Enfin la Sagesse éternelle, pour s'approcher de plus près des hommes et leur témoigner plus sensiblement son amour, est allée jusqu'à se faire homme, jusqu'à devenir enfant, jusqu'à devenir pauvre et jusqu'à mourir pour eux sur la croix.
Combien de fois s'est-elle écriée, lorsqu'elle vivait sur la terre : "Venez à moi, venez tous à moi ; c'est moi, ne craignez rien; pourquoi craignez-vous? Je suis semblable à vous ; je vous aime. Est-ce parce que vous êtes pécheurs ? Eh ! c'est eux que je cherche ; je suis l'amie des pécheurs. Est-ce parce que vous vous êtes égarés du bercail par votre faute ? Eh ! je suis le Bon Pasteur. Est-ce parce que vous êtes chargés de péchés, couverts d'ordures, accablés de tristesse ? Eh ! c'est justement pourquoi vous devez venir à moi ; car je vous déchargerai, je vous purifierai, je vous consolerai."
Voulant d'un côté montrer son amour pour l'homme jusqu'à mourir en sa place afin de le sauver, et ne pouvant de l'autre se résoudre à quitter l'homme, elle trouve un secret admirable pour mourir et pour vivre tout à la fois, et demeurer avec l'homme jusqu'à la fin des siècles : c'est l'invention amoureuse de l'Eucharistie ; et pour venir à bout de contenter son amour en ce mystère, elle ne fait point de difficulté de changer et renverser toute la nature. Si elle ne se cache pas sous l'éclat d'un diamant ou autre pierre précieuse, c'est qu'elle ne veut pas seulement demeurer extérieurement avec l'homme : mais elle se cache sous l'apparence d'un petit morceau de pain, qui est la nourriture propre de l'homme, afin que, étant mangée de l'homme, elle entrât jusqu'en son cœur pour y prendre ses délices : Ardenter amantium hoc est.
"O Deum vere prodigum sui prae desiderio hominis! O Sagesse éternelle, dit un saint, ô Dieu vraiment prodigue de lui-même par le désir qu'il a de l'homme."
L’amour de la Sagesse éternelle, 70-71.
Le saint cité ici est Guerric, disciple de saint Bernard qui l’avait nommé abbé d’Igny (1148-1157). Aujourd’hui il est relativement connu parce que les Sources chrétiennes ont traduit et édité ses sermons, mais le trouver chez saint Louis-Marie Grignion de Montfort est assez étonnant. Voici la phrase de Guerric, au début de son premier sermon sur la Pentecôte :
« O Deum, si fas est dici, prodigum sui, prae desiderio hominis ! »
On voit que Grignion a juste supprimé « s’il est possible de le dire ».
On trouve Guerric cité deux autres fois, et nommément, par saint Louis-Marie Grignion de Montfort. C’est une phrase du premier sermon sur l’Assomption, qui est citée dans Le secret de Marie :
Et ne croyons pas qu'il y eut plus de gloire et de bonheur à demeurer dans le sein d'Abraham, qui est le Paradis, que dans le sein de Marie, puisque Dieu y a mis son trône. Ce sont les paroles du saint abbé Guerric : "Ne credideris majoris esse felicitatis habitare in sinu Abrahae, qui [vocatur] Paradisum, quam in sinu Mariae in quo Dominus thronum suum posuit."
Et dans le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge :
Ne croyez pas, dit l'abbé Guerric, qu'il y ait plus de bonheur d'habiter dans le sein d'Abraham que dans le sein de Marie, puisque le Seigneur y a placé son trône: Ne credideris majoris esse felicitatis habitare in sinu Abrahae quam in sinu Mariae, cum in eo Dominus posuerit thronum suum.
Voici la phrase authentique de Guerric - il est curieux que saint Louis Marie ait oublié la rime qui rythme la phrase : in sinu Mariae, Rex gloriae.
Nullatenus autem credideris majoris esse felicitatis et gloriae, habitare in sinu Abrahae, quam in sinu Mariae, cum thronum suum in ea posuerit Rex gloriae.
Ne crois surtout pas qu’il y ait plus de bonheur et de gloire à habiter dans le sein d’Abraham que dans le sein de Marie, alors que le Roi de gloire a placé son trône en elle.
Quant à l’expression « Ardenter amantium hoc est », on la trouve à la fin de la quatrième leçon des matines du samedi dans l’octave de la Fête Dieu : c’est un extrait d’un sermon de saint Jean Chrysostome.
Rappel : le discours très… breton de Pie XII pour la canonisation de Louis-Marie Grignion de Monfort.