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L’affaire Vanneste, suite

Le député UMP-CNI du Nord Christian Vanneste comparaissait hier en appel, dans le cadre de son procès pour « injure envers les homosexuels ». Il avait été condamné en première instance à 3.000 euros d’amende, à 2.000 euros de dommages et intérêts aux trois associations plaignantes (SOS Homophobie, Act-Up Paris et le Syndicat national des entreprises gays), à 1.000 euros au titre du remboursement des frais, et à la publication du jugement dans trois journaux. Interrogé par La Voix du Nord sur son opposition à la loi créant la Halde , il avait seulement rétabli la vérité sur ce qu’il avait dit à  l’Assemblée nationale : « Je n’ai pas dit que l’homosexualité était dangereuse. J’ai dit qu’elle était inférieure à l‘hétérosexualité. Si on la poussait à l’universel, ce serait dangereux pour l’humanité. »

A l’audience, l’avocat général, Catherine Champrenault, a déclaré : « Ce sont des propos terribles qui font mal, même sous couvert de la philosophie. » Tenir ces propos est « illégal depuis le 30 décembre 2004, et d’autant plus grave de la part d’un élu. » Elle a donc demandé la confirmation du jugement de première instance.

Cette affaire est emblématique à plus d’un titre.

Christian Vanneste est poursuivi pour des propos tenus après le 30 décembre 2004, jour de l’entrée en vigueur de la loi créant la Halde et le délit d’injure homophobe. Or ces propos sont exactement ceux qu’il tenait à l’Assemblée nationale pendant la discussion de cette loi.

Le simple rappel de propos légalement tenus avant décembre 2004 est illégal après décembre 2004. Quels propos ? Dire que si l’on se réfère à Kant, un comportement universalisé est moralement meilleur qu’un comportement qui ne peut être universel, et que par conséquent l’homosexualité est moralement inférieure à l’hétérosexualité, puisque si l’homosexualité était universalisée ce serait la fin de l‘humanité.

Dire cela est une « injure », affirment le tribunal et le procureur. Par conséquent il est interdit de critiquer l’homosexualité de quelque façon que ce soit. Il est évident que, par exemple, le Catéchisme de l’Eglise catholique tombe sous le coup de la loi. Et bien entendu la Bible , etc., etc.

Cela est littéralement contraire à ce qu’affirmait à l’Assemblée nationale le garde des Sceaux Dominique Perben, et qui fut déterminant pour le vote de la loi : « Ce dispositif ne remet aucunement en cause la liberté d’expression ni la possibilité pour celles ou ceux qui sont légitimement impliqués dans les débats sur les valeurs de continuer à exprimer ce qu’ils pensent sur les modes de vie, les orientations sexuelles ou sur tout autre sujet. »

A l’inverse de ce que prétendait Perben, le procès Vanneste prouve, comme nous l’avions dit, que la loi du 30 octobre 2004 remet en cause la liberté d’expression et supprime toute possibilité de continuer à exprimer ce que l’on pense de certains modes de vie et de certaines orientations sexuelles.

On sait que les articles sur l’homophobie avaient été ajoutés après l’affaire Nouchet, et elle fut appelée pour cela « loi Nouchet ». Du nom de cet homosexuel qui disait avoir été agressé et brûlé vif par trois homophobes dans son jardin. Cela avait provoqué une gigantesque campagne d’indignation, à laquelle avaient participé le gouvernement et le président de la République, les uns et les autres affirmant que les agresseurs seraient très sévèrement punis. L’affaire a débouché sur un non-lieu, puisque l’un des trois accusés était en prison au moment des faits, le deuxième a été mis hors de cause, et le troisième n’a jamais été retrouvé.

C’est cette affaire pour le moins obscure qui a conduit le gouvernement et le Parlement à concocter une loi interdisant toute liberté de parole sur l’homosexualité. Ainsi fonctionne la démocratie.

C’est ubuesque. Et Christian Vanneste le prouve d’une autre façon. Le 6 juillet 2006, il a déposé une proposition de loi visant à retirer de la loi créant la Halde les termes « orientation sexuelle ». Cette proposition, qui est cosignée par 21 députés, reprend exactement les citations du jugement de première instance qui ont valu sa condamnation. Il met ainsi en évidence l’absurdité de l’accusation : un député a le droit de contester une loi et de demander qu’elle soit modifiée ; tenir les propos qu’il a tenus n’est donc pas « d’autant plus grave qu’il s’agit d’un élu ».

Mais le député n’a pas le droit de dire dans un journal ce qu’il écrit à l’Assemblée nationale. Telle est la situation de la liberté d’expression en France.

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