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4e dimanche après l’Epiphanie

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Codex Egberti, vers 980. On remarque que l’enlumineur conserve la technique de l’icône qui montre deux scènes en une. A gauche Jésus dort, à droite il fait taire les vents.

L’évangile de ce dimanche est celui de la tempête apaisée. Un épisode aussi bref que propice à de longs développements sur la barque qui est l’Eglise aux prises avec les tempêtes de l’histoire ou chacun de nous confronté aux tempêtes des tentations et des épreuves. Vu depuis l’Epiphanie, il est une nouvelle manifestation du Verbe fait homme parmi les hommes.

L’épisode est clairement annoncé dans le psaume 106, d’autant que dans l’Ancien Testament ces versets ne correspondent à rien :

Il dit, et le souffle de la tempête s’est levé
et les flots de la mer se sont soulevés
Ils montent jusqu’aux cieux
et descendent jusqu’aux abîmes
leur âme défaillait parmi leurs maux.
Ils étaient troublés et agités comme un homme ivre
et toute leur sagesse a été engloutie
Et ils crièrent au Seigneur dans leur tribulation,
et il les tira de leurs nécessités
Il changea la tempête en brise
et les flots de la mer sont devenus silencieux
Ils se réjouirent de les voir devenus silencieux
et Dieu les conduisit au port où ils voulaient arriver

On pense aussi au psaume 88, qui commence un énoncé des pouvoirs divins par celui-là :

Tu domines sur la puissance de la mer
et tu apaises le mouvement de ses flots

Or le psaume 88 est un des grands psaumes messianiques.

On constate que si l’épisode est bref chez les trois synoptiques, l’Eglise a choisi le plus bref, celui de saint Matthieu. Non seulement on n’y trouve pas de détail pittoresque comme l’oreiller sur lequel dort Jésus chez saint Marc, ni d’effet de style comme chez saint Luc, mais il n’y a que les mots strictement nécessaires à la narration. Au point qu’il est impossible de traduire mot à mot le fameux « modicae fidei ». Ce sont deux génitifs, donc des compléments de nom, mais il n’y a pas de nom. Le nom est sous-entendu : hommes, gens, personnes… En grec il n’y a même qu’un seul mot (mais au nominatif et qui se suffit à lui-même) : ὀλιγόπιστοι. Oligopisti. Que sœur Jeanne d’Arc avait réussi à traduire également par un seul mot, mais un néologisme, assez savoureux : minicroyants.

La grande différence entre Matthieu et les deux autres évangélistes, et qui est capitale, et qui est sans doute la raison pour laquelle c’est saint Matthieu qui a été choisi, est qu’il est le seul à raconter l’histoire dans cet ordre : la tempête se lève, les disciples réveillent Jésus, Jésus dénonce leur peu de foi, Jésus apaise la tempête. Marc et Luc inversent ces deux derniers faits, ce qui donne au propos de Jésus une allure de leçon de morale après coup. Alors que chez Matthieu c’est Dieu qui tance les hommes en pleine tempête, et ne montre sa puissance qu’après avoir délivré son enseignement. Les vagues passent par-dessus le bateau, « Nous périssons ! » crient les apôtres. « Minicroyants ! », leur répond Jésus. Puis il commande aux vents et à la mer pour leur montrer ce qui arrive quand on a la foi…

Cet agencement n’est pas sans rappeler l’épisode du paralytique. On le descend par le toit pour que Jésus le guérisse. Mais Jésus, « voyant leur foi », lui dit d’abord que ses péchés sont remis. « Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu seul ? », se disent les pharisiens. « Quel est celui-ci, que les vents et la mer lui obéissent ? », disent « les hommes ». Car ce sont tous les hommes qui sont concernés par la question, et par la réponse qui n’a pas besoin d’être formulée.

Cet évangile aura un écho plus loin, lorsque saint Pierre voudra marcher sur l’eau pour rejoindre Jésus. Alors un vent se lève, Pierre s’enfonce, Jésus étend la main, le prend, lui dit : « modicae fidei », et ils montent dans la barque. Ici il y a un seul « minicroyant », celui qui devra confirmer ses frères dans la foi…

Commentaires

  • Quelle magnifique miniature ! La perfection à l'état pur.

  • "Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous... ?"
    C'est ce que m'a toujours inspiré ce miracle, encore plus que Jésus marchant sur les eaux. Je n'ai aucune interprétation rationnelle de cette épreuve intime. Il y a quelque chose de léger là-dedans et peut-être un peu d'humeur : "Pour une fois que je pouvais me reposer, j'aurais bien aimé que le vent et la mer me fichent la paix !"

  • Le père Emmanuel commente en disant que s'ils avaient eu la foi, ils auraient fait la sieste avec Jésus, (laissant la barque sans manoeuvres)
    De la méga-foi.
    Jésus aurait pu aussi empêcher la tempête d'éclater: c'est donc une épreuve et un enseignement pour les apôtres

  • @ Dauphin : vous citez le Père Emmanuel, il est souvent cité dans mon missel. Qui est-il ? Je n'ai pas trouvé d'informations sur Internet. Si vous pouviez m'en dire plus ... Merci.

  • Oui, il s'agit du père Emmanuel (+1903) du Mesnil St Loup, fondateur du monastère bénédictin ND de Ste Espérance
    https://www.mesnil-saint-loup.fr/histoire/l-histoire-de-l-eglise/
    Le R. P. dom Bernard Maréchaux a écrit une vie de ce saint prêtre, curé de paroisse puis abbé bénédictin, qu'on doit trouver à la librairie des moines du Barroux.

  • La grosse baleine Nadal a gagné à Melbourne en marchant sur les os.

  • Avec Djokovic, il aurait marché sur la tête. Tous ces champions ont dû être "vaccinés" à l'eau salée. Pas un seul mort sur les courts.

  • Merci bien pour ces renseignements.

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