Catéchèse après le baptême, dans De mysteriis.
Entré donc pour rencontrer ton ennemi à qui tu as pensé qu'il fallait résister en face, tu te tournes vers l'Orient, car qui renonce au diable se tourne vers le Christ, il le regarde bien en face.
Qu'as-tu vu ? De l'eau, oui, mais pas seulement cela : les lévites qui faisaient là leur service, le grand- prêtre qui interrogeait et qui consacrait. Tout d'abord l'apôtre t'a appris qu'il ne faut pas regarder ce qu'on voit, mais ce qu'on ne voit pas, car ce qu'on voit est temporel, tandis que ce qu'on ne voit pas est éternel. Tu trouves encore ailleurs : « Les choses invisibles de Dieu, depuis la création du monde, sont comprises au moyen de ce qui a été fait. Sa puissance éternelle aussi et sa divinité sont estimées d'après ses oeuvres ». Aussi le Seigneur lui-même dit-il : « Si vous ne me croyez pas, croyez du moins mes œuvres ». Crois donc qu'il y a là la présence de la divinité. Tu crois à son action, tu ne crois pas à sa présence ? D'où viendrait alors l'action, si la présence ne la précédait ?
Considère cependant comme il est vieux ce mystère figuré d'avance à l'origine même du monde. Au commencement, quand Dieu fit le ciel et la terre, l'Esprit, dit-on, planait sur les eaux. Lui qui planait sur les eaux, n'agissait-il pas sur les eaux ? Que dirai-je ? Il agissait. Quant à la présence, il planait. N'agissait-il pas celui qui planait ? Sache qu'il agissait lors de cette création du monde, puisque le prophète te dit : « Par la parole du Seigneur les cieux ont été établis et toute leur puissance par le souffle de sa bouche ». Les deux choses s'appuient sur un témoignage prophétique : il planait et il agissait. Qu'il planait, Moïse le dit, qu'il agissait, David en est témoin.
Voici un autre témoignage. Toute chair avait été corrompue à cause de ses iniquités. « Mon Esprit, dit Dieu, ne restera pas dans les hommes, parce qu'ils sont chair ». Dieu montre par là que l'impureté de la chair et la souillure d'une faute assez grave détournent la grâce spirituelle. Aussi Dieu, voulant remplacer ce qui manquait, fit le déluge et ordonna au juste Noé de monter, dans l'arche. Celui-ci, quand le déluge se retirait, lâcha tout d'abord un corbeau qui ne revint pas. Puis il lâcha une colombe qui, lit-on, revint avec un rameau d'olivier. Tu vois l'eau, tu vois le bois, tu aperçois la colombe, et tu doutes du mystère ?
C'est donc l'eau où la chair est plongée pour effacer tout péché de la chair. Tout forfait y est enseveli. C'est le bois auquel fut attaché le Seigneur Jésus quand il souffrit pour nous. C'est la colombe sous l'aspect de laquelle descendit l'Esprit-Saint, comme tu l'as appris dans le Nouveau Testament, c'est lui qui t'inspire la paix de l'âme, la tranquillité de l'esprit. Le cor-beau est l'image du péché qui s'en va et ne revient pas, pourvu qu'en toi aussi persévèrent l'observance et l'exemple du juste.
Il y a encore un troisième témoignage, suivant l'enseignement de l'apôtre : « Nos pères furent tous sous la nuée, tous ont traversé la mer et tous ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer ». Puis Moïse lui-même dit dans son cantique : « Tu as envoyé ton Esprit et la mer les engloutit ». Tu remarques qu'alors déjà se trouve figuré d'avance le saint baptême dans ce passage des Hébreux où l'Égyptien périt, tandis que l'Hébreu échappa. Quel autre enseignement recevons-nous par là chaque jour, sinon que la faute est engloutie et l'erreur abolie, tandis que la piété et l'innocence demeurent intactes ?
Tu entends que nos pères furent sous la nuée, et sous une bonne nuée qui refroidit l'incendie des passions charnelles. Une bonne nuée protège ceux que l'Esprit-Saint a visités. Puis il survint sur la Vierge Marie et la puissance du Très-Haut la couvrit de son ombre quand elle enfanta la rédemption pour le genre humain. Et ce miracle a été fait en figure par Moïse.
Si donc l'Esprit-Saint fut présent en figure, ne l'est-il pas en vérité quand l'Écriture te dit : « La Loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ ».
Mara était une source très amère. Moïse y mit du bois et elle devint douce. L'eau en effet sans la mention de la croix du Seigneur ne sert à rien pour le salut à venir ; mais quand elle a été consacrée par le mystère de la croix salutaire, alors elle est préparée pour servir de bain spirituel et de coupe salutaire. De même donc que Moïse, c'est-à-dire le prophète, mit du bois dans cette source-là, ainsi le prêtre met dans celle-ci la mention de la croix du Seigneur, et l'eau devient douce pour la grâce.
Ne crois donc pas seulement les yeux de ton corps. On voit mieux ce qui est invisible, parce que ceci est temporel, tandis qu'on voit là ce qui est éternel, qui ne tombe pas sous les yeux, mais est vu par l'esprit et l'âme.