La collecte du dimanche in albis en l’octave de Pâques (devenu deuxième dimanche de Pâques) a été renvoyée, dans la néo-« liturgie », au samedi avant la Pentecôte (car il n’y a plus de vigile de la Pentecôte).
Elle a été remplacée par une oraison dont on voit au premier coup d’œil qu’elle n’est pas romaine, et qu’une fois de plus l’équipe de spécialistes qui prétendait « restaurer » la « liturgie romaine » mentait à qui voulait les entendre.
Voici cette oraison :
Deus misericordiae sempiternae, qui in ipso paschalis festi recursu fidem sacratae tibi plebis accendis, auge gratiam quam dedisti, ut digna omnes intellegentia comprehendant, quo lavacro abluti, quo Spiritu regenerati, quo sanguine sunt redempti.
Dieu d’éternelle miséricorde, qui par le retour de ces fêtes pascales elles-mêmes enflammes la foi de ton peuple consacré, augmente la grâce que tu as donnée pour que tous par une intelligence juste comprennent par quel baptême ils ont été purifiés, par quel Esprit ils ont été régénérés et par quel sang ils ont été rachetés.
C’est une belle prière mais ce n’est ni le style ni la simplicité des antiques oraisons romaines. En fait elle vient du Missale Gothicum, un livre qui témoigne de la liturgie gallicane au VIIIe siècle, proche par bien des côtés de la liturgie wisigothique d’Espagne (mozarabe), comme en témoigne le fait qu’elle fait partie des oraisons dites « post nomina », qu’on chantait à l’offertoire après lecture des diptyques (« après les noms » de ceux qui offrent le Sacrifice et pour qui on l’offre). Elle a été reprise comme secrète (donc également à l’offertoire) dans des missels français des XVIIe et XVIIIe siècles.
Voici la vraie collecte de ce dimanche, telle qu’elle a toujours figuré dans les missels et les sacramentaires romains jusqu’à l’avènement des « restaurateurs » :
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui paschália festa perégimus, hæc, te largiénte, móribus et vita teneámus. Per Dóminum.
Nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, de faire qu’après avoir achevé la célébration des fêtes pascales, nous retenions, au moyen de votre grâce, l’esprit de ces fêtes dans nos habitudes et dans notre vie.
Bref, que nous vivions comme des ressuscités, après avoir expié nos péchés pendant le carême. C’est simple, mais centré sur l’essentiel. Et il reste à le réaliser…
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La nouvelle collecte pour le « troisième dimanche de Pâques » (le deuxième dimanche après Pâques) commence par le début d’une bénédiction trouvée dans le sacramentaire gélasien, et se poursuit par la fin d’une prière pour les morts trouvée dans le sacramentaire léonin.
La prière du Gélasien :
Populus tuus, quaesumus, Domine, renovata semper exsultet animae j uventute, ut qui ante peccatorum veternoso in mortem venerat senio, nunc laetetur in pristinam se gloriam restitutum.
Que ton peuple, nous te le demandons, Seigneur, exulte toujours dans la jeunesse renouvelée de son âme, afin que, lui qui était arrivé à la mort dans sa décrépitude léthargique, se réjouisse maintenant qu’il est rétabli dans sa gloire première.
L’oraison du sacramentaire de Vérone, qui est manifestement une secrète et non une collecte :
His, quaesumus, domine, sacrificiis, quibus purgationem et viventibus tribuis et defunctis, animam famuli tui benignus absolve ; ut resurrectionis diem spe certae gratulationis exspectet
Par ce sacrifice, par lequel tu accordes la purification aux vivants comme aux morts, absous l’âme de ton serviteur, afin qu’il attende le jour de la résurrection dans l’espérance d’une joie certaine.
Voici la collecte fabriquée pour le « troisième dimanche de Pâques » :
Semper exsultet populus tuus, Deus, renovata animae iuventute, ut, qui nunc laetatur in adoptionis se gloriam restitutum, resurrectionis diem spe certae gratulationis exspectet.
Que ton peuple exulte toujours, ô Dieu, puisque la jeunesse de son âme a été renouvelée ; de telle sorte que se réjouissant maintenant dʼavoir été rétabli dans la gloire de lʼadoption, il attende le jour de la résurrection avec lʼespérance dʼune joie sûre.
