La Cour constitutionnelle allemande a décidé le 5 mai que la Banque centrale allemande doit suspendre la mise en œuvre du programme d’achat d’obligations de la Banque centrale européenne, à moins que celle-ci ne prouve, dans les trois mois, la proportionnalité de ses mesures de relance monétaire.
La question est technique, mais sa répercussion est politique. Car cet arrêt de la Cour constitutionnelle allemande contredit frontalement et ouvertement un jugement de la Cour de Justice de l’UE : celle-ci, en décembre 2018, avait décidé que la BCE, dans cette affaire, avait agi dans le cadre de ses compétences.
Or l’un des principes intouchables de l’UE, et le plus inacceptable, est que le droit de l’UE prime toujours et en toutes choses le droit national (y compris constitutionnel).
On supposait donc que la Cour de Justice de l’UE allait réagir. Elle vient de le faire. En disant bien sûr, d’abord, qu’elle ne commente jamais un arrêt d’une juridiction nationale. Mais, comme elle a reçu de nombreuses questions, elle rappelle, « d’une manière générale », que tout arrêt qu’elle rend « lie le juge national » et que « seule la Cour de justice est compétente pour constater qu’un acte d’une institution de l’Union est contraire au droit de l’Union ».
Un eurodéputé européiste, Luis Garicano, dit à Euractiv que la décision de la cour allemande « affaiblit fatalement » deux institutions européennes de première importance : « la BCE et la CJUE établie à Luxembourg », et il ajoute : « L’avenir de l’Europe est en jeu, et l’Allemagne ne sait pas vraiment si elle s’en soucie suffisamment. C’est assez simple : l’UE ne survivra pas si l’Allemagne ne le veut pas. »
L’européiste agite seulement un épouvantail. Mais ce n’est pas la première fois que la Cour constitutionnelle allemande s’oppose à un arrêt de la CJUE. Cette guérilla feutrée pourrait conduire un jour à une remise en cause du dogme le plus intolérable de l’UE.
Addendum
La Commission européenne a annoncé dimanche (sic) qu'elle pourrait ouvrir une procédure judiciaire contre l'Allemagne.
Commentaires
Zemmour tient peu ou prou le même propos que vous dans son émission sur C-news (tenu mercredi ou jeudi), mais il précise bien que l'Allemagne n'a pas intérêt (économiquement) à aller au bout de cette logique souveraine.