Sainte Claire par Simone Martini, basilique d'Assise, vers 1325.
Extrait de sa quatrième lettre à Agnès de Prague :
Heureuse celle à qui est accordée cette intimité du banquet divin ! Heureuse si elle aime de tout son cœur Celui dont la beauté fait l’admiration des anges pour l’éternité, Celui dont l’amour rend plus heureux et la contemplation plus fort, Celui qui nous comble de sa bonté, qui nous imprègne de sa douceur, et dont le souvenir est si lumineux et si doux à notre âme, Celui dont le parfum fait revivre les morts et dont la vision comble de bonheur les habitants de la Jérusalem céleste, puisqu’il est la splendeur de la Gloire éternelle, l’éclat de la Lumière sans fin et le miroir sans tache .
Contemple chaque jour ce miroir, O reine épouse de Jésus-Christ, et mire-toi continuellement pour savoir comment revêtir, intérieurement et extérieurement, tes plus beaux atours, comment te parer des fleurs de toutes les vertus et des ornements qui conviennent à ta qualité de fille et d’épouse chérie du Grand Roi. Ce miroir reflète la bienheureuse pauvreté, la sainte humilité et l’ineffable amour : c’est là ce que tu pourras découvrir, avec la grâce de Dieu, sur toute la surface de ce miroir.
En haut du miroir, en effet, voici la pauvreté de l’Enfant couché dans la crèche et enveloppé de quelques méchants langes, humilité admirable et stupéfiante pauvreté : le Roi des anges, maître du ciel et de la terre, repose dans une mangeoire d’animaux ! –Au milieu du miroir, considère l’humilité, c’est-à-dire la bienheureuse pauvreté, les fatigues sans nombre et les injures qu’il a subies pour la rédemption de l’humanité. – Enfin, au bas du miroir, contemple l’ineffable amour qui l’a conduit jusqu’à vouloir souffrir sur le bois de la croix et à vouloir y mourir du genre de mort le plus infamant qui soit.
Et ce miroir, du haut de la croix, attirait lui-même l’attention des passants sur ce qui devait faire l’objet de leur contemplation : O vous tous qui passez sur le chemin, arrêtez-vous et voyez s’il est une douleur semblable à la mienne (1) ! A ce cri plaintif répondons toujours d’une seule voix et d’un même cœur: ton souvenir ne me quitte pas, et l’angoisse étreint mon âme. Puisses-tu, reine du Roi du ciel, être chaque jour davantage embrasée de la ferveur de cet amour !
Contemple encore l’indicible bonheur, les richesses et les honneurs sans fin qu’il procure, et tu lui crieras, de toute l’ardeur de ton désir et de ton amour : « Prends-moi avec toi, mon époux céleste, je te poursuis sur la trace de tes parfums. Je ne m’arrêterai de courir qu’une fois introduite au cellier, lorsque ton bras gauche soutiendra ma tête, que ta droite m’étreindra et que tu me donneras de ta bouche le délicieux baiser. » (2)
(1) Lamentations de Jérémie 1,12, répons du Vendredi Saint.
(2) Cantique des cantiques 1,3 ; 2,6 ; 1,1.