On voit que l’on a pris çà et là des expressions du sacramentaire de Vérone, qu’on a modifié l’ordre, qu’on a soigneusement supprimé ce qui regarde le péché et la mort, et qu’on a ajouté en plein milieu de ce mic-mac « in adoptionis ». Et l’on a ajouté la fin de la secrète d’une messe des morts, en ne gardant que l’espérance de la résurrection. Cette dernière expression, typique des messes des morts, n’étant pas adaptée au temps pascal, où nous ne sommes pas des morts en attente de la résurrection, mais des ressuscités en puissance, avec le Christ.
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Le troisième dimanche après Pâques est devenu le « quatrième dimanche de Pâques ». La nouvelle collecte dit ceci :
Omnipotens sempiterne Deus, deduc nos ad societatem caelestium gaudiorum, ut eo perveniat humilitas gregis, quo processit fortitudo pastoris.
Dieu tout-puissant et éternel, conduis-nous à la communion des joies célestes, afin que l’humilité du troupeau parvienne où la force du pasteur s’est avancée.
La source est une oraison du sacramentaire gélasien, mais terriblement torturée :
Omnipotens sempiterne Deus, deduc nos ad societatem caelestium gaudiorum, ut, spiritu sancto renatos, regnum tuum facias introire atque eo perveniat humilitas gregis quo praecessit celsitudo pastoris.
Dieu tout-puissant et éternel, conduis-nous à la communion des joies célestes, afin que, nés de nouveau par le Saint-Esprit, tu nous fasses entrer dans ton royaume, et que parvienne l’abaissement du troupeau là où l’a devancée l’élévation du pasteur.
On a supprimé « de Spiritu Sancto renatos », alors qu’on se plaignait que la liturgie traditionnelle ne soit pas assez baptismale… Mais surtout on a détruit le parallélisme humilitas-celsitudo, perveniat-praecessit, qui donnait toute sa valeur à cette oraison, et permettait de définir le sens ici du mot humilitas : il ne s’agit pas d’abord de la vertu d’humilité, mais du fait que le troupeau est en bas, dans sa condition mortelle et pécheresse, alors que le pasteur est en haut, dans le ciel. Cette belle image qui montre le bon pasteur déjà dans le royaume attendant qu’y montent ses brebis a été purement et simplement supprimée. Et pour en être certain, on a remplacé « celsitudo » par « fortitudo »…
Mais comment peut-on prétendre avoir ainsi « restauré » la collecte ?
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La nouvelle postcommunion de ce même dimanche donne un autre exemple des manipulations destructrices des « restaurateurs » :
Gregem tuum, pastor bone, placatus intende, et oves quas praetioso filii tui sanguine redemisti, in aeternis pascuis collocare digneris.
Regarde ton peuple favorablement, bon pasteur, et les brebis que tu as rachetées par le sang précieux de ton Fils, daigne les rassembler dans les pâturages éternels.
L’origine de cette oraison est une oraison gélasienne du… carême (super populum) :
Gregem tuum, Domine Pastor bone, placatus intende, et oves quas praetioso sanguine redemisti, diabolica non sinas incursione lacerari.
Dom Antoine Dumas commente :
« Souvent (sic), le sens de la phrase été retourné, passant du négatif à un positif plus dynamique. Ainsi, dans la prière après la communion du 4e dimanche de Pâques, le texte (Gélasien 272) relatif au bon Pasteur ne se lit plus : diabolica non sinas incursione lacerari, mais : in aeternis pascuis collocare digneris. D’une manière analogue : nostrae fragilitatis subsidium (prière sur les offrandes de 10e dimanche per annum, venue du 11e après la Pentecôte) devient : nostrae caritatis augmentum. »
Donc, puisqu’il faut positiver, on a supprimé la mention des incursions du diable qui nous déchire : il n’y a plus de combat contre le diable (le diable, c’est trop négatif…) et on l’a remplacé par la vision de la verdoyante prairie éternelle… De même, la secrète du 10e dimanche ordinaire a remplacé l’aide dont a besoin notre fragilité par l’augmentation de notre charité (car notre fragilité, c’est trop négatif, et qu’on ait besoin d’aide ce l’est encore plus – et revoilà la pélagianisme congénital de la néo-« liturgie ».)
