Fresque de Subiaco, XVe siècle. Sainte Scholastique paraît penser : Je l’ai bien eu, mon frère, le voilà obligé de violer sa propre règle…
En réalité je ne crois pas que sainte Scholastique ait arboré un sourire aussi chafouin… mais je n’y étais pas…
(Ceux qui ne connaîtraient pas cet épisode trouveront ci-après le texte de saint Grégoire.)
Sainte Scholastique, sœur du vénérable Père Benoît, se consacra au Seigneur dès sa plus tendre enfance. Elle avait coutume de venir visiter son frère une fois chaque année, et l’homme de Dieu descendait pour la recevoir dans une propriété qui dépendait du monastère, et en était peu éloignée. Un jour, Scholastique étant venue selon sa coutume, son vénérable frère descendit vers elle avec quelques disciples ; ils passèrent tout le jour dans les louanges de Dieu et de pieux entretiens, et lorsque les ténèbres de la nuit commencèrent à couvrir la terre, ils prirent leur repas. Ils étaient encore à table où ils avaient prolongé leurs saints colloques, et comme il se faisait tard, la vierge consacrée au Seigneur adressa cette demande à son frère : « Je te prie de ne pas m’abandonner cette nuit, afin que nous nous entretenions jusqu’au matin des joies de la vie céleste ». Le Saint lui répondit : « Que dis-tu, ma sœur ? Je ne puis en aucune façon demeurer hors du monastère ». Le ciel était alors si serein qu’aucun nuage n’apparaissait dans l’atmosphère. Quand la servante de Dieu entendit le refus de son frère, elle appuya sur la table ses mains jointes, et cacha son visage dans ses mains pour prier le Seigneur tout-puissant. Au moment où elle releva la tête, les éclairs brillèrent, le tonnerre éclata avec violence, la pluie tomba par torrents, au point que, ni le vénérable Benoît ni les frères qui étaient avec lui, ne purent mettre le pied hors du lieu où ils étaient.
La Sainte, penchant sa tête entre ses mains, avait versé sur la table un torrent de larmes qui avait fait succéder la pluie à la sérénité de l’air. L’orage suivit immédiatement sa prière, et la coïncidence de ces deux choses fut si parfaite, que le tonnerre se mit à gronder à l’instant même où Scholastique relevait la tête de dessus la table : en sorte qu’un même instant vit la Sainte faire ce mouvement, et la pluie tomber du ciel.
L’homme de Dieu, voyant que ces éclairs, ces coups de tonnerre, cette pluie diluvienne ne lui permettaient pas de rentrer au monastère, en fut contristé et commença à s’en plaindre, disant : « Que le Dieu tout-puissant te pardonne, ma sœur ; que viens-tu de faire ? » Elle lui répondit : « Je t’ai adressé une demande et tu n’as pas voulu m’écouter ; j’ai prié mon Dieu et il m’a exaucée. Sors maintenant, si tu peux, laisse-moi et retourne à ton monastère ». Mais le Saint était dans l’impossibilité de sortir de la maison, et lui, qui n’avait pas voulu y rester spontanément, demeura contre son gré. C’est ainsi qu’il advint que les deux Saints veillèrent la nuit entière, et, en de pieux entretiens sur la vie spirituelle, se rassasièrent à loisir par l’échange des sentiments qu’ils éprouvaient.
Le lendemain, la vénérable vierge retourna à son monastère et l’homme de Dieu reprit le chemin de son cloître. Trois jours après, étant dans sa cellule, et ayant levé les yeux au ciel, Benoît vit l’âme de sa sœur, sortie de son corps, pénétrer sous la forme d’une colombe les hauteurs mystérieuses des cieux. Ravi de joie à la vue de la grande gloire de cette âme, il rendit grâces au Dieu tout-puissant par des hymnes et des cantiques, et annonça aux frères la mort de Scholastique. Il les envoya aussitôt chercher le corps de la Sainte, afin qu’ils l’apportassent au monastère et qu’il fût déposé dans le tombeau qu’il s’était préparé pour lui-même. Il arriva ainsi qu’une même tombe réunit les corps de ceux dont les âmes avaient toujours été intimement unies en Dieu.
Commentaires
En ce temps d'épidémie, dans les moyens envisagés pour préserver la santé de l'humanité, il y a un Grand absent: Dieu. Absent dans le coeur de nos dirigeants, absent dans tellement d'âmes. Jusqu'où faudra t-il que ce Grand Délaissé laisse s'enfoncer l'homme, pour qu'enfin, il exprime le besoin de recourir au Seigneur. Dans ce contexte, le récit entre Benoît et sa soeur, nous fait du bien, il nous montre en toute simplicité, la relation d'intimité que Dieu nous propose, et la puissance de la prière, dans le coeur de ceux et celles qui lui sont sont intimement unis.
Vous avez raison. Il y a un grand absent, qui est Dieu, et une grande absente : l'épidémie. Il y a aussi la plus grande ruse du diable qui est de faire croire qu'il existe. Nous savons encore qu'il prend plaisir à être efféminé, puisqu'il tient à se faire appeler LA covid.
"Jésus, Fils de David, aie pitié de moi !" est une très bonne oraison jaculatoire contre le non-être qui tient à faire croire qu'ELLE existe.
Un cuistre vous dirait que vous êtes bien sévère avec ce grand fresquiste ombrien du Quattrocento que fut Subiaco, moins émouvant et moins sensuel, certes, que le hiératique Piero, mais le saint Père Benoît et sa jumelle sont charmants. D'ailleurs, sainte Scholastique mange des bananes, ce qui justifie que Subiaco lui ait donné la figure d'une guenon.
Je charrie un peu. Je sais que Subiaco n'est pas un peintre. Ceci est une fresque (Ecole ombrienne) de l'abbaye Sainte-Scholastique, à Subiaco.
Sainte Scholastique dit tout simplement : "merci, Seigneur, de m'avoir exaucée" qui qui est normal pour une dernière volonté avant de mourir.
Elle est tout de même un peu trop fardée...
L'épisode est également évoqué par Claudel dans son poème SAINTE SCOLASTIQUE, reproduit, et illustré par Mère Geneviève Gallois, o.s.b., dans le n° 318 d'Una Voce (septembre 2018)