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La messe des voyageurs

Parmi les messes votives il y a celle pour les pèlerins et les voyageurs, qui peut être célébrée un jour de férie notamment pour les départs en vacances…

Voici ce qu’il en est dit dans « L’année chrétienne contenant les messes votives de toute l’année », 1701, tome 13. A l’époque il n’y avait pas les congés payés… (Le livre n’est pas signé mais il mais il est de Nicolas Le Tourneux – une des bêtes noires de dom Guéranger….)

Toute personne bien instruite dans l’Eglise, dit saint Augustin, doit savoir de quelle patrie nous sommes citoyens, quel et le lieu de notre exil ; que le péché est la cause de notre bannissement, et que la grâce qui nous fait retourner dans notre bienheureuse patrie est a rémission des péchés et la justification où nous établit la miséricorde de Dieu. Les chrétiens sont donc tous pèlerins et voyageurs sur la terre. A ce grand voyage se rapportent non seulement cette messe votive, mais généralement toutes nos œuvres. Les bonnes nous y font avancer. Les mauvaises nous reculent ou nous égarent. Il se peut faire sans que le corps change d’habitation ou de lieu, comme on le voit, par exemple, dans les religieux et religieuses qui sont enfermés dans la clôture de leurs monastères. Il se fait même plus sûrement de cette manière ; étant certain que le repos de la solitude et de la retraite contribue bien davantage à faire mener une vie sainte que les voyages qui dissipent ordinairement beaucoup ceux qui les entreprennent. Vivre en repos et faire ce que l’on a à faire, est le conseil que l’Apôtre donne. Ce qui a fait dire à l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ que ceux qui voyagent fréquemment se sanctifient rarement.

Rien de plus équitable ni de plus digne de nos réflexions que ce que saint Augustin dit là-dessus à son ami Nebride qui l’invitait à l’aller voir. De passer, dit-il, sa vie à faire ou à disposer des voyages, qu’on ne saurait faire sans peine et sans embarras, cela ne convient guère à quiconque pense à ce dernier voyage qu’on appelle la mor, qui seul mérite qu’on y pense et qu’on s’en occupe. Il est vrai qu’on voit quelques personnes choisies de Dieu pour le gouvernement des Eglises à qui il a été donné de conserver le calme et la tranquillité de leur esprit dans le tracas des voyages qu’ils sont obligés de faire pour visiter leur troupeau ; et de ne laisser pas dans toutes ces agitations d’attendre courageusement la mort, et même de la désirer ardemment. Mais pour ceux qui n’ont cherché dans les charges ecclésiastiques que les honneurs qui y sont attachés, et ceux qui pouvant mener une vie privée se jettent dans l’embarras des affaires, je ne crois pas qu’après le peu de cas qu’ils ont fait du repose et du calme dans lequel ils auraient pu se sanctifier et se déifier, pour parler ainsi, il leur soit donné de s’apprivoiser avec la mort au milieu du tumulte et de l’agitation des voyages et des affaires ; et de pouvoir contracter avec elle cette familiarité où nous aspirons. Croyez-moi, ajoute-t-il, mon cher Nebride, pour parvenir à ne rien craindre sans qu’il y ait rien dans cette disposition de cœur qui soit l’effet, ni de l’endurcissement, ni de l’audace et de la présomption, ni de la vanité, il faut vivre dans une grande retraite, et une grande séparation du tumulte de toutes les choses qui passent.

Tous les maîtres de la vie spirituelle ont été du même sentiment. Saint Bernard ne voulait point du tout que les moines fissent des voyages ou des pèlerinages. Il en renvoie un dans son monastère qui en avait extorqué la permission de son Abbé. La raison qu’il rend de sa conduite mérite bien d’être remarquée. Quelque coupable, dit-il, que soit un moine, nous estimons qu’il est plus à propos qu’il fasse pénitence dans son monastère que de courir comme un vagabond de province en province. La profession d’un moine n’est pas de chercher la Jérusalem de la terre, mais celle du ciel où l’on arrive par les désirs et les affections du cœur, et non par les pieds du corps.

