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Jeudi après les Cendres

Voyons, si au sujet du serviteur du centurion, Matthieu et Luc sont d’accord. Car Matthieu dit : « Un centurion s’approcha de lui en disant : ‘Mon serviteur est gisant, paralytique en ma maison.’ » A cela semble s’opposer ce que dit Luc : « Et ayant entendu parler de Jésus, il lui envoya des anciens d’entre les Juifs pour le prier de venir et de guérir son serviteur. Et ceux-ci arrivés à Jésus le priaient avec insistance, lui disant : ‘Il est digne que tu lui accordes cette faveur, car il aime notre nation et il nous a bâti lui-même une synagogue.’ Jésus s’en allait donc avec eux et comme il n’était plus loin de la maison, le centurion lui envoya des amis lui dire : ‘Seigneur, ne vous donnez pas tant de peine, car je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit.’ »

Si en effet les choses se sont ainsi passées, comment sera-t-il vrai, le récit de Matthieu disant : « Un centurion s’approcha de lui », alors que le centurion n’est pas venu lui-même, mais a envoyé ses amis ? Il ne le sera que si, avec une attention diligente, nous comprenons que Matthieu ne s’est pas tellement écarté de nos façons habituelles de parler. Car non seulement nous avons coutume de dire que quelqu’un s’approche, avant même qu’il soit arrivé au lieu dont nous disons qu’il s’est approché, puisque nous disons qu’il s’est peu ou beaucoup approché du lieu où il désire arriver, mais nous disons même très souvent qu’on est parvenu jusqu’à celui qu’on voulait atteindre, quand on y arrive par un ami, sans même voir celui qui est touché et dont la faveur nous est nécessaire. Cette manière de dire est d’usage si courant, que le vulgaire donne le nom de perventores (ceux qui parviennent) à ceux qui, possédant l’art de l’intrigue, atteignent, par l’intermédiaire de personnes convenablement choisies, les esprits de certains puissants personnages qui paraissent inaccessibles d’autre façon.

Ce n’est donc pas chose inconcevable que, pour dire le fait du centurion abordant Notre-Seigneur par l’intermédiaire de ses amis, Matthieu ait pu dire sous une forme abrégée que le vulgaire peut comprendre : « Un centurion s’approcha de lui. » Bien plus, il ne faut pas considérer négligemment la profondeur de cette locution mystique du saint Évangile, qui rappelle ce qui est écrit dans le Psaume : « Approchez-vous de lui et soyez illuminés » (Ps 33, 5). La foi du centurion qui l’a fait s’approcher de Jésus a été si hautement louée par le Seigneur qu’il en a dit : « Je n’ai pas encore trouvé si grande foi en Israël. » De là vient que l’’Évangéliste, en son prudent langage, a voulu nous dire que le centurion s’était approché plus près de Jésus, que les amis par lesquels il avait envoyé son message.

Saint Augustin, Le consensus des évangélistes, livre 2, leçons des matines.

Le mot « perventores » est précédé d’une répétition du verbe pervenire qui a hélas disparu dans la traduction (c’est ainsi que les traducteurs qui croient qu’il faut éliminer les répétitions pour faire une traduction élégante trahissent les textes) :

Non solum enim dícere solémus, accessísse áliquem étiam ántequam pervéniat illuc, quo dícitur accessísse : unde étiam dicimus : Parum accéssit, vel multum accéssit eo, quo áppetit perveníre : verum étiam ipsam perventiónem cuius adipiscéndi causa accéditur, dícimus plerúmque factam, etsi eum, ad quem pérvenit, non vídeat ille qui pérvenit, cum per amícum pérvenit ad áliquem, cuius ei favor est necessárius. Quod ita ténuit consuetúdo, ut iam étiam vulgo perventóres appelléntur, qui poténtium quorúmlibet tamquam inaccessíbiles ánimos, per conveniéntium personárum interpositiónem, ambitiónis arte pertíngunt.

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