Communiqué de Jean-Marie Le Pen et du Front national
Les Vingt-Sept ont décidé de suspendre le processus de partenariat stratégique UE-Russie. Cette tentative d'intimidation est insensée et dangereuse pour l'avenir. Elle vise à faire plier la Russie afin qu'elle retire ses troupes de Géorgie. Cette menace puérile ne servira qu'à démontrer l'impuissance diplomatique et militaire d'une Union européenne inféodée aux Etats-Unis.
Que l'on soit hostile, indifférent ou favorable à l'intervention russe, la question géorgienne ne doit pas empiéter sur les bonnes relations économiques, politiques et stratégiques avec la Russie.
Ce caprice médiatique, d'une pseudo élite sans aucune vision d'avenir, va ruiner le nécessaire rapprochement avec ce grand allié naturel de l'Europe. Les Etats-Unis devraient aussi réviser à la baisse leurs prétentions géopolitiques. La Russie n'est pas l'Union soviétique.
Jean-Marie Le Pen et le Front National saluent fraternellement leurs frères et sœurs de Russie. Il existe encore en Europe de l'ouest des femmes et des hommes qui savent où se trouvent le bon droit et leurs alliés naturels.
Commentaires
La seule voix dissonante, dans le concert anti-russe qui joue tous les jours depuis 1989, et, comme d'habitude, la seule voix juste. Bravo !
J'entends assez souvent des voix de la droite nationale se mêler au politiquement correct, et hurler avec les loups contre les Russes. Je leur rappellerai que l'anti-russisme a une origine très claire : jusqu'en 1989, ils étaient communistes, c'est-à-dire que c'était merveilleux, la société était brillante, opulente, les personnes chantaient dans les rues, c'était, disons-le, le paradis. Et puis, brusquement, les Russes décidèrent de quitter ce paradis, et sortirent du communisme : les intellectuels français, et tous les média à leurs bottes, ne le leur ont jamais pardonné. Depuis, c'est haro sur les Russes, tout est devenu négatif. N'oubliez pas que ce sont les mêmes qui dénoncent les Russes, qui pleurnichent sur les Tchétchènes ou les Géorgiens, qui se mettaient au garde-à-vous, l'oeil humide, dès que l'on parlait de l'union soviétique, et qui ne bronchaient pas à l'évocation des crimes patents du régime, voire les niaient.
Certes, on peut critiquer les Russes, leur politique, mais l'on sent bien que les cris d'orfraie de nos politiciens ne sont pas sincères, construits, mais résultent de ce que je viens de dire, du reproche éternel d'être sorti du communisme radieux, d'une sorte de "péché originel", et Jean-Marie Le Pen a raison de nous alerter sur les conséquences de ce qui n'est qu'"un caprice médiatique, d'une pseudo élite sans aucune vision d'avenir..". Magnifiquement dit.
Pour poursuivre sur le sujet, je me permets de vous présenter une lettre ouverte, de Mikhaïl Gorbatchev, sur ce qui s'est passé en Géorgie. C'est très instructif.
-----------------------------------
La phase aiguë de la crise, provoquée par l’assaut des forces géorgiennes sur Tskhinvali, la capitale de l’Ossétie du Sud, est désormais passée. Mais la douleur reste présente. Comment oublier l’horreur de l’attaque nocturne au lance-roquettes sur cette ville paisible, l’anéantissement de quartiers entiers, la mort des habitants terrés dans les caves, la destruction barbare de monuments anciens et des sépultures des ancêtres ? La Russie ne voulait pas de cette crise. Les dirigeants russes sont suffisamment en position de force sur le plan intérieur, ils n’avaient pas besoin d’une «petite guerre victorieuse».
La Russie a été poussée au combat par l’imprudence du président géorgien, Mikhaïl Saakachvili. Lequel n’aurait pas osé passer à l’attaque sans soutien extérieur. La Russie ne pouvait pas se permettre de ne pas réagir. En décidant de cesser les hostilités, le président russe, Dmitri Medvedev, a fait ce que devait faire un dirigeant responsable. Ceux qui s’attendaient à de la confusion à Moscou ont été déçus. Le président russe a fait preuve de calme, d’assurance et de fermeté. Les instigateurs de cette campagne voulaient clairement que l’on accuse la Russie d’avoir aggravé la situation dans la région et dans le monde, quelle que soit l’issue du conflit. Avec leur aide, l’Occident a lancé une offensive de propagande contre la Russie, en particulier dans les médias américains.
La couverture médiatique a été loin d’être juste et équilibrée, en particulier pendant les premiers jours de la crise. Tskhinvali était en ruines et des milliers de personnes fuyaient la ville dans laquelle les troupes russes n’étaient pas encore entrées, mais, déjà, la Russie était accusée d’agression, les médias se faisant l’écho des mensonges éhontés proférés par un leader géorgien galvanisé par ses soutiens. L’Occident était-il au courant des plans de Saakachvili ? Cette question grave n’a pas encore été tranchée. Ce qui est sûr, c’est que la participation des Occidentaux à la formation des troupes géorgiennes et les ventes d’armes massives ont conduit la région non pas à la paix, mais à la guerre.
