Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vendredi après les Cendres

« Vous avez appris qu’il a été dit : Vous aimerez votre prochain, et vous haïrez votre ennemi. Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent ; faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous calomnient et qui vous persécutent. Afin que vous soyez enfants de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »

Remarquez comment il réserve pour la fin le couronnement de tous les biens. C’est pour cela qu’il commande non-seulement de souffrir le soufflet qu’on nous donne, mais de tendre même l’autre joue, et de ne pas donner seulement notre manteau avec notre robe, mais de faire encore deux mille pas avec celui qui n’en demande que mille, afin de nous disposer à embrasser de tout notre cœur les commandements encore plus relevés. Mais que peut-on ajouter, direz-vous, à ce qu’il vient de commander ? C’est de ne pas regarder comme votre ennemi celui qui vous traite si mal, mais d’en avoir une idée toute contraire. Car le Seigneur ne dit pas : Ne haïssez point, mais « Aimez. » Il ne dit point : Ne leur faites point de mal, mais « Faites-leur du bien. » Il va même plus loin. Il ne commande pas un amour qui soit commun et ordinaire ; mais qui aille jusqu’à « prier pour eux ».

Considérez par combien de degrés il nous fait passer pour monter à la plus haute perfection. Je vous prie de les compter. Le premier c’est de n’être point le premier à faire du mal. Le deuxième, lorsqu’on nous en a fait, de n’en point tirer une vengeance égale. Le troisième, de ne point rendre la pareille à l’offenseur, mais de ne rien faire. Le quatrième, de s’offrir volontairement à l’injure. Le cinquième, de vouloir souffrir plus qu’on ne nous veut faire endurer. Le sixième, de ne point haïr celui qui nous maltraite. Le septième, d’avoir même de l’affection pour lui. Le huitième, de lui faire du bien. Et le neuvième enfin, de prier Dieu pour lui. Voilà le comble de la vertu chrétienne. C’est pourquoi Jésus-Christ y attache cette haute récompense. Comme ce commandement était relevé, et qu’il avait besoin d’une âme généreuse et d’un grand travail, le Sauveur y joint aussi une récompense, qu’il n’a promise à aucune de toutes ces autres vertus. Il ne promet point une terre comme à ceux qui sont doux, ni des consolations comme à ceux qui pleurent, ni la miséricorde comme à ceux qui seront miséricordieux; ni le royaume même du ciel ; mais ce qui est plus étonnant, il promet que nous deviendrons semblables à Dieu, autant que des hommes le peuvent être : « Afin », dit-il, « que vous soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux ». (…)

Il ajoute ensuite : « Il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » Comme s’il disait : Il est si éloigné de haïr ceux qui le méprisent, qu’il leur fait même du bien. Et cependant cette comparaison n’est pas égale, non-seulement à cause de l’excellence des biens que Dieu fait aux hommes, mais encore à cause de son infinie grandeur. Celui qui vous méprise est un homme semblable à vous ; mais celui qui offense Dieu est son esclave, et un esclave qui en avait reçu mille biens. Vous ne lui donnez que des paroles, lorsque vous priez pour lui ; mais Dieu lui donne des biens réels et admirables, en faisant lever son soleil sur lui, et en lui procurant des pluies durant tout le cours de l’année. Cependant il ne laisse pas de vous donner la gloire d’être égal à Dieu, autant qu’un homme peut l’être. Ne haïssez donc plus celui qui vous a fait tort, puisqu’il vous procure un si grand bien, et qu’il vous élève à une si haute gloire. Ne lancez donc point d’imprécations contre celui qui vous outrage, puisqu’alors vous ne laisseriez pas de souffrir le mal qu’il vous fait, et que vous en perdriez tout le fruit. Vous endureriez une peine ; et vous n’en auriez point de récompense. Ce serait le dernier aveuglement, qu’après avoir souffert les plus grands maux, on ne pût souffrir les plus légers.

Mais comment, direz-vous, puis-je pardonner ainsi à ceux qui m’offensent ? Quoi ! lorsque vous voyez un Dieu qui se fait homme, qui s’abaisse et qui souffre si épouvantablement pour vous, vous hésitez encore, et vous demandez comment vous pouvez remettre à vos frères les injures qu’ils vous font ? Ne l’entendez-vous pas crier du haut de sa croix : « Pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » ?

Saint Jean Chrysostome, homélie 18 sur saint Matthieu. (Traduction Jeannin, 1865)

Commentaires

  • C'est étrange, je serais curieux de savoir par quel glissement sémantique Saint Jean Chrysostome passe pour aller de:
    "Afin que vous soyez enfants de votre Père qui est dans les cieux"
    à:
    "Afin , dit-il, que vous soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux."

    Peut-être quelque chose dans le grec d'origine?

  • Très intéressante remarque. Je n’avais pas fait attention, sans doute que pour moi aussi le glissement sémantique est naturel.

    Je viens de vérifier tout cela.

    Saint Jean Chrysosotome dit bien « semblables à votre Père ». Ὅπως γὰρ γένησθε, φησὶν, ὅμοιοι τοῦ Πατρὸς ὑμῶν τοῦ ἐν οὐρανοῖς.

    Et il dit φησὶν, donc il le dit entre guillemets, parce que c’est déjà ainsi qu’il a cité l’évangile au début de cette partie du sermon : ὅπως γένησθε ὅμοιοι τοῦ Πατρὸς ὑμῶν τοῦ ἐν τοῖς οὐρανοῖς·

    Or il n’y a en l’état de nos connaissances aucune version de l’évangile qui donne ce texte. Le glissement sémantique était déjà fait dans la tête de saint Jean Chrysostome, ou alors il avait une version inconnue de l’évangile, ce qui, à Antioche, serait curieux.

    C’est le traducteur qui a rétabli le texte authentique dans la citation de la péricope, mais qui n’a pas osé toucher au texte de saint Jean Chrysostome.

  • Merci beaucoup pour cette réponse.

Les commentaires sont fermés.