Dans son livre sans équivalent « The collects of the Roman Missals » (muni du Nihil obstat et de l’Imprimatur), Lauren Pristas, professeur émérite de théologie à l’Université Caldwell (New-Jersey), analyse de façon très précise les différences entre les collectes des dimanches de l’Avent dans le missel traditionnel et dans le néo-missel. Voici l’essentiel de sa conclusion.
La théologie de la grâce à l'œuvre dans l'ensemble des collectes des dimanches de l'Avent de 1962 est plus manifeste, peut-être, dans la collecte du deuxième dimanche. Nous demandons à Dieu de réveiller nos cœurs pour préparer la voie pour son Fils, ce qui implique que si nous ne nous réveillons pas, nous ne pourrons pas nous préparer pour le Fils. Mais si nous ne préparons pas la voie du Fils, notre esprit ne sera pas purifié par sa venue ; et s’il n’est pas purifié par lui, nous ne pourrons pas servir Dieu. Tout ce qui concerne le salut vient de Dieu, nous attrape et nous transforme, puis nous ramène à lui avec notre propre volonté humaine pleinement engagée. Le tableau dépeint par les verbes dans les collectes de 1970 est assez différent. Ce n’est pas simplement que les impératifs sont beaucoup moins nombreux (trois) et plus faibles (accorde et verse); mais que les sujets humains, quelle que soit leur désignation (les fidèles, nous, ton peuple), sont beaucoup plus actifs ; en effet, ils sont le sujet de cinq infinitifs actifs. (…) De plus, les verbes de mouvement des deux ensembles décrivent des mouvements exactement opposés: dans les collectes de 1962, le Christ vient à notre rencontre; dans celles de 1970, nous allons à la rencontre du Christ, nous arrivons, nous sommes amenés à, etc.
Une deuxième différence est que les collectes de 1970 ne nomment aucun obstacle accablant. Contrairement aux collectes de 1962 dans lesquelles nous demandons à Dieu de réveiller nos cœurs afin de nous préparer à l’avènement de son Fils, dans les collectes de 1970, nous sommes deux fois décrits comme étant déjà pressés de le rencontrer et une fois comme attendant fidèlement la fête de sa naissance. La seule suggestion faite dans les collectes de 1970 que certaines choses pourraient nous amener à trébucher est la demande que Dieu ne laisse aucune œuvre terrestre nous entraver lorsque nous nous empressons - où les œuvres peuvent être comprises comme étant les nôtres ou celles des autres. En d'autres termes, la collecte n'insiste pas sur l'existence d'obstacles intérieurs. En fait, les prières de 1970 ne contiennent aucune référence au péché ni à ses dangers; aux ténèbres ou à l'impureté de l'esprit; à la faiblesse humaine ou au besoin de miséricorde, de pardon, de protection, de délivrance, de purification. En outre, l’idée que nous devons subir une transformation pour entrer au ciel n’est évoquée que par le mot eruditio, instruction ou formation, dans la collecte du deuxième dimanche.
Une troisième différence est que ceux qui prient les collectes de 1970 ne cherchent pas l’assistance divine pour survivre aux périls ou pour commencer à faire du bien. En effet, ils n'expriment aucun besoin de telles aides. Ils demandent plutôt à entrer au paradis à la fin. En revanche, ceux qui prient les collectes de 1962 ne cherchent pas explicitement le ciel, mais exigent - les verbes à l’impératif - une aide quotidienne immédiate et personnelle sur le chemin.
Par ces trois différences, nous arrivons à un constat très délicat. En termes simples, la foi catholique considère que toute bonne action qui nous fait progresser vers le salut dépend de la grâce divine. Cette doctrine est formellement définie et elle ne peut être modifiée de façon à en inverser la portée. Chaque nuance des collectes de l'Avent de 1962 exprime sans ambiguïté cette doctrine catholique de la grâce, à la manière assez subtile et non didactique propre aux oraisons. Bien que les collectes de l'Avent de 1970 ne contredisent pas explicitement l'enseignement catholique sur la grâce, elles ne l’expriment pas et, plus inquiétant, elles ne semblent pas l'assumer. La question délicate est de savoir comment résumer cela équitablement, car, vu que les collectes de l’Avent de 1970 ne peuvent pas être légitimement comprises ou interprétées d’une manière incompatible avec la vérité catholique, il faut néanmoins reconnaître qu’elles sont susceptibles d’être mal comprises par ceux qui ne sont pas suffisamment instruits de la vérité catholique.
Lauren Pristas, Les oraisons des missels romains, pp. 57-59
Commentaires
Gd Merci Daoudal ! Je n'ai pas encore tout lu. "Conciliaire "peu formé, je sens que je vais en apprendre bcp !
Vive le Christ-Roi et vive Benoit XVI !
Encore merci
C edt passionnant et effrayant a la fois
Observation d un béotien : ces nouveaux textes ne sont ils pas teintés d un esprit pelagien? Ne sommes nous pas très loin de Luther Calvin et François ?
La dernière phrase de cette -remarquable- conclusion de Lauren Pristas s'applique exactement à AL et autres "produits" venant de François...
C'est terrifiant de voir tout ce travail de termites et l'émergence de son aboutissement.
Merci pour votre excellent travail !
Le livre de Lauren Pristras est -il disponible en français ?
Eh non, sinon j'aurais donné la référence en français.
Mais on le trouve pas cher en format Kindle.
Le concile a causé ce changement de vue ?