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Tatiana ?

Le premier nom du martyrologe romain en ce jour est sainte Tatiana. On se dit qu’il est logique que ce ne soit pas une fête dans la mesure où ce nom si russe n’est manifestement pas celui d’une martyre romaine, et puisque de toute façon jusqu’en 1960 (et donc encore dans mon bréviaire…) on était dans l’octave de l’Epiphanie.

Or, si Tatiana est un prénom très courant dans les pays de l’ancienne Rus’, et seulement chez eux, la sainte était pourtant romaine, d’une famille romaine, et même peut-être d’origine étrusque, et c’est bien à Rome qu’elle a subi le martyre, sous l’empereur Alexandre, autour de 230.

Mais son culte ne s’y est guère implanté. On sait seulement par une « Notitia portarum, viarum, ecclesiarum circa urbem Romam » du VIIe siècle, reproduite par Guillaume de Malmesbury en appendice de sa grande histoire des rois d’Angleterre (1125) qu’il y avait à Rome une église Sainte-Tatiana, ce qui est confirmé par un catalogue des églises de Rome du XIVe siècle, indiquant une église Sainte-Tatiana près de l’église Sainte-Suzanne sur le Quirinal : « Ecclesia s. Tatianae habet unum sacerdotem. » Elle a (seulement) un prêtre…

Il semble que cette église n’existait plus dès le siècle suivant, puisqu’on n’en a plus aucune trace.

Alors sainte Tatiana ne figurait même pas dans le martyrologe. C’est le cardinal Baronius qui l’y ajouta à la fin du XVIe siècle. Il l’inscrivit au 12 janvier parce que c’était la date… du ménologe grec. Sans porter attention, semble-t-il, que c’était selon le calendrier julien (que Rome venait tout juste d’abandonner).

Aucun rapport particulier avec la Russie jusqu’en 1755. Le 12 janvier de cette année-là (selon le calendrier julien), l’impératrice Elisabeth signe l’ukase de création de l’université de Moscou. Le projet était de Michaïl Lomonossov et Ivan Chouvalov. La mère de ce dernier s’appelait Tatiana, et il avait voulu que l’acte de naissance de l’université soit daté du jour de sa fête (qui était sans doute aussi son anniversaire)…

Mais il faut attendre encore 1791 pour que le 12 janvier devienne la fête officielle de la fondation de l’université. Alors cela devient le "Jour de Tatiana", la fête des étudiants, avec divine liturgie solennelle, distribution des prix, et en soirée tous les débordements qu’on imagine, non sans une bienveillance exceptionnelle des autorités (les policiers avaient ordre de ramener les étudiants ivres chez eux, et non de les jeter en cellule…).

Cette grande fête des étudiants est donc à l’origine de la notoriété de sainte Tatiana en Russie. La fête fut supprimée par les bolcheviques, mais elle a repris en 1992 (le… 25 janvier, selon le calendrier… grégorien, alors que le calendrier grégorien a cette fête le 12 janvier… selon le calendrier julien…).

Le fait qu’il n’y ait pas d’icônes anciennes de sainte Tatiana souligne que le culte est récent. La plupart sont sans intérêt (d'autant que c'est l'icône générique de la jeune martyre dont on ne sait rien de particulier). La plus belle est clairement celle de Léonide Ouspensky, le grand restaurateur de l’iconographie traditionnelle, à… Paris (entre 1950 et sa mort en 1987).

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Commentaires

  • Merci pour cette notice passionnante. C'est toujours un vrai plaisir de lire vos commentaires érudits et vivants.

  • "Mais il faut attendre encore 1791 pour que le 12 janvier soit célébré. Cette année-là, Nicolas Ier signe l’ukase qui "
    Il n'y a pas de Nicolas 1er en 1791, mais c'est Catherine II qui règne.
    Nicolas Ier règne de 1825 à 1855.

  • En effet, il y a manifestement une erreur dans une de mes sources. Merci.

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