée en vigueur la nécessaire mise en œuvre légale des droits de participation parlementaire ».

Elle précise qu’en raison d'un « déficit de démocratie structurel » au niveau de l'Union européenne, les droits de co-décision du Parlement allemand doivent être clairement inscrits dans une loi pour « garantir l'efficacité du droit de vote » des citoyens allemands et « veiller » à ce que l'Union européenne « n'outrepasse pas les compétences qui lui ont été octroyées ».

La Cour n’a manifestement pas eu le courage de tirer les conséquences de ses observations sur le « déficit de démocratie structurel » et sur la nécessité d’un contrôle législatif du Parlement allemand – qui indique clairement que l’UE viole les souverainetés nationales.

Toutefois, cet arrêt montre à tout le monde que l’Allemagne n’a toujours pas ratifié le traité.

Il montre aussi que les Parlements (sauf le Parlement tchèque, qui a voté une loi de ce type, exigée par les sénateurs de l’ODS) ont voté la ratification sans voir que le traité pouvait les déposséder de leurs droits.

La Cour se dit « confiante » que le Parlement « surmontera rapidement le dernier obstacle » à la ratification.

De fait, il est prévu que le Bundestag se réunisse en session extraordinaire le 26 août, pour adopter la loi le 5 septembre.

 

Traité de Lisbonne : les quatre lois allemandes

Les députés allemands ont examiné le 26 août la loi que la Cour constitutionnelle exigeait pour permettre la ratification du traité de Lisbonne. Les partis politiques, à l’exception de La Gauche, avaient fini par s’accorder après trois semaines de discussion (Daoudal Hebdo N° 45) entre le SPD, qui voulait une loi minimale sur les droits du Parlement, la CSU, qui voulait profiter de l’occasion pour torpiller le traité, et la CDU, dont le rôle fut essentiellement de tempérer les ardeurs de sa sœur jumelle bavaroise.

Au final des courses, ce sont quatre lois qui ont été élaborées.

La plus importante est celle qui édicte les droits du Parlement en cas de modification du traité (selon la procédure de révision simplifiée), d’extension des compétences de l’UE (selon la clause de flexibilité), de nouvelles procédures de vote (selon la clause passerelle, qui est à la fois une super-procédure de révision simplifiée et d’extension des compétences).

Avant toute négociation de ce type à Bruxelles, le gouvernement devra demander l’approbation du Parlement, sous la forme d’une loi. En l’absence de cette loi, le gouvernement devra refuser d’accepter toute modification qui serait décidée par le Conseil européen selon l’une ou l’autre de ces procédures. Il ne pourra agir en dehors de ce mandat que pour d’importantes raisons d’intégration européenne ou de politique étrangère, qui exigeront qu’il se justifie de façon approfondie devant le Parlement.

Deux autres lois précisent les modalités de la coopération entre le gouvernement fédéral et les deux chambres du Parlement. Elles exigent que le gouvernement notifie au Parlement, aussi tôt que possible, les initiatives législatives de l’UE, et prévoient que le droit du Parlement de donner son opinion sera renforcé.

La dernière loi permet la mise en application de l’amendement constitutionnel (déjà adopté) qui permettra aux deux chambres de déposer des plaintes constitutionnelles si elles considèrent que les actes législatifs de l’UE sont en contradiction avec le principe de subsidiarité.

Ces lois doivent être adoptées par le Bundestag le 8 septembre, et par le Bundesrat le 18. Donc avant les élections législatives prévues le 27. Et cela devrait surtout permettre la ratification du traité par l’Allemagne avant le référendum irlandais.

A condition que la Cour constitutionnelle donne son feu vert.

Je constate que la Cour n’avait pas demandé une loi qui exige la consultation du Parlement en cas d’extension des compétences de l’UE selon la clause de flexibilité ou selon la clause passerelle, elle avait édicté l’interdiction de recourir à de tels procédés. Ce n’est pas la même chose… Mais sans doute considérera-t-elle que les droits du Parlement sont garantis par cette loi.

Quoi qu’il en soit, ces lois sont en contradiction avec la construction européenne telle que la conçoit le traité de Lisbonne. Car il est bien évident que la clause de flexibilité et la clause passerelle ont été introduites pour que le Conseil européen soit libre d’étendre les compétences de l’UE sans en avoir à référer aux parlements nationaux, ni à quiconque.

Jean-Louis Bourlanges est un européiste fanatique, c’est aussi un véritable expert des questions européennes. Après l’avis de la Cour constitutionnelle allemande, il avait écrit dans L’Expansion : « La boucle souverainiste est bouclée : pas de décision légitime sans contrôle parlementaire, pas de contrôle parlementaire hors du cadre national [le seul contrôle parlementaire valide est celui du Parlement national, et non celui du Parlement européen]. Ce n'est rien de moins que le retour à l'Europe d'avant le 9 mai 1950, la condamnation explicite du fédéralisme communautaire par l'Etat qui en avait fait sa bannière et son principe rédempteur. »

Les critiques des eurocrates devraient donc fuser. Or c’est le silence absolu. Je n’ai même vu aucun compte-rendu en français des quatre lois que va adopter le Parlement allemand. Pas le moindre article. Pas la moindre dépêche d’agence.

Il n’y aura sans doute pas de réactions. Du moins pas au niveau de l’affront qui est fait aux institutions européennes. Car l’essentiel est que l’Allemagne ratifie le traité. Et qu’elle le ratifie avant le référendum irlandais, afin de faire de cet événement un moyen de pression sur les Irlandais. On veillera ensuite à ce que ces lois restent lettre morte, en espérant que la Cour constitutionnelle retourne à sa léthargie…

Il risque toutefois d’y avoir des juristes qui élèvent la voix, pour constater que l’Allemagne ne ratifie pas le même traité que les autres pays. Car ce n’est clairement pas le même traité, quand les décisions européennes prises selon la clause de flexibilité ou la clause passerelle doivent être approuvées par un Parlement : non seulement cette précision ne figure pas dans le traité, mais elle est contraire à l’esprit du traité, et spécifiquement de ces clauses.

Enfin, il reste un autre petit suspense. La CSU continue d’exiger (sans en faire désormais une condition préalable à son vote) que soit jointe aux quatre lois une résolution qui oblige le gouvernement allemand à préciser que le traité de Lisbonne n’est valide que dans le cadre de l’interprétation qu’en fait la Cour constitutionnelle dans son arrêt, et à informer les autres Etats membres de cette disposition.

Hans-Gert Pöttering, le président du Parlement européen, a reconnu à mi-voix que si le Bundestag adopte cette résolution, tous les autres pays européens devraient en faire autant, dans la mesure où la Cour constitutionnelle allemande a défini « un traité différent ». Et ce serait reparti pour un nouveau, et très périlleux, et très long, tour de piste…

Mais, comme on vient de le voir, même sans la résolution il s’agit d’un traité différent. La réaction de Pöttering est significative. On fait semblant de ne pas voir ce que le Parlement allemand va voter. Ce qui serait grave, c’est qu’il faille en informer officiellement les autres Etats membres. Lesquels seraient alors obligés de constater officiellement que le traité ratifié en Allemagne n’est pas le même que le traité qu’ils ont ratifié…

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