Notre Rédempteur, prévoyant que sa Passion troublerait les cœurs de ses disciples, leur prédit longtemps d’avance la peine de cette passion et la gloire de sa résurrection, pour qu’en le voyant mourir comme il l’avait prédit, ils ne doutassent pas qu’il ressusciterait. Mais comme les disciples encore charnels ne pouvaient pas comprendre les paroles de cette annonce mystérieuse, il en vient à un miracle. Sous leurs yeux, un aveugle recouvra la lumière, pour que ceux qui ne comprenaient pas les paroles du mystère céleste fussent confirmés dans leur foi par des faits célestes.
Mais il faut recevoir les miracles de notre Seigneur et Sauveur, frères bien-aimés, de telle façon qu’en étant crus quant à la vérité du fait, ils nous apprennent quelque chose par leur signification. Car les œuvres du Seigneur, tout en instruisant par la puissance qui s’y déploie, nous disent encore autre chose, par leur signification mystique. En effet, ce qu’était historiquement cet aveugle, nous l’ignorons ; mais ce qu’il représente mystiquement, nous le savons. Cet aveugle, en vérité, c’est le genre humain expulsé des joies du paradis, avec notre premier père, ignorant les clartés de la lumière d’en haut et souffrant des ténèbres de sa damnation. Mais voici que, par la présence de son Rédempteur, il est illuminé, pour que déjà par le désir, il voie les joies de la lumière intérieure et que, dans la voie de la vie, il marche par les bonnes œuvres.
Il est à noter que l’aveugle est illuminé quand on dit que Jésus approche de Jéricho, Or Jéricho signifie lune ; mais dans le langage de la Sainte Écriture, la lune représente la déficience de la chair, car en décroissant chaque mois, elle indique la vie défaillante de notre corps mortel. Ainsi donc, quand notre Créateur approche de Jéricho, l'aveugle revient à la lumière, parce qu'au jour où la divinité a pris avec elle notre chair défaillante, le genre humain a reçu la lumière qu’il avait perdue. Car, du fait que Dieu accepte de souffrir l’humain, l’homme est élevé jusqu’au divin. C’est à bon droit que l’aveugle nous est représenté assis le long du chemin et mendiant, car la Vérité nous dit elle-même : Je suis la voie.
Saint Grégoire le Grand, homélie 2, leçons des matines.
On remarquera qu’il n’y a pas le mot « lumière » ni le mot « illuminer » dans le texte de l’évangile. Mais ils se trouvent bel et bien dans la liturgie grégorienne de ce jour. J’en parlais en 2015, et aussi l’an dernier.