Saint Jean Bosco photographié par Gustavo Luzzati le 16 mars 1886.
Don Bosco, tout jeune prêtre encore, avait déjà trouvé sa voie et fait choix de son ministère. Mais cette voie était si nouvelle, et ce ministère embrassait un tel nombre d'œuvres, que des amis, d'ailleurs très bienveillants, s'en émurent un peu.
Pour être plus sûrs de faire une démarche utile, ils s'adressèrent à Don Cafasso, maître des Conférences de morale à St. François d'Assise, et confesseur de Don Bosco.
Mais quel homme est-ce donc que votre Don Bosco ? Le zèle est sans contredit une chose divine, à condition toutefois qu'il soit réglé, se restreigne sagement à un genre bien défini d'occupations et s'y applique avec esprit de suite et vigueur.
Don Bosco, lui, n'entend pas de cette oreille : prédication et confession ne lui suffisent plus ; aumônier d'un établissement de jeunes filles, il met son bonheur à traîner à sa suite, dans les rues de la ville, des petits vagabonds et vauriens de toute espèce ; il rêve d'établir, dans des bâtiments édifiés par lui, une imprimerie ; il parle d'entreprendre des missions lointaines.., en un mot, rien ne le déconcerte. Ne serait-ce pas rendre à l'Église un véritable service que de tracer des limites précises à un zèle trop entreprenant pour être entièrement selon Dieu ?
Don Cafasso, souriant, écoutait avec le plus grand calme ces représentations qui, sous une forme ou sous une autre, lui arrivaient assez fréquentes ; puis, invariablement, il répondait d'un ton grave et avec un accent presque prophétique : Laissez-le faire, laissez-le faire !
Personne, à Turin, ne refusait à Don Cafasso comme une sorte de discernement des esprits : il en avait fait preuve bien des fois et dans des circonstances souverainement délicates ; mais on était tenté de croire que, pour Don Bosco, ce sens surnaturel pourrait bien être quelque peu en défaut.
Et tout ce monde de revenir à la charge avec une persévérance et un luxe de considérations qui témoignaient au moins d'un soin extraordinaire des intérêts de Dieu.
Don Cafasso, à qui ces démarches réitérées de personnages influents, révélaient peut-être des mobiles moins élevés, se montrait toujours affable, bon, accueillant, mais toujours aussi concluait par ce mot devenu célèbre : Laissez-le faire !
Un jour cependant, il se départit de cette réserve mystérieuse, et prononça quelques paroles, profondes, sans aucun doute, mais de nature à éclairer d'un jour particulier l'existence sacerdotale de son pénitent :
« Savez-vous bien qui est Don Bosco ? Pour moi, plus je l'étudie et moins je le comprends. Je le vois simple et extraordinaire ; humble et grand ; pauvre et travaillé de vastes pensées, de projets en apparence irréalisables... ; et avec tout cela, constamment traversé dans ses desseins et comme incapable de mener à bien ses entreprises... Pour moi, Don Bosco est un mystère. Si je n'avais la certitude qu'il travaille pour la gloire de Dieu, que Dieu seul le conduit, que Dieu seul est la fin de tous ses efforts, je le taxerais d'imposteur, d'hypocrite, d'homme dangereux, pour ce qu'il laisse deviner plus encore que pour ce qu'il dit ... : Je vous le répète, pour moi, D. Bosco est un mystère : LAISSEZ-LE FAIRE. »
Le vénérable prêtre, quand on l'interrogeait au sujet de son pénitent, demeura toujours aussi énigmatique. Et plus tard, quand Don Bosco, abandonné, bafoué, persécuté, semblait donner raison aux prophètes de malheur, Don Cafasso disait encore : Laissez-le faire.
On sait maintenant si Don Cafasso se trompait.
Bulletin salésien de septembre 1888 (six mois après la mort de saint Jean Bosco), début de la préface à la Vie de Don Bosco par Charles d’Espiney. Don Cafasso est saint Joseph Cafasso, canonisé par Pie XII en 1947.
Commentaires
L'heureuse mort de don Bosco.
http://le-petit-sacristain.blogspot.com/2022/01/lheureuse-mort-de-don-bosco.html
Trouvé sur gloria.tv en anglais :
https://www.gloria.tv/post/nwVfMTHa4rzf6sAkpM4YuNWeN