Cette raison peut être appliquée aux clercs, et généralement à tous les chrétiens. Car c’est vers la Jérusalem céleste que nous voyageons tous. Notre bonheur éternel consiste à y parvenir ; au lieu qu’il n’y a nul inconvénient à ne point voir la Jérusalem terrestre, ni aucun autre lieu sur la terre, quelque saint qu’il puisse être. L’on peut être sauvé sans faire de pèlerinage ; et l’on peut faire des pèlerinages sans être sauvé. Visiter par dévotion les saints lieux, et surtout ceux où les mystères de notre salut ont été opérés, c’est une œuvre très pieuse et très salutaire, et qui était autrefois très commune dans l’Eglise. Les uns s’y portaient par pure dévotion, les autres y étaient obligés par pénitence ; mais les abus que l’expérience y a fait remarquer ont rendu les pèlerinages moins fréquents, et le sentiment commun est qu’ils sont maintenant utiles à très peu de personnes.

Le second concile de Châlons-sur-Saône tenu en 813 en remarque dès lors les abus. Plusieurs, dit ce concile, se trompent dort eux-mêmes en faisant inconsidérément des pèlerinages à Rome, à Tours, et en d’autres lieux, sous prétexte de dévotion. Des prêtres, des diacres, et d’autres du clergé menant une vie défectueuse se croient délivrés de leurs péchés et rétablis dans leurs fonctions pourvu qu’ils puissent atteindre les lieux que nous venons de marquer. Des laïques se persuadent de même que visitant ces saints lieux et y faisant des prières ils auront l’impunité des péchés qu’ils commettent ou de ceux qu’ils ont commis. Des personnes puissantes, sous prétexte d’un voyage de Rome ou de Tours, lèvent des impôts considérables et chargent les pauvres, voulant ainsi faire croire que ce qu’ils exigent par le motif d’avarice ils n’ont dessein de l’employer qu’à visiter les saints lieux, et à y faire leurs prières. Il y a des pauvres qui font la même chose pour gueuser avec plus de facilité. Il y en a aussi qui font les vagabonds, feignant d’aller dans ces lieux saints ; ou qui sont assez lâches pour croire que la seule vue de ces lieux les délivre de leurs péchés ; ne considérant pas ce que dit saint Jérôme, que ce n’est pas pour avoir vu Jérusalem que l’on est digne de louange, mais pour y avoir bien vécu. L’on aura, ajoute ce concile, à suivre le décret de l’empereur (Charlemagne) pour corriger ces abus. Quoique ce grand et pieux empereur favorisât les pèlerinages presque jusqu’à l’excès, comme les auteurs de sa vie l’ont remarqué, il ne laissa pas de défendre sévèrement, et de réprimer ceux qui le faisaient de la manière abusive que l’on vient de rapporter. Il continua seulement à favoriser ceux que le même concile approuve en ces termes : Nous approuvons de tout point la dévotion de ces personnes qui s’étant confessées à leurs curés et ayant reçu d’eux l’ordre de la pénitence qu’ils ont à faire vont visiter les tombeaux des saints apôtres ou de tels autres saints qu’ils voudront, en priant assidument, en faisant des aumônes, en corrigeant leur vie, en édifiant par leurs mœurs.

Cette messe votive est très utile pour ces sortes de pèlerins ou voyageurs que ce concile approuve. Elle l’est encore pour tous ceux qu’une bonne raison oblige d’entreprendre un voyage. Ils ont lieu d’espérer que le secours de Dieu qu’ils implorent dans cette messe, ou qu’on implore pour eux, ne leur manquera pas.

Où irions-nous, Seigneur, sans votre secours, que dans des précipices ? Vous êtes le terme de l’unique voyage que nous avons tous à faire, vous en êtes la voie et le guide. Ne nous en laissez jamais entreprendre aucun qui soit contraire à celui-là ; et faites qu’au milieu des dissipations et des dangers qui en sont inséparables nous conservions par votre grâce un cœur tranquille, et que rien ne soit capable de nous détacher de vous.

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