Extrait du « Mandement de Monseigneur l’évêque de Tarbes portant jugement sur l’Apparition qui a eu lieu à la Grotte de Lourdes », Bernard-Sévère Laurence, 18 février 1862.
Le témoignage de la jeune fille présente toutes les garanties que nous pouvons désirer. Et d’abord, sa sincérité ne saurait être mise en doute. Qui n’admire, en l’approchant, la simplicité, la candeur, la modestie de cette enfant ? Pendant que tout le monde s’entretient des merveilles qui lui ont été révélées, seule, elle garde le silence ; elle ne parle que quand on l’interroge ; alors elle raconte tout sans affectation, avec une ingénuité touchante ; et, aux nombreuses questions qu’on lui adresse, elle fait, sans hésiter, des réponses nettes, précises, pleines d’à-propos, empreintes d’une forte conviction. Soumise à de rudes épreuves, elle n’a jamais été ébranlée par les menaces ; aux offres les plus généreuses, elle a répondu par un noble désintéressement. Toujours d’accord avec elle-même, elle a, dans les différents interrogatoires qu’on lui a fait subir, constamment maintenu ce qu’elle avait déjà dit, sans y rien ajouter, sans en rien retrancher. Ajoutons qu’elle est incontestée. Ses contradicteurs, quand elle en a eu, lui ont eux-mêmes rendu cet hommage.
Mais, si Bernadette n’a pas voulu tromper, ne s’est-elle pas trompée elle-même ? N’a-t-elle pas été victime d’une hallucination ? – Comment pourrions-nous le croire ? La sagesse de ses réponses révèle dans cette enfant un esprit droit, une imagination clame, un bon sens au-dessus de son âge. Le sentiment religieux n’a jamais présenté en elle un caractère d’exaltation ; on n’a constaté dans la jeune fille, ni désordre intellectuel, ni altération des sens, ni bizarrerie de caractère, ni affection morbide, qui aient pu la disposer à des créations imaginaires. Elle a vu, non pas une fois seulement, mais dix-huit fois ; elle a vu d’abord subitement, alors que rien ne pouvait la préparer à l’événement qui s’est accompli, et durant la quinzaine, lorsqu’elle s’attendait à voir tous les jours, elle n’a rien vu pendant deux jours, quoiqu’elle se trouvât dans le même milieu et dans des circonstances identiques. Et puis, que se passait-il pendant les apparitions ? Il s’opérait une transformation dans Bernadette ; sa physionomie prenait une expression nouvelle, son regard s’enflammait, elle voyait des choses qu’elle n’avait plus vues, elle entendait un langage qu’elle n’avait plus entendu, dont elle ne comprenait pas toujours le sens, et dont cependant elle conservait le souvenir. Ces circonstances réunies ne permettent pas de croire à ne hallucination ; la jeune fille a donc réellement vu et entendu un être se disant l’Immaculée-Conception ; et, ce phénomène ne pouvant s’expliquer naturellement, nous sommes fondé à croire que l’apparition est surnaturelle.