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Vendredi après les Cendres

« Eh bien, moi je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » Bien des gens soupèsent les préceptes de Dieu au poids de leur propre lâcheté au lieu de les jauger au courage des saints ; aussi les prétendent-ils irréalisables. C’est bien assez de vertu, disent-ils, de ne pas haïr les ennemis. Ordonner de les aimer, voilà qui dépasse la nature humaine ! Il faut toutefois penser que le Christ ne commande pas l’impossible, mais la perfection. David l’a pratiquée à l’égard de Saül et d’Absalon ; le martyr Étienne a prié pour ceux qui le lapidaient ; Paul, de même, a souhaité d’être anathème pour ses persécuteurs. Et Jésus mit en pratique son propre enseignement quand il pria : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

« Ainsi serez-vous les fils de votre Père qui est aux cieux. » Si c’est en gardant les préceptes de Dieu qu’on devient fils, c’est donc que cette filiation n’est pas due à la nature, mais à son libre choix.

« Quand tu fais l’aumône, ne va pas le claironner devant toi ; ainsi font les hypocrites dans les synagogues et les rues afin d’être honorés des hommes. » Celui qui claironne son aumône est un hypocrite. L’est aussi celui qui, durant son jeûne, prend une mine exténuée pour que ses traits fassent deviner qu’il a le ventre vide. Il en est de même de celui qui, pour prier, plastronne dans les synagogues et les carrefours afin d’être vu.

De tous ces exemples, il ressort une définition de l’hypocrisie : tout faire en vue de s’attirer les louanges des hommes. Voici un autre exemple d’hypocrite, c’est celui qui dit à son frère : « Attends que j’enlève la paille de ton œil. » C’est pour se mettre en valeur, semble-t-il, qu’il en agit de la sorte et pour se faire passer lui-même pour juste. Aussi, le Seigneur lui dit-il : « Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil. » Ce n’est donc pas la vertu, mais le motif qui l’inspire que Dieu récompense. Peu importe que ce soit à droite ou à gauche que l’on dévie en glissant hors de la voie droite ; ce qui est grave, c’est de quitter le chemin de la vérité.

Saint Jérôme, commentaire sur saint Matthieu, leçons des matines.

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