On ajoutera que l’expression « aeternis pascuis » a été prise dans l’homélie de saint Grégoire le Grand sur le bon Pasteur. Mais quand c’est le fait des experts, ce n’est pas une « déformation grégorienne »…
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Pour la collecte du « quatrième dimanche de Pâques », on a pris une expression d’une préface (Berg 577) et trois expressions d’une secrète (Berg 571) d’un sacramentaire ambrosien, et on a ajouté au milieu une expression inventée. Voici le résultat (en gras le 571, en italiques le 577, en normal ce qui a été ajouté :
Omnipotens sempiterne Deus, semper in nobis paschale perfice sacramentum, ut, quos sacro baptismate dignatus es renovare, sub tuae protectionis auxilio multos fructus afferant, et ad aeternae vitae gaudia pervenire concedas.
Dieu éternel et tout-puissant, parfais toujours en nous le mystère pascal, afin que, ceux que tu as daigné rénover par le saint baptême, portent de nombreux fruits sous l’aide de ta protection, et que tu leur permettes de parvenir aux joies de la vie éternelle.
En dehors de l’étrange expression (totalement inusitée) « sous l’aide de ta protection », on remarque surtout une rupture de construction qui disqualifie les fabricants : la deuxième partie de l’oraison ne peut que dépendre entièrement de ut : afin que ; et si deux propositions en dépendent, les verbes ne peuvent avoir que le même sujet. Or ici on a « afin qu’ils portent du fruit », et « afin que tu leur permettes ». Il y avait pourtant, souligne Lauren Pristas, une façon simple d’éviter cette erreur : « ut sub tuae protectionis auxilio multos fructus afferre, et ad aeternae vitae gaudia pervenire concedas » : afin que tu leur permettes de porter du fruit et de parvenir aux joies de la vie éternelle.
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La collecte de leur « sixième dimanche de Pâques » dit ceci :
Fac nos, omnipotens Deus, hos laetitiae dies, quos in honorem Domini resurgentis exsequimur, affectu sedulo celebrare, ut quod recordatione percurrimus semper in opere teneamus.
Fais, Seigneur tout-puissant, que nous célébrions avec un sentiment empressé ces jours de joie que nous accomplissons en l’honneur du Seigneur ressuscitant, afin que nous tenions toujours dans les œuvres ce que nous avons parcouru par le souvenir.
C’est encore un exemple de « restauration » à la Frankenstein. Car pour élaborer ce texte, on a pris au Véronèse une préface des quatre temps de Pentecôte (qui souligne la nécessité du jeûne) et une postcommunion pour la fête de saint Jean l’évangéliste, et au Gélasien la collecte d’une messe de « Pascha annotinum » (le jour anniversaire de la Pâque précédente, où les baptisés fêtaient leur première année). Une fois encore, on a détruit trois vénérables prières pour en fabriquer une autre avec des expressions sorties de leur contexte. De la collecte de saint Jean on a seulement pris l’expression « sedulo celebramus affectu », trois mots dont on a réussi à changer l’ordre ! sans aucune considération du fait qu’ils faisaient partie d’un parallélisme rythmé et assonancé : « praesta, quaesumus ut quae sedulo celebramus affectu, grato tibi percipiamus obsequio ». (Accorde nous, nous te le demandons, que ce que nous célébrons avec un sentiment empressé, nous le recevions avec une déférence qui t’agrée.)
N.B. - Ce texte, comme tous ceux qui évoquent les oraisons, doit beaucoup au livre et aux articles de Lauren Pristas sur les collectes « des missels romains ».
Commentaires
Merci cher Monsieur
Votre travail est un peu désespérant mais néanmoins très utile.
restauration à la Frankenstein.... l'expression est belle... et effectivement désespérante !
J ajouterais que ces réformateurs étaient des enragés du Karcher...
Quel rejet de la Tradition ! Quelle haine ou quel mépris devait les habiter ?