En partant de deux constats véridiques, on peut aboutir à une conclusion erronée. J’en ai déjà fait plusieurs fois l’expérience, et je ne suis sans doute pas le seul…
Voici un exemple.
Premier constat : la fête de la Sainte Trinité a été inscrite au calendrier romain (en… Avignon) en 1334.
Deuxième constat : les chants de cette messe (en dehors de l’alléluia qui est repris de la veille, et du graduel) sont des adaptations, en plusieurs points mauvaises, de chants existants, au point que des phrases musicales sont charcutées selon le nouveau texte sans tenir compte du mouvement et des cadences, ni de l’expression propre des mélodies.
Conclusion : ces chants ont été fabriqués au plus tôt lors de l’inscription de la fête au calendrier officiel de l’Eglise de Rome, et sans doute plus tard, parce que au XIVe siècle on connaissait encore un peu le chant sacré.
Mais, reprenant le livre de dom Baron, je vois une note que j’avais oubliée, disant que l’on trouve les textes de cette messe déjà comme étant célébrée au premier dimanche après la Pentecôte dans un livre daté entre 877 et 882, et « c’est sans doute à la même époque que remonte la centonisation grégorienne de cette messe ».
Et en faisant une petite recherche sur internet, je suis tombé sur le « missel de Worms », que Mabillon datait du IXe siècle ou du début du Xe, et qu’on date aujourd’hui de la deuxième moitié du Xe. Or le missel de Worms, ou plus exactement ce qui nous en reste, commence précisément par la messe de la fête de la Sainte Trinité. Ce qui souligne qu’en effet la centonisation est très ancienne, et n’est pas un bricolage de la Renaissance.
La conséquence me paraît être que, si on n’était pas capable de respecter les phrases de plain chant au Xe, voire au IXe siècle, c’est que la quasi totalité des pièces de plain chant ont été composées longtemps avant et sont donc très très anciennes.
A moins que je ne tire une conclusion erronée de ces constats…
Ou que j’enfonce une porte ouverte…
• L'introït.
Commentaires
Je salue votre humilité cher Yves même si je reste admiratif devant votre science et votre volonté de la partager, pour le plus grand bonheur des ignorants comme moi !
Accessoirement, malgré les imperfections. Que vous indiquez, je reste encore plus admiratif de la forme extraordinaire du rite romain.
N'oublions pas que le chant grégorien a été composé majoritairement de texte en usage dans l'église de Rome sur des mélodies franques.
D'autre part, la ré-utilisation de mélodies, sans être fréquentes, n'est pas exceptionnelle (songeons au Gaudeamus repris en toute occasion, notamment à la Toussaint où seuls quelques mots diffèrent d'une fête à l'autre, ou encore Salve Sancta Parens du 1er Jabnvier et Ecce Advénit de l'Epiphanie qui ont la même mélodie, sans compter les traits de la Vigile Pascale)
C'est exemple et votre article montrent bien que c'est le texte qui prime sur la mélodie en grégorien, à l'opposer de la musique "moderne".