Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Septuagésime

Le long et original et magnifique graduel de la Septuagésime, magistralement interprété par les moines de Solesmes en 1965 sous la direction de dom Gajard.

Adjútor in opportunitátibus, in tribulatióne : sperent in te, qui novérunt te : quóniam non derelínquis quæréntes te, Dómine. . Quóniam non in finem oblívio erit páuperis : patiéntia páuperum non períbit in ætérnum : exsúrge, Dómine, non præváleat homo.

Vous êtes notre secours au temps du besoin et de l’affliction. Qu’ils espèrent en vous ceux qui connaissent votre nom, car vous n’abandonnez pas ceux qui vous cherchent, Seigneur. Car le pauvre ne sera pas en oubli pour toujours ; la patience des pauvres ne périra pas à jamais. Levez-vous, Seigneur, que l’homme ne triomphe pas.

Capture d’écran 2023-02-04 à 14.57.35.png

Commentaire de dom Ludovic Baron.

La mélodie a bien le ton d’une parole ardente qui s’efforce de remonter des âmes déprimées. Elle affirme avec force et elle est pénétrée d’une vie intense, avec en plus l’accent direct, persuasif, enthousiaste même en un certain sens, de quelqu’un qui a passé par l’expérience à la fois de l’épreuve et de la consolation, et qui veut faire profiter ceux qui souffrent de ce qu’il a appris dans la souffrance. Cet accent est très net dès le premier mot. L’élan porte la mélodie d’un bond à la dominante et le mouvement est intense.

Opportunitátibus et tribulatióne sont fortement soulignés, comme il convient, mais sans la moindre nuance de tristesse ; au contraire, une certaine joie les pénètre, la joie profonde qui se trouve dans toute espérance forte et qui veut se communiquer comme un secours.

Une autre interprétation de la première phrase est possible. Parce qu’elle n’a pas de verbe, on pourrait aussi l’entendre comme s’adressant à Dieu : Tu es un Aide… Il va de soi que dans ce cas la mélodie serait une prière et devrait être chantée comme telle : une prière forte, pressante… Peut-être alors le spérent in te qui suit perdrait-il de son caractère.

Après cette affirmation ardente, brusquement la mélodie change. Elle devient suppliante. L’Eglise se tourne vers Dieu et, dans une exclamation qui est à la fois un souhait et une prière, elle émet le vœu que ceux qui sont dans l’épreuve mettent en lui leur confiance. C’est un très beau mouvement. La double note de spérent fermement attaquée sur la dominante et un peu prolongée fait la supplication spontanée et ardente. Elle se prolonge, délicate et douce sur la tristropha, descend sur te, qu’elle enveloppe de vénération, et rebondit sur novérunt pour retrouver à nouveau le même pronom te et, à travers lui, monte vers Dieu en un nouvel accent de ferveur.

Dans la troisième phrase, dès le début, elle devient pénétrée de confiance ; plus que cela, de certitude. C’est d’abord une affirmation très forte : notez l’insistance de non, avec le pressus et les distrophas sans cesse ramenés à la dominante. Peu à peu, une sorte de joie paisible s’y mêle. On la perçoit déjà dans la cadence sur mi ; elle monte avec l’arsis, s’épanouit sur la distropha de te et enveloppe Dómine d’une longue vocalise toute baignée d’une tendresse intime qui supplie encore mais qui contemple surtout.

Le Verset. – L’Eglise s’adresse-t-elle à Dieu, à elle-même ou aux déprimés ? Il est difficile de le préciser ; sans doute aux trois à la fois. Elle crie sa confiance à Dieu pour se rassurer elle-même et réconforter les malheureux qui l’entendent. C’est la même affirmation que dans le quóniam non de la première partie. L’intonation est identique mais le développement qui suit revêt ici une ardeur persuasive plus accentuée encore : le salicus, les petits motifs revenant sans cesse à la dominante si, le grand élan qui monte au fa avec sa note de joie, l’insistance à nouveau sur la tonique… Quelle admirable certitude ! Fínem est mis en relief par une sorte de rejet qui lui donne une force considérable. Un accent de supplication sur la cadence de páuperis, et l’ardeur de la foi confiante reprend plus vive dans la montée de patiéntia. Elle s’épanouit à nouveau dans la joie du bonheur futur sur páuperum et y demeure fixée jusqu’à la fin de la phrase. Elle s’achève sur ætérnum en une très belle cadence du VIIIe mode, ferme, paisible, heureuse.

Pour finir, un appel direct à Dieu : « Lève-toi, Seigneur ; que la nature effrayée, ne l’emporte pas sur la confiance en ta bonté ». Il n’est pas angoissé, il jaillit d’une telle confiance ! Mais, les intervalles de quarte, trois fois répétés, et les trois doubles notes sur lesquelles s’appuie le mouvement lui donnent quelque chose de très fort. Il se fait insistant sur non prævaléat et plus encore sur hómo qui se revêt à la fin d’un admirable accent de prière confiante, aimante, intime ; comme l’était le Dómine de la première partie.

*

Dans l'Eglise orthodoxe russe c'est aujourd'hui la commémoration de tous les martyrs russes du XXe siècle.

Commentaires

  • Admirable en effet.
    ...Et que je n'avais pu admirer, l'ICRSP nous donnant ce matin la messe (et procession) de la Chandeleur.
    Dom Baron ne dit rien du sens péjoratif d'HOMO dans la dernière phrase (empruntée au Psaume 9). Il faudrait presque traduire "l'hommerie".

Les commentaires sont fermés.