Portrait de saint Pierre Chrysologue dans l’édition de ses sermons par Dominique Mita, 1643, à Bologne. Manifestement réalisé d'après la mosaïque contemporaine du saint docteur de Ravenne.
Extrait du sermon 142.
Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il ? Mais voici que Marie interroge. Et si, en interrogeant, quelqu’un montre qu’il doute, pourquoi Zacharie a-t-il été le seul à avoir été puni pour son manque de foi ? Parce que le Connaisseur des cœurs ne s’attarde pas aux mots mais aux pensées. Il n’a pas jugé ce que Marie et Zacharie ont dit, mais leurs intentions. La cause des deux interrogations étant dissemblable, les interrogations différaient donc par l’espèce. Marie a cru contre la nature, Zacharie a douté à cause de la nature. Elle cherchait à connaître la totalité du projet de Dieu ; lui, prétendait que Dieu ne pouvait pas réaliser ce qu’il avait planifié. Il ne parvint pas à croire en dépit d’exemples historiques qui auraient dû le persuader ; mais la foi de Marie n’était soutenue par aucun exemple. Elle s’émerveille qu’une vierge puisse enfanter, mais lui refuse de croire qu’une femme mariée puisse concevoir. Elle a donc raison d’interroger, puisqu’elle reconnaît que Dieu est en son corps et qu’elle le confesse ; lui, se tait jusqu’à ce que son propre corps le convainque de la naissance de Jean qu’il récusait. Comment cela se fera-t-il ? Pourquoi ? Parce que je ne connais pas d’homme.
Parce que je ne connais point d’homme… Femme, quel homme cherches-tu ? Tu l’as perdu dans le paradis. Rends l’homme, femme ; rends le dépôt de Dieu. Rends de toi-même celui que tu as perdu par toi. Mets de côté l’ordre de la nature, et reconnais l’ordre du Créateur. Qu’Il fasse et assume de toi un homme, Celui qui t’as faite au début en te tirant de l’homme. Ne te mets pas à la recherche d’un homme ! Que cesse l’œuvre de l’homme, parce que les ressources divines suffisent pour la restauration du genre humain. La raison pour laquelle Dieu est venue vers toi, c’est parce que tu t’es repentie d’être allée vers l’homme. Que désormais la chair n’aille plus à la chair, mais l’Esprit saint surviendra en toi. Car ce qui naît de la chair est chair, et ce qui naît de l’Esprit est esprit. Celui donc qui naît de l’Esprit, sans controverse possible, est Dieu, puisque l’Esprit est Dieu.
L’Esprit-Saint viendra en toi et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre. La vertu de Dieu fait de l’ombre, pour qu’à force de porter Dieu, la fragilité humaine ne succombe pas. Et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre. La chaleur ardente de notre corps ne sait pas à quel point apporte de la protection l’ombre de la vertu divine. Celle qui se sait encerclée par le voile de la splendeur céleste ne recherche pas la partie la plus retirée d’une maison mondaine.
A cause de cela, le saint rejeton qui naîtra de toi sera appelé fils de Dieu. Que personne ne prenne ici le mot saint dans un sens banal, mais qu’il lui donne le sens unique et tout à fait spécial qui a été proclamé dans le ciel : Saint, Saint, Saint, le Seigneur des armées.
Après avoir entendu ces paroles de l’ange, Marie répondit : Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. Celle que l’ange appelle madame se reconnaît servante, et le confesse. Parce que, chez une âme généreuse, le déferlement des bienfaits ne fait qu’augmenter le sentiment d’indignité. Elle ne croît qu’en grâce, elle ne s’érige pas sur un piédestal, elle ne s’enfle pas d’orgueil. Qu’il me soit fait selon ta parole ! En croyant à la parole, elle a mérité de concevoir la Parole. Au commencement était la Parole, et la Parole était auprès de Dieu, et la Parole était Dieu.
Et elle est parvenue à l’accomplissement total de ce que à quoi elle avait cru après l’avoir entendu.