Je ne sais pas pourquoi depuis la fin du XVe siècle l’art occidental (et spécifiquement italien) représente saint Sébastien, centurion et martyr de Dioclétien, comme un éphèbe alangui, allant jusqu’à la caricature du giton chez Antonello de Messine, Guido Reni, ou les della Robbia (de quoi faire la une de Têtu, si ça n’a pas été fait).
Il en est résulté qu’à partir de la fin du XIXe siècle ce Sébastien-là est devenu une source d’inspiration pour les écrivains invertis, dont Oscar Wilde, Marcel Proust, Federico Garcia Lorca, Tennessee Williams, Yukio Mishima…
Il n’en était pourtant pas ainsi au premier millénaire. La première représentation de saint Sébastien se trouve sans doute dans le groupe de martyrs de Saint-Apollinaire le Neuf, à Ravenne (VIe siècle). Mais c’est plutôt une sorte de frise et il ne se distingue pas des autres…
Il y a ensuite la mosaïque de la basilique romaine Saint-Pierre aux liens, créée en 683, après que les reliques du saint eurent fait miraculeusement cesser la peste à Rome en 680.
Et celle de la chapelle Palatine à Palerme (XIIe siècle).
On trouvait au moyen âge dans des livres d’heures cette prière :
Deus qui beatum Sebastianum Martyrem tuum in tua fide et dilectione tam ardenter solidasti, ut nullis carnalibus blandimentis, nullis tyrannorum minis nullisque carnificis gladiis sive sagitiis a tuo cultu potuit revocari, da nobis miseris peccatoribus dignis ejus meritis et intercessionibus, in tribulatione auxilium, in persecutione solatium et in omni tempore tribulationis contra pestem epidemiæ remedium, quatenus possimus contra omnes diabolicas insidias viriliter dimicare : mundum et ea quæ in eo sunt despicere : et nulla ejus adversa formidare : ut ea quæ te inspirare desideramus, valeamus obtinere.
Dieu qui avez donné au bienheureux Sébastien, votre martyr, tant de fermeté et d'ardeur dans votre foi et dans votre amour, que ni les convoitises de la chair, ni les menaces des tyrans, ni les flèches ou les glaives du bourreau n'ont pu le détourner de votre culte, accordez-nous, misérables pécheurs, par ses insignes mérites et son intercession, le secours dans la tribulation, la consolation dans la persécution et dans tous les temps de tribulation, un remède efficace contre la peste de l’épidémie, afin que nous puissions combattre vaillamment contre toutes les embûches des démons : mépriser le monde et tout ce qu'il renferme et ne redouter aucune de ses disgrâces, à telle fin que nous puissions obtenir ce que vous nous avez inspiré de demander.
On constate que c’est une extension de l’antique collecte du sacramentaire grégorien :
Deus, qui beatum Sebastianum Martyrem tuum virtute constantiae in passione roborasti ; ex ejus nobis imitatione tribue, pro amore tuo prospera mundi despicere, et nulla ejus adversa formidare.
(On rappellera que les expressions comme « prospera mundi despicere », et pire encore, « mundum et ea quæ in eo sunt despicere » sont bannies de la néo-liturgie, alors que c'est la pure tradition de toutes les Eglises.)
Commentaires
Je me demande s'il n'y a pas eu une confusion, non traçable dans les sources bien sûr et assez incroyable, avec le personnage de l'empereur ephèbe homosexuel "martyrisé" Héliogabale, puisque c'est à l'emplacement du temple de la divinité exotique amenée à Rome par cet empereur que saint Sébastien a été martyrisé