Si ce revers militaire a surpris les protecteurs étrangers du dirigeant géorgien, tant pis pour eux. Cela ressemble fort à une tentative de diversion. L’Occident s’est répandu en éloges sur Saakachvili : un allié fidèle des Etats-Unis et un vrai démocrate, qui a, de surcroît, prêté main-forte en Irak. Aujourd’hui, c’est à nous tous, les Européens, et surtout les civils innocents qui vivent dans cette région, de recoller les morceaux pour réparer le désordre provoqué par le meilleur ami de l’Amérique.
Avant de porter un jugement hâtif sur ce qui se passe dans le Caucase ou d’y chercher une influence, il faut comprendre les complexités de cette région. On trouve des Ossètes en Géorgie et en Russie. D’ailleurs, toute la région est un patchwork de groupes ethniques qui vivent côte à côte. C’est pourquoi il vaut mieux oublier tous ces propos sur «la patrie» ou «la libération de notre pays». Nous devons penser aux gens qui y vivent. Les problèmes du Caucase ne pourront être réglés par la force. On a essayé à plusieurs reprises, et ces tentatives se sont toujours retournées contre ceux qui s’y sont hasardés. Ce qu’il faut, c’est un accord contraignant interdisant le recours à la force. Saakachvili a maintes fois refusé de signer un tel accord, pour des raisons à présent tout à fait claires. L’Occident serait bien avisé de contribuer à cet accord maintenant. S’il préfère accuser la Russie et réarmer la Géorgie, comme les responsables américains le suggèrent, une nouvelle crise deviendra inévitable. Dans ce cas, attendons-nous au pire.
Dernièrement, Condoleezza Rice et George Bush ont promis d’isoler la Russie. Certains hauts responsables américains menacent de l’expulser du G8, de supprimer le Conseil Otan-Russie ou de faire pression pour qu’elle ne soit pas admise à l’OMC. Ce sont des menaces en l’air. Depuis quelque temps déjà, les Russes se disent que, si leur opinion n’a aucun poids dans ces institutions internationales, à quoi bon en faire partie. Depuis quelques années, la Russie a été mise devant des faits accomplis : l’indépendance du Kosovo, la sortie du traité antimissile et le déploiement des sites antimissiles dans les pays voisins, ou encore l’élargissement incessant de l’Otan. Le tout sur fond de discours sirupeux évoquant un «partenariat». Ce n’est qu’une mascarade ! A qui cela peut-il plaire ?
On entend aujourd’hui aux Etats-Unis des appels à «revoir» les relations avec la Russie. Je pense que s’il faut revoir quelque chose, c’est cette manière hautaine de parler à la Russie, sans prendre en compte ni sa position ni ses intérêts. Nos deux pays pourraient élaborer un agenda sérieux de coopération véritable et non symbolique. Je pense que beaucoup d’Américains et de Russes sont conscients de ce besoin, mais qu’en est-il des dirigeants politiques ?
Une commission bipartite, présidée par l’ancien sénateur Gary Hart et le sénateur Chuck Hagel, vient d’être créée pour étudier les relations entre les Etats-Unis et la Russie. Elle est composée de gens sérieux, et à en croire sa première déclaration, elle comprend l’importance de la Russie et d’un travail constructif avec ce pays. Cette commission a pour tâche de présenter des «recommandations à la nouvelle administration, destinées à promouvoir les intérêts nationaux des Etats-Unis dans ses relations avec la Russie». Si c’est là son seul but, alors, je doute qu’il en sorte quelque chose de bon. Si, par contre, la commission est prête à tenir compte des intérêts de l’autre partie et de la sécurité commune, il sera possible de restaurer la confiance et de commencer à travailler ensemble utilement.
Copyright 2008 Mikhaïl Gorbatchev, distribué par le New York Times Syndicate.
http://www.menapress.com/article.php?sid=2140
La Chine ferme la porte au nez de Poutine
Par Laurent Murawiec à Washington, Metula News Agency info # 010209/8, 2 septembre 2008
Poutine
La grande politique du génial stratège Saint Vladimir allait "isoler" et "encercler" les Etats-Unis
Les crises sont à la fois des révélateurs et des catalyseurs : l'évolution latente s'accentue, elle est précipitée par la crise. L'affaire géorgienne n'échappe pas à la règle. Moscou n'a pas seulement lancé une confrontation avec l'Occident, mais elle a forcé la main de bien des pays – quand la crise éclate, il faut choisir son camp.
A cet égard, l'événement premier résultant de l'agression moscoutaire n'a pas reçu l'attention méritée : le "président" faux-semblant Medvedev s'en est allé demander à ses partenaires de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui rassemble la Chine et les républiques d'Asie centrale, de la soutenir contre l'"agression géorgienne" et de reconnaître l'"indépendance" des entités sud-ossète et abkhaze.
