Le tripatouillage de la liturgie par les novateurs accapare tellement l’attention sur ce qu’ils ont osé inventer en prétendant la « restaurer » qu’on ne voit pas, du moins dans un premier temps, ce qu’ils ont supprimé dans les textes. La collecte de la Pentecôte, dans le nouveau missel, contient cependant deux mots qui se rappellent à notre bon souvenir : « hodierna die ». Aujourd’hui. La collecte traditionnelle de l’Epiphanie dit : « hodierna die ». La collecte traditionnelle de Pâques dit : « hodierna die ». La collecte traditionnelle de l’Ascension dit : « hodierna die ». La collecte traditionnelle de la Pentecôte dit : « hodierna die ». Ces collectes parlent de ce qui se passe, non pas il y a 2000 ans, mais aujourd’hui. Ce jour même.
La collecte du nouveau missel attire l’attention aussi parce qu’elle ne nous dit pas ce qui se passe aujourd’hui, en ce jour de la Pentecôte où nous recevons le Saint-Esprit en compagnie des apôtres et de la Mère de Dieu, alors qu’elle a pourtant « hodierna die ». C’est qu’elle parle du mystère « de la fête d’aujourd’hui ». Le sens n’est pas du tout le même. La fête d’aujourd’hui, c’est la fête de la Pentecôte. Mais quand la collecte traditionnelle dit « aujourd’hui », c’est pour souligner que, aujourd’hui, en ce jour du 31 mai 2020, Dieu « enseigne nos cœurs par l’illumination du Saint-Esprit ».
C’est pourquoi aux grandes fêtes qui sont la célébration des principaux mystères, l’Eglise dit « hodierna die ». La nuit de Noël, c’est même très précisément « cette nuit très sainte ». Ce qui renvoie à l’autre nuit, celle de la Vigile pascale, cette « bienheureuse nuit », « vere beata nox », si longuement chantée à l’Exultet. La liturgie ne rappelle pas seulement des mystères, elle ne chante pas seulement les mystères, elle les fait vivre, elle en est l’actualisation, de même que le saint sacrifice est l’actualisation du mystère de la Croix.
Et voilà ce que les novateurs ont supprimé de la liturgie, parce qu’ils ne le comprenaient plus. Ou, pire, parce qu’ils pensaient que les fidèles d’aujourd’hui ne pouvaient plus le comprendre…
(Très curieusement, la traduction française officielle de cette oraison commence par « Aujourd’hui (…) tu sanctifies… ». Est-ce qu’on a voulu « corriger » le texte latin ?)
La collecte du nouveau missel est une ancienne oraison qui, par on ne sait quel miracle, n’a pas été torturée, mais… elle n’a jamais été assignée au jour de la Pentecôte. C’est pourquoi son « hodierna die » se rapporte à la fête, et non directement au mystère : dans les anciens sacramentaires, elle est assignée à la vigile ou à une messe de l’octave. A la vigile, on anticipe la fête, et les jours de l’octave, on poursuit la fête. On peut continuer de chanter « hodierna die » les jours de l’octave qui sont la continuation du jour de la fête, mais l’oraison qui parle du jour de la fête est insuffisante pour le jour même.
Certes, alors qu’on prétendait enrichir la liturgie, on ne pouvait pas assigner cette oraison à un jour de l’octave, pour la bonne raison qu’on a supprimé l’octave (et donc les oraisons et antiennes propres de l’octave). C’est une des décisions les plus effarantes des fabricants de la néo-liturgie. Le lundi de Pentecôte, les byzantins célèbrent le Saint-Esprit, puis ils poursuivent toute la semaine dans la lumière du mystère. Dans la néo-liturgie, le lendemain de la Pentecôte est un jour ordinaire. Quand on n’est pas au courant et qu’on croit aller à une messe qui va continuer de célébrer la Pentecôte, c’est un énorme choc : je l’ai vécu personnellement quand je suis revenu à la foi.
Il paraît que ce fut un choc aussi pour… Paul VI, à en croire le cardinal Jacques Martin, qui raconta plusieurs fois l’anecdote. Le lendemain de la Pentecôte de 1970, Mgr Martin, alors préfet de la Maison pontificale, avait préparé comme chaque matin les ornements pour la messe du pape. Lorsque Paul VI vit les ornements verts il lui dit : « Mais ce sont des ornements rouges, aujourd’hui, c’est le lundi de Pentecôte, c’est l’octave de la Pentecôte ! ». Mgr Martin lui répondit : « Mais, Très Saint Père, il n’y a plus d’octave de la Pentecôte ! » Paul VI : « Comment, il n’y a plus d’octave de la Pentecôte ? Et qui a décidé cela ? » Mgr Martin : « C’est vous, Très Saint Père, qui avez signé sa suppression. »
Naturellement, quand le gouvernement a décidé que l’on devait travailler le « lundi de Pentecôte », les évêques n’ont rien pu dire : depuis 1970 il n’y avait plus de « lundi de Pentecôte ». L’expression était devenue une exclusivité syndicale de défense d’un jour férié.
