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Parrainages : l’aberration

Il y a ceux qui continuent de dire : Le Pen bluffe, il se pose comme d’habitude en victime, mais il a déjà ses 500 parrainages. Ceux-là sont tout simplement des menteurs, car en 2002 les portes du Paquebot leur étaient ouvertes, et ils ont pu constater que Le Pen disait vrai, qu’il a atteint les 500 parrainages au dernier moment, par une exceptionnelle mobilisation des cadres et militants du Front national, y compris le dimanche de Pâques. Hier, Jean-Marie Le Pen a demandé aux salariés du Paquebot, sur la base évidemment du volontariat, de venir samedi et dimanche pour téléphoner aux maires. Or ce n’est pas le genre de la maison de gâcher le week-end des salariés pour faire du « bluff ».

A contrario, il y a ceux qui prétendent que Le Pen fait le martyr mais qu’en réalité il ne veut pas se présenter, car il voit qu’il ne pourra pas être au second tour : l’affaire des parrainages est un bon prétexte. Ceux-là ne connaissent vraiment pas le personnage. Même s’il voyait qu’il ne peut pas être présent au second tour, il continuerait de se battre. Mais en outre l’hypothèse est fausse. Le Pen est persuadé qu’il sera au second tour, et ce ne sont pas les sondages officiels du moment qui peuvent le faire changer d’avis, y compris leur soudaine passion pour Bayrou. Même en en restant à ces sondages, sans autre considération (et il y en a bien d ‘autres, de fond), Le Pen est nettement plus haut qu’il ne l’était en 2002. Ce n’est assurément pas un motif de baisser les bras... Doit-on rappeler qu’en 2002, dans les sondages, Le Pen était quatrième, à un niveau plus bas qu’aujourd’hui, derrière Chirac, Jospin et Chevènement ?

Mais il y a aussi ceux qui s’inquiètent sérieusement d’une éventuelle absence de Le Pen. Le phénomène prend des proportions étonnantes dans l’appareil de Nicolas Sarkozy, comme en témoigne Le Figaro de ce jour.

L’éditorial commence par faire litière de soi-disant « bluff » de Le Pen, puis il dénonce le « système absurde des parrainages », et explique pourquoi Sarkozy croit avoir besoin de Le Pen pour remporter la présidentielle, avant de finir par une belle protestation démocratique : quoi qu’il en soit des intérêts des uns et des autres, c’est une « injure à l’esprit de la démocratie » que 30% des électeurs de 2002, déjà privés de représentation à l’Assemblée nationale, puissent être « interdits d’expression à la présidentielle ».

Pourquoi Nicolas Sarkozy et ses conseillers pensent-ils qu’ils ont besoin de Le Pen ? C’est que, si Le Pen est présent au premier tour, Sarkozy, qui pose évidemment en principe qu’il arrive premier et Le Pen troisième, peut espérer récupérer les deux tiers de ses électeurs. Mais que, si Le Pen est empêché, il ne peut plus compter que sur la moitié de l’électorat potentiel de Le Pen, ce qui peut suffire à lui faire perdre le scrutin.

On pensera ce qu’on veut de l’analyse, mais ce qui importe est que c’est celle de l’équipe de Sarkozy, et que Le Figaro la porte sur la place publique.

Dans un article, Le Figaro cite ensuite le directeur de campagne de Sarkozy, Claude Guéant : « Tous les analystes de l’opinion nous disent que le report de voix de Le Pen se ferait moins bien... mais nous avons encore jusqu’au 16 mars » (date limite de dépôt des parrainages ).

« Jusqu’au 16 mars pourquoi faire ? », s’interroge Le Figaro. Sarkozy ne peut pas demander à des maires UMP de signer pour Le Pen. Cela se saurait inévitablement et serait pain béni pour la gauche. Ce que l’on constate est une montée en puissance de la « déculpabilisation », comme dit Le Figaro. Plusieurs déclarations de responsables UMP, peu à peu, ont insisté sur le fait que tous les courants de l’opinion devaient être représentés, que Le Pen devait pouvoir être candidat, et l’on souligne même aujourd’hui, comme Brice Hortefeux, ami et porte-voix de Sarkozy, qu’accorder son parrainage, à quelque candidat que ce soit, « c’est tout simplement choisir de faire vivre la démocratie ».

Signe évident qu’à l’UMP on sait très bien que Le Pen n’a pas ses parrainages, l’équipe de Sarkozy est passée à la vitesse supérieure, et Le Figaro est chargé de le faire savoir : deux maires UMP ont écrit à leur parti pour faire savoir que Sarkozy n’avait pas besoin de leur parrainage et qu’ils avaient l’intention de signer pour Le Pen. Autrement dit, non seulement un maire UMP qui signe pour Le Pen ne se fera pas taper sur les doigts (il y a quelques mois c’était interdit), mais il est en quelque sorte cité en exemple...

Quoi qu’il en soit des résultats de ces gesticulations, c’est une nouvelle preuve que le système des parrainages, tel qu’il est aujourd’hui, est une aberration.

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