Le poids géopolitique du Tadjikistan, du Kirghizstan, du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan oscille de la plume à la grosse feuille de papier. La Chine, poids lourd, est l'un des fléaux du monde, non comme le fut Attila, mais dans la balance mondiale. Or, voilà des années que toutes sortes d'analystes stratégiques prédisent ou discernent une alliance stratégique entre la Russie et la Chine. A Moscou, les idéologues en vue acclament ce partenariat supposé agir tel un contrepoids majeur aux Etats-Unis.
D'aucuns ont même discerné l'émergence d'une coalition rassemblant Russie, Chine et Inde, "puissances montantes", pour s'opposer au capitalisme néo-libéral "décadent" et à l'"américanisation du monde". Le rêve altermondialiste était censément en voie de réalisation.
Les jeux chinois au Moyen Orient, comme son approchement avec l'Iran, le flirt avec le Soudan et les amitiés mal placées avec le tyran zimbabwéen Mugabe, le déploiement géopolitique des intérêts chinois dans toute l'Afrique et en Amérique latine, ont pu suggérer que Pékin partageait peu ou prou les desseins qui unissent Poutine, Ahmadinejad, Chavez et autres gangsters.
C'est du moins ce dont on était fermement convaincu à Moscou. La grande politique du génial stratège Saint Vladimir allait "isoler" et "encercler" les Etats-Unis. Avec l'affaiblissement du lien transatlantique, avéré par la mollesse ouest-européenne face à l'agression tchékiste, la Russie triomphante était "de retour", comme on s'en gargarise à Moscou. L'équation stratégique mondiale changeait de point d'équilibre.
Saoulé par l'odeur du pétrole, grisé par la toute-puissance que lui confèrent les hydrocarbures en folie, aveuglé par une mince pellicule d'or noir, voilà notre Poutine, qui, égal de Souvorov et Koutouzov, successeur de Joukov, terrasse le géant géorgien et son immense armée. "Nous n'avons pas peur d'une nouvelle Guerre froide", fanfaronnait le petit Medvedev.
Patatras ! Voilà, en fait, le roi Picrochole qui tombe sur le derrière. Alors que ses ministres et généraux menacent à tour de bras, qui la Pologne, qui les Baltes, qui les Ukrainiens, et font les gros yeux aux Européens qui ne se sont pas encore tout à fait couchés -- ils ne sont pas nombreux : le G7 adjurait encore il y a quelques jours la Russie, "notre collègue [russe] du G8" de mieux se comporter, avec son armée en décrépitude, le maître chanteur du Kremlin était le maître du monde.
Au petit télégraphiste Medvedev, l'Organisation de Shanghai – c'est-à-dire la Chine, a opposé une fin de non-recevoir. Pire, Medvedev s'était entretenu de la question géorgienne et des entités séparatistes avec le numéro un chinois Hu Jintao. Pour toute récompense de ses efforts, le porte-parole des Affaires Etrangères de Pékin a déclaré que "la situation dans la région… devrait être résolue par le dialogue", ce qui n'est ni le fort de Poutine, ni ce qu'il espérait.
La Chine n'est pas seulement soucieuse des tendances séparatistes qui, du Tibet à Taiwan et dans toute la vaste province occidentale du Xinjiang, le Turkestan chinois, peuplée d'Ouighours musulmans, pourraient miner l'empire. Elle ne se soucie aucunement de s'aliéner brutalement les Etats-Unis par une géopolitique antagoniste et "confrontationnelle". Entre Poutine et Hu Jintao, il y a toute la différence entre l'ivrogne imprégné de mauvaise vodka et le sobre calculateur pékinois.
Pour les Chinois, la Russie est, premièrement, un vaste supermarché des systèmes d'armement qui lui font défaut ; deuxièmement, un ennemi héréditaire, héritier de tous les "Barbares du Nord" qui ont envahi la Chine depuis deux millénaires, Huns, Mongols, Mandchous ; à ce titre, ils sont par excellence les impérialistes continentaux, historiquement bien plus menaçants que tout ennemi venu de la mer, ce que sont les Américains.
Le généralissimo Tchang Kaï-chek, qui régna sur la Chine de 1926 à 1949, avant de s'embarquer pour Taïwan, l'avait bien dit : les Russes sont une maladie des viscères alors que les Japonais sont une maladie de peau. Les Russes, en outre, profitent encore des vastes territoires chinois mal acquis par le biais des "traités inégaux" du XIXème siècle.
Les Chinois sont devenus l'atelier du monde, et dédaignent les Russes, rentiers fainéants. Le Russe, "long nez" (dabizu en mandarin) ou "diable étranger" (gwailo en cantonais), est un objet de mépris. Pour les élites chinoises, l'unique interlocuteur au monde est les Etats-Unis, terme de référence, antagoniste, rival ou partenaire. Le reste n'existe, au mieux, que de façon utilitaire.
D'où l'attitude chinoise envers la politique caucasienne de Moscou. On ne se soucie aucunement d'une Russie "hégémonisant" l'Europe : qu'elle reste faible ! Ni d'une Russie débridée et déchaînée.