Telle était la situation jusqu’à 2018. Car François a inventé pour le lendemain de la Pentecôte une fête de la Sainte Vierge Mère de l’Eglise. Histoire d’enfoncer le clou, surtout au moment où se répand la messe traditionnelle : on ne reviendra pas sur la suppression de l’octave de la Pentecôte…
*
Ils ont du reste supprimé… tout le temps après la Pentecôte. Dans le nouveau calendrier, tout ce qui n’a pas été retenu comme jour de fête ou période particulière (Avent, Noël, Carême, temps pascal) est « temps ordinaire », ce qui commence donc avant la mi-janvier, jusqu’au carême, et reprend après la Pentecôte. La dynamique de l’année liturgique est cassée. Il n’y a plus cette suite numérotée des dimanches après l’Epiphanie, et surtout des dimanches après la Pentecôte qui peu à peu nous amène à la fin du monde, soulignant que l’année liturgique est un cycle complet qui figure toute l’histoire du salut, toute l’histoire de l’humanité. Chez les byzantins aussi, il y a les « semaines après la Pentecôte », chacune avec son numéro, et le cycle se double de « semaines après la Croix », pour les évangiles, à partir de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix. Au VIIe siècle, à Rome, il y avait d’abord les dimanches avant et après la fête des apôtres (29 juin), numérotés, série interrompue par des dimanches avant et après la grande fête de saint Laurent. En certains lieux, notamment en Allemagne, on comptait les dimanches « après la Trinité ». Mais l’idée était toujours que l’année liturgique était une marche, qu’elle allait toujours de l’avant, ce qui n’existe plus dans le nouveau calendrier.
J’arrête ici mes aperçus sur la réforme liturgique. Il serait fastidieux de commenter des « dimanches ordinaires » déconnectés du grand cortège de la liturgie traditionnelle. Les « principes » donnés dès le début ont été appliqués partout. Aussi sur ce dont je n’ai pas parlé, bien sûr. Par exemple les préfaces. La néo-liturgie a multiplié les préfaces. En soit cela paraît une bonne initiative, car saint Pie V avait été très chiche… Mais les nouvelles préfaces, soi-disant prises dans d’anciens sacramentaires (et dans les livres gallicans du XVIIIe siècle, qui préfiguraient la réforme du XXe) au motif que c’était dommage de ne pas profiter de tant de merveilles, sont des fabrications modernes à partir de ces anciens textes. Et l’ineffable dom Antoine Dumas, toujours lui, expliquait que, puisque ces textes d’une « vénérable tradition » devaient être « traduits dans les langues modernes et adaptés à la mentalité moderne », très peu d’entre eux pouvaient être retenus tels quels : ils nécessitaient « de nombreuses coupures, et un patient travail de centonisation ». Car, « reproduits dans leur forme originelle, ils auraient été insupportables, sinon fautifs ». Sic.
Telle est l’impiété générale qui a régné sur la fabrication de la néo-liturgie, et c’est peut-être ce qu’il faut retenir d’abord : la « restauration » de la liturgie par le retour aux sources était un prétexte à l’élaboration d’une liturgie « adaptée à la mentalité moderne ». Donc le contraire d’une liturgie.
Il faut donc y regarder à deux fois avant d’utiliser les préfaces dont Rome vient de permettre l’utilisation dans la forme extraordinaire…
Commentaires
Merci cher Yves pour ce patient travail.
Une petite recherche sur internet permet de voir qu'au dimanche de Pentecôte les Luthériens disent "en ce jour" et qu'ils ont conservé un lundi Pentecôte où ils disent "en cette fête" ...
https://www.eglise-protestante-unie.fr/prod/file/epudf/upload/nation/Actu%202018/LITURGIE%20LUTHERIENNE%20CPLR-EPCAAL%20(Septembre%202018).pdf
Vous dites que la néo-liturgie ne parle plus des mystères comme étant actuels, vu la suppression systématique des mots qui exprimaient précisément cette idée. La démonstration est convaincante, en ce sens que "res ipsa loquitur". Ce que je trouve étrange quand même, c'est que j'ai entendu précisément prêcher cette idée-là dans les années 70, par un jeune prêtre pas du tout traditionnaliste qui disait la nouvelle messe et ne se voulait en rien étranger au catholicisme conciliaire. Mais je comprends que les réformateurs ont souvent fait le contraire de ce qu'ils disaient, comme vous l'avez souligné plusieurs fois : inventer au lieu de restaurer, etc.
Demain, le 01 juin , selon le calendrier romain général:
1 Lundi M Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l’Église
remarquable analyse. merci.
Montini a supprimé l'octave de la Pentecôte et il ne le savait pas ? Savait-il qu'il avait aussi promulgué les fausses doctrines de V2 et supprimé la messe traditionnelle ?
Cette secte n'est définitivement pas l'Église catholique et ses chefs ne sont définitivement pas papes. On m'a trompé pendant longtemps mais maintenant, j'ai compris !
C'est une grande grâce, cher Simon, que d'avoir compris cela.
Que Dieu vous garde.
J'ai beau chercher, retourner mon missel dans tous les sens Personnellement Je n'ai remarqué aucun changement dans les textes immuables de la sainte Messe de Pentecote.
Peut-être vous-etes vous trompé de religion, en confondant avec un livre protestant ou pire satanique .........