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Saint Pierre d’Alcantara

De l’institution du Très-Saint Sacrement

Pour comprendre quelque chose de ce mystère, il faut présupposer qu'il n'y a point de langue sur la terre qui puisse exprimer la grandeur de l'amour que Jésus-Christ porte à l'Église, son épouse, et par conséquent à chacune des âmes qui sont en état de grâce, parce que chacune d'elles est aussi son épouse. Étant donc sur le point de quitter cette vie et de priver de sa présence l'Église, son épouse, ce très doux Époux, de crainte que cette séparation ne fût pour elle une cause d'oubli, lui laissa pour mémorial ce très saint Sacrement, dans lequel il restait lui-même, ne voulant pas qu'entre lui et elle, il y eût, pour le rendre sans cesse présent à son souvenir, d'autre gage d'amour que lui-même. Le céleste Époux voulait aussi, durant une si longue absence, laisser à son épouse une compagnie, afin qu'elle ne demeurât pas seule ; il lui laissa celle de ce sacrement où il réside lui-même, lui donnant ainsi la meilleure compagnie qu'il pût lui laisser.

Il voulait aussi, en ce moment, aller souffrir la mort pour son épouse, la racheter et l'enrichir du prix de son sang ; et afin qu'elle pût à son gré jouir de ce trésor, il lui en laissa les clefs dans ce sacrement ; « car, comme dit saint Chrysostome, toutes les fois que nous nous en approchons , nous devons penser que nous portons nos bouches au côté de Jésus-Christ, que nous nous abreuvons à la source de son précieux sang, et que nous nous rendons participants de ce divin trésor. » Ce céleste Époux désirait aussi d'être aimé d'un grand amour par son épouse ; et, dans ce dessein, il institua cette mystérieuse nourriture, consacrée par des paroles telles, que quiconque la reçoit dignement, est aussitôt touché et blessé de cet amour.

Il souhaitait, de plus, rassurer son épouse, et lui donner des gages de la possession éternelle de son royaume, afin que, par l'espérance de ce bonheur, elle traversât avec allégresse toutes les tribulations et toutes les souffrances de cette vie. Et, voulant que l'épouse vécût dans une espérance certaine de ces biens éternels, il lui en laissa pour gage sur la terre cet ineffable trésor, qui vaut autant que tout ce qu'elle espère dans le ciel, afin qu'elle ne doutât jamais que son Dieu ne lui donnât un jour, dans la gloire où elle vivra en esprit, ce même trésor dont il l'avait enrichie dans cette vallée de larmes, où elle vit dans l'infirmité de la chair.

Il voulait aussi, à l'heure de sa mort, faire un testament, et léguer à son épouse quelque don signalé qui fût sa consolation en cet exil ; et il lui laissa cet adorable sacrement comme le don le plus précieux et le plus avantageux dont il pût l'enrichir, puisque, avec ce don, il lui laissait son Dieu.

Enfin il voulait laisser à nos âmes un aliment pour les soutenir et les faire vivre, parce qu'elles n'ont pas moins besoin de nourriture pour vivre d'une vie spirituelle, que le corps pour vivre d'une vie corporelle. C'est pour ce sujet que ce sage médecin, qui connaissait bien notre faiblesse, institua ce sacrement sous forme de nourriture, afin que la forme même sous laquelle il l'instituait nous déclarât hautement l'effet qu'il opérait, et le besoin qu'en avaient nos âmes, qui ne peuvent pas plus vivre sans ce divin aliment, que le corps sans la nourriture qui lui est propre.

Traité de l’oraison et de la méditation, traduction Abbé Marcel Bouix, 1862.

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