A peine revenue de Nouvelle-Calédonie, Marine Le Pen a tenu une conférence de presse, pour expliquer la position du Front national sur le projet de révision constitutionnelle destiné à établir le gel du corps électoral dans l’île. Un projet bien mal nommé, a-t-elle souligné, puisqu’il est radicalement contraire à l’article 3 de la Constitution : « Aucune section du peuple » ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale, le suffrage est « toujours universel, égal et secret ».
A cette occasion, elle a rendu publique la lettre qu’elle adresse aujourd’hui même à tous les députés et les sénateurs. Après avoir souligné le caractère profondément illégitime du texte qui vient devant le Parlement, elle répond notamment à l’argument selon lequel il s’agit de « respecter la parole de l’Etat » : « Nous vous rappelons solennellement que la seule parole que l’Etat se doit de respecter est celle des Calédoniens qui, en votant les accords de Nouméa, ont choisi un corps électoral glissant. Tout le reste relève d’une manœuvre dont le RPCR, les indépendantistes et Jacques Chirac portent l’entière responsabilité. »
Et elle conclut : « Le Front national et les millions d’électeurs qu’il représente vous demande avec force de respecter notre Constitution et notre République française et, en conséquence, de rejeter ce projet de loi constitutionnelle qui, au-delà de la trahison morale qu’elle contient, peut s’avérer un précédent dramatique pour l’unité nationale. Il vous demande au minimum de consulter les Calédoniens sur cette question précise par la voie d’un nouveau référendum. »
(Un « précédent dramatique », parce que tout mouvement indépendantiste, par exemple corse, tout mouvement communautariste, pourra demander que la même disposition s’applique à « son » territoire.)
Commentaires
"Un projet bien mal nommé, a-t-elle souligné, puisqu’il est radicalement contraire à l’article 3 de la Constitution"
L'ennui, c'est que personne ne peut contrôler la conformité d'une disposition constitutionnelle à une autre disposition constitutionnelle.
HORIZONS - Double Calédonie.
Par JEAN-LOUIS SAUX.
4 décembre 1998
_Le Monde_
"Par la « constitutionalisation » de l'accord de Nouméa, la République admet désormais l'existence de citoyens à géométrie variable: les Kanak, qui bénéficieront d'un statut civil particulier renforcé et qui, seuls, seront représentés dans un Sénat coutumier; les Calédoniens de toutes origines, dotés précisément d'une « citoyenneté » leur ouvrant un accès priviligié à l'emploi local ainsi qu'un droit à voter à toutes les élections; de simples résidents enfin, qui, bien que de nationalité française, devront patienter de dix à vingt ans pour pouvoir participer aux scrutins portant sur l'organisation politique du territoire. Ces « horreurs constitutionnelles », selon le mot de l'un des négociateurs de l'accord de Nouméa, sont le prix à payer à la fois pour garantir la paix civile et pour replacer le peuple originel « au centre de la case ». "